À PRENDRE OU À LAISSER - L'euphorie du mois de mars a laissé la place au blocage de celui de juillet. Le tout dans un joli paradoxe comme la vie politique sait en réserver parfois : le jour où l'Assemblée nationale adoptait définitivement la loi Travail (après un nouveau 49.3), mercredi 20 juillet, les négociations sur le statut des collaborateurs parlementaires se heurtaient à un désaccord tenace et un refus mutuel de signer en l'état. Avec pour seul espoir de résolution, ou presque, que l'été porte conseil à tout le monde.
L'histoire commençait pourtant bien. "Mettez le champagne au frais !", avait joyeusement célébré le Syndicat national des collaborateurs parlementaires (SNCP-FO) en mars, à l'annonce de négociations historiques sur leurs conditions de travail. Employés sous contrat de droit privé par leurs députés respectifs, les "collabs" ne bénéficient d'aucun accord collectif. Pour en négocier un, il a fallu que se constitue un collège de députés-employeurs, une association qui a donc vu le jour il y a quatre mois. Cette dernière a ensuite mandaté la députée PS de Nantes et questeure Marie-Françoise Clergeau pour mener les discussions en son nom.
# Des avancées mais un blocage
Ces tractations ont eu lieu lors de cinq réunions jusqu'ici, à la recherche d'un compromis. Mais "le champagne, on peut le ranger", ironise Elsa Foucraut, secrétaire générale du SNCP-FO. Si de réelles avancées ont été négociées autour du temps de travail (avec un forfait-jours censé encadrer les dérives des heures supp) ou de la ré-instauration d'une prime de précarité en fin de mandat pour tous (supprimée en 2010), c'est - attention, symbole - sur la question du dialogue social et de la pérennité de l'accord que le tout achoppe pour le moment.
Les organisations de collaborateurs, qui représentent environ la moitié de ces quelque 2.000 "petites mains" de l'Assemblée, réclamaient en effet la mise en place de commissions paritaires de renégociation. Le but : assurer "un vrai cadre de dialogue social" selon Elsa Foucraut, qui y voit le moyen d'empêcher que l'accord puisse être remis en cause en cas de changement de majorité aux élections législatives. Refus de Marie-Françoise Clergeau, qui a proposé en retour un "accompagnement" qui consisterait en "un bilan qualitatif et quantitatif".
# "Enjeu d'exemplarité"
"J'ai formulé cette avancée d'une manière qui ne leur convient pas tout à fait", concède l'élue socialiste, qui fait valoir un "équilibre très difficile à trouver" et un compromis qui satisfait "tous les groupes politiques" de l'Assemblée représentés dans le collège de députés-employeurs. Si elle garde sa "porte ouverte", elle indique cependant pas ne pas être prête à plus de concessions :
"Les propositions que je pouvais faire ont été faites. Les vacances sont un moment de détente et de réflexion. Je compte sur la sagesse des organisations syndicales et l'intérêt de tous les collaborateurs à ce que cet accord soit signé. À eux de revenir vers moi.
"
Elle assure toutefois, au sujet des craintes des collaborateurs sur un éventuel retour en arrière après 2017 : "Ils ont raison, mais quoi qu'on mette dans l'accord à ce sujet, cela ne pourra pas garantir l'irréversibilité des mesures approuvées."
Du côté du SNCP-FO, le "cœur du problème" est pourtant bien là. "On préfère signer un accord de compromis mais durable tout de suite, que quelque chose de plus satisfaisant mais fragile", explique Elsa Foucraut. Selon elle, ce désaccord révèle un "décalage" entre "l'enjeu d'exemplarité" de ces négociations pour l'Assemblée et la réalité des discussions. Elle peste :
"C'est un peu comme un patron qui refuse de négocier avec ses salariés.
"
Et de souligner que tout cela se passe précisément "là où s'écrit la loi".
Avec la fin de la session extraordinaire, l'Assemblée est en vacances à partir de ce vendredi. Le round final se jouera donc à la rentrée. Et pour une sortie par le haut, il semblerait que l'une des deux parties doive forcément plier.
À LIRE SUR LEMONDE.FR : Qui sont les assistants parlementaires, profession sans statut ?