Stéphane Le Foll n'a pas du tout, mais pas alors pas du tout, apprécié que l'on s'invite chez lui, dimanche soir. Ce mardi 23 janvier sur France Inter , le ministre est revenu sur l'invasion de son jardin par des agriculteurs mécontents, dans sa propriété du Mans. Qui plus est, la photo du ministre, les bras croisés, l'air visiblement irrité, face aux agriculteurs, a fait le tour des réseaux sociaux le lendemain. "Ca fait beaucoup rire et il y a plein de petites photos qui tournent". Et ça non plus, ça ne l'a pas du tout fait rire. Il dit, d'un ton agacé :
"C'est ma maison, j'estime qu'il devrait y avoir un minimum de respect, hein ? Personne n'en parle. Tout le monde s'en fout !
"
Ce soir-là, "je suis sorti et j'ai discuté parce que je me défilerai pas. Il y avait trente agriculteurs, j'étais tout seul. Le service d'ordre n'est intervenu qu'après coup mais les journalistes étaient bien présents", raconte-t-il. Difficile de savoir si sa colère était dirigée contre ces derniers ou contre les agriculteurs. Peut-être un peu des deux. Son intervieweuse, qui peine à poser des questions et se voit assez sèchement couper la parole, en a fait les frais. "Stéphane Le Foll, il vous dit ce matin que de temps en temps, on peut rappeler que même si je suis ministre et que j'ai une maison, j'ai une famille, j'ai droit aussi au respect, d'accord ?", martèle-t-il.
Stéphane Le Foll se dit "bien conscient" des difficultés de l'agriculture française "mais je le rappelle, un peu de respect, ça ne nuit à personne". En d'autres termes, rien qui justifie que des dizaines d'agriculteurs viennent sonner chez vous, tout ministre de l'agriculture que vous soyez, munis d'un cercueil sur lequel est écrit :" Mort pour la France". Et comme on le lui fait remarquer, le ministre n'exclue pas que d'autres incidents de ce type se multiplient à l'approche du Salon de l'agriculture, alors que plusieurs personnalités, dont José Bové, ont manifesté leur intention de ne pas y participer.
S'il se radoucit à mesure que l'interview avance, Stéphane Le Foll ne peut contenir son irritation quand on lui rappelle les propos d'un agriculteur, selon lequel le ministre ne "pouvait rien". "Que peut le ministre l'agriculture ?", lui demande la journaliste. Réponse :
"- Stéphane Le Foll : Mais tout, bien sûr, madame ! Comme le rappelait Dominique Seux [chroniqueur économie sur France Inter] tout à l'heure, quand on parle du pétrole, d'énergie, des produits agricoles, tout ! Et en même temps, le temps que les choses changent, ça prend du temps. Est-ce qu'on peut comprendre ça ?
- Journaliste : Mais ça fait trente ans que l'agriculture française décline...
- Stéphane Le Foll : Mais c'est pas vrai ! Alors ça, ce matin, première bêtise !
- Journaliste : Je vous remercie...
- Stéphane Le Foll : Oui, mais je vais vous le dire ! Derniers chiffres d'Eurostat : quelle est la première agriculture d'Europe, madame ?
- Journaliste : Nous restons, monsieur, la première agriculture d'Europe. Ne sommes-nous pas en train de décliner ?
- Stéphane Le Foll : ...avec 18%. L'Allemagne, qui est montrée comme en progression, en train de nous dépasser, est à 14% ! (...) Donc, nous sommes toujours la première agriculture d'Europe.
"
Quand il s'agit de faire passer le message, le ministre de l'agriculture a une façon bien à lui d'appuyer son propos.
Stéphane Le Foll est d'ailleurs un habitué de ce type de coups d'éclat. S'il a accueilli avec un air réjoui le réveil matin et la pelle "pour le trou dans la trésorerie dans nos exploitations" que des jeunes agriculteurs lui ont offert, il lui arrive régulièrement de perdre patience face aux questions des journalistes. Que ce soit face à Olivier Mazerollequi lui demande s'il peut rester ministre face à la colère des agriculteurs, ou quand on lui demande des précisions sur la déchéance de nationalité lors d'un point presse consécutif au conseil des ministres. En ce moment, Stéphane Le Foll a parfois du mal du mal à garder son calme.