Transparence bancaire : quand Pierre Moscovici prônait l’inverse de François Hollande

Publié à 13h05, le 11 avril 2013 , Modifié à 15h00, le 11 avril 2013

Transparence bancaire : quand Pierre Moscovici prônait l’inverse de François Hollande
Pierre Moscovici et François Hollande. (Reuters)

BOITE A ARCHIVES – Il y a un avant et un après l’affaire Jérôme Cahuzac. Une rupture qui concerne la transparence de la vie publique mais aussi la transparence bancaire vis-à-vis des paradis fiscaux. Et sur ce dernier point, la position de l’exécutif a évolué en trois mois.

Le Lab a retrouvé ce que disait Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des finances, en février devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. Et l’a comparé avec les annonces de François Hollande, mercredi. 

Résultat : un discours beaucoup plus radical dans la bouche du chef de l’Etat, prônant une totale transparence des banques concernant leurs filiales à l’internationale. Une transparence que réfutait, il y a trois mois, le boss de Bercy, estimant alors qu’une telle mesure nuirait à la compétitivité des banques françaises

>> Elargir la liste des paradis fiscaux : d’accord …

Auditionné par la commission des finances en début d’année, Pierre Moscovici racontait alors, selon le compte-rendu figurant dans le rapport présenté par la députée socialiste Karine Berger sur le projet de loi de séparation et de régulations des activités bancaires, enregistré à l’Assemblée nationale le 7 février, que "nous disposons déjà d’outils, dont l’un est la liste des Etats et des territoires non coopératifs en matière fiscale". 

Mais le ministre soulevait alors l’une des entraves rencontrées : 

Huit Etats seulement y figurent, et de petite taille.

Je suis ouvert à une mesure de transparence qui consisterait à définir un champ de pays plus large.

Dans son intervention post-Conseil des ministres, mercredi 10 avril, François Hollande abonde dans ce sens :

La France établira chaque année une liste des paradis fiscaux. Elle l’établira en fonction, non seulement de signatures de conventions avec les pays, mais de la réalité, de l’effectivité des informations qui seront données.

Je n’hésiterai pas à considérer comme un paradis fiscal, tout pays qui refuserait de coopérer pleinement avec la France.

>> … mais quelle transparence ?

Pour ce qui est de la lutte contre les fraudes fiscales et le rôle des banques, Pierre Moscovici mettait en garde contre une mesure de transparence exacerbée qui pourrait nuire à la compétitivité des banques françaises

Ce qu’expliquait ainsi le ministre de l’Economie :

Pour ce qui est des banques, on cherche moins à éviter l’optimisation fiscale qu’à déterminer si par son activité, un établissement bancaire peut être suspecté de fraude ou de blanchiment.

Et d’ajouter, précisant sa méfiance :

Pour ce qui est des informations que les banques devraient communiquer, il faut prendre garde à ne pas tomber dans l’excès inverse, qui conduirait à faire dévoiler des informations dont la pertinence est faible mais dont la publication pourrait fragiliser des établissements confrontés à une vive concurrence.

Depuis cette prise de position de Pierre Moscovici, l’affaire Cahuzac et sa mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale a remis la lutte contre cette fraude au gout du jour. Et à l’agenda politique. Cette affaire a ouvert, selon Transparency international, une "fenêtre de tir historique".

Une "fenêtre de tir"dans laquelle s’est engouffrée François Hollande, mercredi 10 avril, en faisant trois séries d’annonce, dont une sur la lutte contre les paradis fiscaux.

Le chef de l’Etat s’attaque ainsi aux banques, mais diverge des propos de son ministre des Finances devant les députés. "Il ne sera pas possible, pour une banque, de dissimuler une transaction effectuée dans un paradis fiscal", a-t-il ainsi promis, plaidant pour une plus grande transparence, loin de la mise en garde de Pierre Moscovici contre "l’excès inverse".

Et François Hollande de raconter, en contradiction flagrante avec les propositions de Pierre Moscovici : 

Les banques françaises devront rendre publique, chaque année, la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde, et pays par pays. Elles devront indiquer la nature de leurs activités.

En d’autres termes, il ne sera pas possible pour une banque de dissimuler les transactions effectuées dans un paradis fiscal.

L’ensemble de ces informations seront publiques et à la disposition de tous. Je veux que cette obligation soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et, demain, étendue aux grandes entreprises.

Du rab sur le Lab

PlusPlus