Trois mois plus tard, Vincent Peillon et Pierre Gattaz s'écharpent encore sur le bac de Sciences économiques et sociales

Publié à 16h09, le 06 septembre 2013 , Modifié à 16h10, le 06 septembre 2013

Trois mois plus tard, Vincent Peillon et Pierre Gattaz s'écharpent encore sur le bac de Sciences économiques et sociales
Vincent Peillon et Pierre Gattaz le 3 septembre 2013. (François Lafite/MaxPPP)

RATTRAPAGES - Au début de l'été, Pierre Gattaz, tout juste nommé président du Medef, avait raillé le sujet du bac passé par "sa plus jeune fille". A l'heure de la rentrée, le sujet incriminé fait son retour sur la table lors d'un débat avec le ministre de l'Education, Vincent Peillon.

Invités à débattre par Enjeux Les Echos, le ministre et le patron des partons ont affiché leur divergence de vue sur la nécessité des conflits sociaux.

Lors de son discours d'investiture, le 3 juillet, Pierre Gattaz avait choisi un exemple bien particulier pour montrer que l'entreprise "est toujours incomprise dans notre pays" :

Ma plus jeune fille vient de passer son Bac (et l’aura je l’espère). Son sujet de Sciences Economiques et Socialesétait "Vous montrerez de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale..."

Comme si, dans notre pays, la cohésion devait nécessairement passer par le conflit contre l’entrepreneur !

Comment au XXIe siècle peut-on encore avoir une vision de ce type, aussi caricaturale, aussi dogmatique, aussi éloignée de la réalité ?

Un véritable "aveu d'échec collectif", assène-t-il :

Là aussi, il nous faut reprendre notre action en la matière, de manière résolue, ouvrir nos entreprises aux jeunes, aux enseignants, montrer, expliquer, être tenace dans l’action, exemplaire dans la démarche.

Il faut que les Français comprennent l’économie.

Le bon mot, qui a fait éclater de rire l'audience de quelques 500 patrons présents, a aussi provoqué la colère de certains professeurs de SES, notamment l'Association des professeurs de sciences économiques et sociales, l'Apses.

Cette dernière, par la voix de sa présidente Marjorie Galy, interrogée par Le Monde, avait renvoyé le nouveau président du Medef à ses études. La présidente lui conseille :

Soit de se mêler moins de l'enseignement des sciences économiques et sociales, soit de se plonger sérieusement dans la discipline. (...)

M. Gattaz entend une exhortation à la lutte des classes dans un sujet qui fait référence à Simmel et Coser, pour qui les conflits pacifient la société en offrant un exutoire aux tensions.

Fermez le ban ? Non. Dans la version papier des Enjeux Les Echos, le président du Medef revient sur ces propos polémiques, après que Vincent Peillon eut affirmé, un poil dogmatique, que"la place de la conflictualité est au centre de toutes les théories économiques".

Le ministre de l'Education avait tacitement exprimé son accord avec l'intitulé du sujet de Bac incriminé, "vous montrerez de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale" :

Ce débat, on le relance depuis des années. En l'occurrence, il s'agissait d'un sujet du bac sur la crise.

Je suis un homme de gauche, mais je vais vous citer un exemple de droite. En 1968, les accords de Grenelle ont été signés après une crise.

L'intervieweur l'interrompt, pointant qu'il s'agissait dans l'intitulé de "conflits sociaux". Vincent Peillon poursuit la démonstration :

On peut polémiquer, critiquer les enseignants, les patrons qui traitent mal leurs salariés, mais moi, je pense que l'on a une responsabilité supérieure à ces vaines querelles.

Interrogé à son tour, Pierre Gattaz persiste et signe. A la question "regrettez-vous vos propos sur les professeurs d'économie", il rétorque:

Non, absolument pas. Je suis en profond désaccord avec ce qui vient d'être dit. Moi, je suis dans un mode de conquête, d'une France qui gagne.

Or malgré les immenses défis que l'on doit relever, on considère qu'il faut toujours du conflit social pour avancer.

Regardez ce qui se passe en Allemagne, en Suède, en Autriche... Ont-ils besoin de conflits sociaux permanents ? Non.

La droite ou le Medef évoque souvent l'exemple des pays nordistes et de l'Allemagne pour affirmer que le climat social est beaucoup plus conflictuel en France, ce dont ils imputent la responsabilité aux syndicats de salariés.

Mais l'enseignement des Sciences économiques et sociales, jugées plus sociales qu'économiques, fait aussi fréquemment l'objet d'attaques de la droite.

En mars dernier, le secrétaire national de l'UMP Charles Beigbeder avait affirmé au site Atlantico que"près de la moitié des professeurs de SES adhèrent aux thèses marxistes éculées du syndicat trotskiste Apses".

En janvier, c'était un communiqué de l'UMP signé par le président des Jeunes Actifs Franck Allisio, qui dénonçait "le sectarisme de certains manuels scolaires et de certains professeurs d’économie au lycée". Des professeurs accusés, là encore, de dogmatisme :

Professeurs d'économie qui ont, pour leur part, leur ancien testament marxiste, leur évangile par Keynes et par Bourdieu et leur croisade anti-entreprise et anti-mondialisation.

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