INSTANT #QAG - Cela reste finalement assez rare pour se rapprocher de l'incident de séance. Durant les questions au gouvernement mercredi 11 mai, des députés LR ont ostensiblement quitté l'hémicycle de l'Assemblée nationale pour protester contre une réponse de Najat Vallaud-Belkacem sur l'éducation et les différentes réformes du quinquennat en ce domaine (rythmes scolaires, réforme du collège...).
C'est le député d'opposition Alain Suguenot qui avait interrogé la ministre de l'Éducation nationale.
Avec un calme olympien, l'élu de Côte-d'Or a livré ce réquisitoire ultra-offensif contre son action rue de Grenelle :
"La semaine dernière, vous avez tenu en grande pompe les journées de la refondation [de l'école], rassemblement très médiatique aux allures de bilan et de satisfecit gouvernemental, alors que les différends avec les enseignants, les parents et les élus ne cessent de se multiplier. Je ne parle même plus de l'échec des rythmes scolaires, souligné par un rapport de l'inspection générale finalisé depuis plus d'un an mais toujours non publié et qui semble s'être perdu en chemin. Il est vrai que ce rapport est un réquisitoire sur l'efficacité pédagogique de cette réforme et bien sûr sur le coût qu'elle représente pour les collectivités, les familles et la fatigue des élèves. Vous connaissez le trouble que provoque également la réforme des collèges. Il est vrai que pour beaucoup, vos réformes sont destructrices. Vous n'avez de cesse, madame la ministre, de vous battre contre tout ce qui représente l'éducation et l'enseignement traditionnels, comme si vous souhaitiez un monde sans mérite ni autorité.
Les journées de la refondation ne trompent personne, nous avons bien compris qu'il s'agissait d'un plan de communication, ces journées ayant surtout évité un certain nombre de questions structurelles qu'il est pourtant urgent d'aborder, comme le positionnement central de l'enseignant dans l'école, la réforme d'un ministère complètement coupé des réalités et la montée en puissance inquiétante du communautarisme. Ma question est donc simple : quand allez-vous enfin aborder ces vrais sujets ? Je crains que la seule augmentation de 800 euros de nos instituteurs, pourtant méritée, ne suffise pas en effet à revaloriser l'école et à rassurer ceux qui croyaient que l'école devait être une priorité et que vous ne cessez de décevoir.
"
Voilà qui a visiblement piqué au vif Najat Vallaud-Belkacem, qui a répondu d'un ton nettement plus offensif :
"Merci pour votre question que j'ai écoutée avec la plus grande attention. Donc j'en retiens que vous considérez comme juste et méritée l'augmentation du salaire des professeurs d'écoles MAIS que vous nous reprochez de l'avoir réalisée. J'en retiens que vous estimez que ces dernières années, l'école française a été dévalorisée MAIS que dans un fâcheux trouble amnésique, vous oubliez que c'est d'avoir détruit 80.000 postes dans l'éducation nationale, sans compter la formation des enseignants, et d'avoir préféré le curé à l'instituteur pour transmettre les valeurs aux élèves, qui l'a dévalorisée.
J'en retiens que vous aimez l'excellence mais que rien ne vous choque à voir sortir du système scolaire sans qualifications un élève sur quatre. J'en retiens que vous aimez le mérite mais que rien ne vous choque à voir le déterminisme social l'emporter 100 fois plus que le véritable mérite dans notre école actuelle. J'en retiens que la fatigue des enfants, désormais scolarisés sur cinq jours au lieu de quatre, vous émeut, mais que lorsqu'on les pressurait sur quatre journées avec des dégradations de résultats scolaires qu'on connaissait, ça, ça ne vous faisait ni chaud ni froid. Bref, j'en retiens que votre raisonnement, s'il faut l'appeler ainsi, manque cruellement de cohérence, de lucidité et de bonne foi, et j'en suis sincèrement désolée.
"
Et c'est cette référence au discours de Nicolas Sarkozy au Palais du Latran en 2007 (lorsque le chef de l'État d'alors avait considéré que "dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur"), qui a particulièrement provoqué la colère de plusieurs élus de droite, qui ont alors manifesté leur opposition en quittant l'hémicycle.
Parmi ces 20 ou 30 protestataires : Alain Suguenot donc, mais aussi Valérie Boyer, Georges Fenech ou Julien Aubert. Après cet incident, la séance s'est néanmoins conclue normalement.
[Edit 17h30]
Plusieurs députés de droite ont ensuite accusé Najat Vallaud-Belkacem d'avoir provoqué l'incident, dénonçant sur Twitter sa "suffisance" ou son "manque de tempérance et de sang-froid" :
Mme Vallaud Belkacem a manqué singulièrement de mesure, de tempérance et de sang-froid aujourd'hui à l'AN #DirectANhttps://t.co/IkA7T8ovG7
— Patrick Hetzel (@patrickhetzel) 11 mai 2016
Et les députés outrés par tant de suffisance de la part de @najatvb ont quitté l'hémicycle https://t.co/fO5VCnpHJu
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) 11 mai 2016