Le 14 juillet n'est pas qu'une journée symbolique au cours de laquelle on célèbre la nation en admirant le défilé des militaires sur les Champs Élysées ou en dansant dans des fêtes musicales et pyrotechniques. Pour Les Républicains, le 14 juillet est aussi et surtout l'occasion de critiquer François Hollande. Vous nous direz, cela ne change pas beaucoup des 364 autres jours de l'année. La seule différence est que le 14 juillet, le chef de l'État donne une interview télévisée , offrant à l'opposition de la matière toute fraîche sur laquelle se jeter.
Avant d'observer (et de critiquer) l'interview du président de la République, ce jeudi à 13h, Les Républicains ont décidé de se remémorer les anciennes. Les voici donc en train de reprendre certaines citations de François Hollande les 14 juillet derniers et de les passer à la moulinette du fact-checking.
Sauf que tout ceci est un métier. Et de la même manière que vous ne voyez pas de journalistes haranguer les foules en promettant de renverser le système et d'agir pour les Français qui en ont marre de tout mais surtout des autres, vous ne devriez pas voir non plus de politiques s'adonner à l'exercice de la vérification des faits. Car ceci est un métier sérieux qui demande rigueur et précision.
Or donc, Les Républicains, en voulant mettre en lumière des "mensonges" de François Hollande, ont fait un peu n'importe quoi, donnant lieu à un fact-checking un peu foireux que l'on vous décortique ici.
- 14 juillet 2012
Le #14juillet 2012, @fhollande promettait que le site PSA d'Aulnay ne fermerait pas... ➡ #Mensonge#14juillet2016pic.twitter.com/ZEstYDQDWv
— les Républicains (@lesRepublicains) 14 juillet 2016
Deux jours avant la Fête nationale 2012, PSA annonçait la fin de la production de l'usine d'Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, où travaillaient alors 3.000 personnes. Le constructeur français prévoyait également la suppression de 8.000 postes en France.
Mais la phrase de François Hollande le 14 juillet est un tout petit peu tronquée par LR. Voici ce qu'a déclaré François Hollande exactement :
"- Claire Chazal : Des plans sociaux ont été annoncés notamment cette semaine qui ont provoqué un choc chez Peugeot avec 8.000 suppressions d'emploi à terme. Tout simplement que pouvez-vous faire pour le constructeur automobile. Est-ce que l'État peut intervenir et est-ce que vous le souhaitez ?
- François Hollande : Oui. Vous avez prononcé le mot, c'est un choc, choc pour les salariés qui vivent une annonce tellement brutale qu'ils ont du mal à prendre toute la dimension. C'est un choc pour les villes concernées, Aulnay, Rennes. Et puis c'est un choc aussi pour les sous-traitants, on les oublie, beaucoup d'entreprises de toutes tailles qui vivent de l'industrie automobile. Vous me posez la question : Est-ce que l'État peut rester indifférent ? Non.
- Claire Chazal : Lionel Jospin avait dit à l'époque : 'L'État ne peut pas tout faire'.
- François Hollande : L'État ne laissera pas faire. Ce plan annoncé par Peugeot était déjà une rumeur il y a plusieurs mois, il y a même plus d'un an.
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Peu après, François Hollande énonce les décisions du gouvernement comme la nomination d'un expert "pour connaître la réalité de la situation de Peugeot et les justifications". Le président de la République annonce également que "le plan en l'état n'est pas acceptable et doit être renégocié". "Je souhaite que le gouvernement joue tout son rôle. Le ministre a déjà pris des initiatives, Arnaud Montebourg, le Premier ministre aussi. Mais si les syndicats de salariés veulent me rencontrer, je les verrai", ajoute-t-il, précisant qu'un "plan stratégique pour l'industrie automobile" sera présenté en conseil des ministres le 25 juillet 2012.
Puis vient un instant qui a dû échapper à Les Républicains :
"- Laurent Delahousse : Est-ce que l'État pourrait aller jusqu'à interdire la fermeture du site d'Aulnay ?
- François Hollande : Non. Mais l'État, avec les moyens de pression qui peuvent être les siens, sur le chômage partiel, la formation professionnelle, sur aussi les crédits que nous pouvons apporter à une banque qui est liée à Peugeot, nous pouvons faire en sorte qu'Aulnay reste un site industriel, de la même manière qu'il doit y avoir des garanties sur la pérennisation du site de Rennes.
- Claire Chazal : Quand Arnaud Montebourg par exemple dit : 'Je refuse ce plan que présente Peugeot', est-ce que ce n'est pas un peu incantatoire, est-ce que ce n'est pas un vœu pieux ?
- François Hollande : Je l'ai dit : ce plan, en l'état, n'est pas acceptable donc il ne sera pas accepté. À partir de là, il faut engager une concertation pour qu'il n'y ait aucun licenciement sec chez Peugeot, qu'il y ait des solutions qui soient proposées pour chaque salarié, que le nombre de suppression d'emploi soit réduit, qu'il y ait la recherche d'alternative à ces suppression d'emploi.
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A voir ci-dessous en vidéo (à partir de 3'50"):
À aucun moment, François Hollande ne dit donc : "L'État ne laissera pas faire la fermeture du site PSA à Aulnay-sous-Bois". C'est même plutôt l'inverse.
Au final, l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois a fermé à l'automne 2013. Sur les 3000 salariés du site, 1.118 ont été mutés au sein du groupe, 1.300 ont quitté PSA (mobilités externes, reclassement, licenciements) et 270 sont parti à la retraite, précisait Le Parisien en décembre 2015.
- 14 juillet 2013
Le #14juillet 2013, @fhollande déclarait que la reprise était là... ➡ #Mensonge#14juillet2016pic.twitter.com/PMW4jv87Sv
— les Républicains (@lesRepublicains) 14 juillet 2016
François Hollande avait en effet un peu surpris tout le monde en lançant, le 14 juillet 2013 sur TF1 et France 2, "la reprise, elle est là" . Mais après une croissance nulle en 2012, le 0,3% de croissance relevé par l'Insee pour l'année 2013 en France témoigne bien d'une reprise, même insignifiante, ridicule, quasiment inexistante.
En septembre 2013, l'OCDE confirmait même les annonces du chef de l'État en prévoyant un retour de la croissance en France pour l'année 2013.
En 2014, la croissance française a été de 0,2, puis de 1,1% en 2015 . "2015 a été l'année de la reprise", avait déclaré, à la fin de l'année dernière, Michel Sapin.
Le constat dressé par LR est donc aussi erroné.
- 14 juillet 2014
Le #14Juillet 2014, @fhollande promettait des baisses massives d'impôts pour 2015... ➡ #Mensonge#14juillet2016pic.twitter.com/bJ8p9lHXEB
— les Républicains (@lesRepublicains) 14 juillet 2016
Face à David Pujadas et Gilles Bouleau, François Hollande évoque le sujet des impôts, un dossier qui, de l'aveu même du président de la République, est "sensible". Mais cette fois, le chef de l'État a de bonnes nouvelles. "En 2014, une partie de ceux qui payaient l'impôt sur le revenu n'en paieront plus", dit-il, rappelant que trois millions de Français seront moins prélevés et qu'un million sortiront de l'impôt . Il ajoute :
"Nous ferons en sorte qu'il y ait plusieurs centaines de milliers de Français qui payent moins d'impôts. Mais je vous ferai connaître les décisions le moment venu car je ne veux pas promettre ce qu'il ne serait pas possible de tenir.
"
Pour expliquer que François Hollande ment en annonçant des baisses d'impôts pour "plusieurs centaines de milliers de Français" en 2015, Les Républicains parlent de l'augmentation des prélèvements obligatoires entre… 2012 et 2015.
Surtout, depuis 2013, on observe une forte baisse du nombre de foyers fiscaux imposés sur le revenu . En 2015, les allègements fiscaux devaient faire sortir de l'impôt sur le revenu 3 millions de foyers. Moins de 46% des Français ont payé l'impôt sur le revenu en 2015.
Mercredi 13 juillet 2016, Le journal Les Échos expliquait que "de 2014 à 2016, les baisses d'impôt consenties par l'exécutif permettraient à 12 millions de foyers fiscaux de payer moins d'impôts, voire de sortir de la tranche imposable". Coût estimé de l'opération ? 5 milliards d'euros.
- 14 juillet 2015
Le #14Juillet 2015, @fhollande promettait une baisse durable du chômage... ➡ #Mensonge#14juillet2016pic.twitter.com/QbpNYCWaVm
— les Républicains (@lesRepublicains) 14 juillet 2016
Pour son interview du 14 juillet, l'an dernier, François Hollande avait décidé de répéter une promesse déjà entendue :
"Je serai jugé sur une obligation de résultat. S'il n'y a pas de baisse du chômage, je l'ai dit plusieurs fois, je ne serai pas candidat.
"
Si le nombre de chômeurs a fortement augmenté depuis 2012 et l'élection de François Hollande à la présidence de la République, il est cependant un tout petit peu faux de dire que le chef de l'État ment puisque, à moins que cette information nous ait totalement échappé, il n'est pas encore candidat à sa succession.
Notons également que le chômage a baissé en France en mars et en avril 2016 , de respectivement -1,7% et de -0,6% pour les chômeurs de catégorie A, avant de repartir à la hausse en mai (+0,3%) .