"La dernière fois que j'ai mangé avec lui, il a commencé par six escargots, il a pris une andouillette et il a fini par du boudin noir." L'anecdote est de Jean-Louis Debré. Le président du Conseil constitutionnel est un vieil ami de l'ancien président de la République. Un homme "assez mystérieux, qui parle peu de lui" et qu'il raconte à travers son dernier livre, Le Monde selon Chirac (éditions Tallandier).
Invité d'Europe 1 jeudi 19 mars, celui qui a également été président de l'Assemblée nationale de 2002 à 2007 concède que le temps pèse sur les épaules de l'ex-chef de l'État :
J'ai connu un Chirac plus dynamique. Il vieillit, il est fatigué. La seule chose qui reste, c'est son coup de fourchette.
De quoi vous donner envie de revisionner les plus belles performances de "Chichi" au salon de l'Agriculture, élément dans lequel il évoluait à merveille.
Mais dans son livre, son ami compile surtout les "convictions, réflexions, traits d’humour et portraits" de l'ex-Président, comme le rapportait le JDD le 13 mars. Sur Europe 1, Jean-Louis Debré remonte aux racines de l'engagement politique de l'homme qu'il admire depuis de longues années. Et livre ce commentaire :
Ce qui est très intéressant chez Jacques Chirac, c'est que voilà un homme de gauche qui a commencé sa carrière politique en distribuant l'Humanité devant l'église Saint-Sulpice à Paris, qui va un moment au Parti socialiste avec son ami Rocard [ancien Premier ministre de François Mitterrand, ndlr] mais qui le quitte rapidement, qui à ce moment-là n’adhère pas au gaullisme parce que le RPF, il trouve ça beaucoup trop conservateur, c'est Pompidou qui va l'amener à la politique.
La fiche Wikipédia de Jacques Chirac apporte une version différente de ce bref engagement à gauche au début de ses études à Sciences Po Paris : "Durant cette période, brièvement, il milite dans la mouvance du Parti communiste [...] . Il vend L'Humanité rue de Vaugirard, et participe au moins à une réunion de cellule communiste [...]."
Alors est-il, au fond, "resté un homme de gauche" ? "Il est resté un homme ouvert et ce n'est pas un sectaire, ce n'est pas un idéologue. Il est à l'écoute", assure Jean-Louis Debré. Une ouverture qui l'a conduit (de concert avec son inimitié pour Nicolas Sarkozy), à soutenir François Hollande en 2012 et à entretenir une certaine bienveillance pour l'actuel président de la République (n'en déplaise à Bernadette).
"Quand on est sur la scène politique pendant 40 ans, il y a des évolutions", estime pour sa part Jean-Louis Debré, qui veut surtout retenir la "constance" de cet homme d'État :
On voit à travers de ce qu'il a dit, ce qu'il a écrit pendant 40 ans, qu'il y a une sorte de constance chez Jacques Chirac. [...] Il y a des grands thèmes. Il trouve que l'on n'a pas assez pas approfondi notre dialogue des cultures. Il y a cette lutte qu'il a voulu contre l'immigration illégale pour mieux intégrer l'immigration légale, cette lutte contre toutes les discriminations - la Halde, c'est lui qui l'a créée. Quand on voit qu'il a voulu aider - parce qu'il croit à la laïcité de l'État - tous ceux qui poussaient vers un État encore plus laïc ; c'est lui qui est à l'origine de la loi interdisant le port de signes religieux à l'école, parce qu'il y a la laïcité.
Dans son livre, le vieil ami ressort également de ses archives ce trait d'humour du Président, que le JDD évoquait la semaine dernière :
Bien sûr que je suis à gauche, je mange de la choucroute et je bois de la bière.
Vous n'êtes pas obligé de le croire, mais puisqu'il le dit...