Aurélie Filippetti: Bruxelles est l'ennemi de "l'exception culturelle" française

Publié à 06h56, le 16 novembre 2012 , Modifié à 06h56, le 16 novembre 2012

Aurélie Filippetti: Bruxelles est l'ennemi de "l'exception culturelle" française
Aurélie Filippetti au Forum de la Culture à Avignon le 15 novembre 2012 (Maxppp)

A FRENCH REBELLION  – Bruxelles censure "des principes qui ont pourtant fait leur preuve", à commencer par "l’exception culturelle à la française". Bruxelles privilégie l'internet des réseaux à l'internet des contenus. Et ainsi de suite … .

C’est une ministre de la Culture (très) remontée qui, lors d’un discours sur les relations entre économie et culture prononcé, jeudi 15 novembre, en ouverture du Forum d’Avignon, a clairement fait des politiques de la Commission européennes en matière culturelle une menace à "l'exception cultuelle" à la française.

  1. Attention, danger !

    Les mécanismes qui constituent "l'exception culturelle"à la française sont clairement dans le collimateur de Bruxelles qui, au nom "de la priorité à l’ouverture des marchés et à la concurrence par les prix", en arrive à "censurer un certain nombre de dispositifs qui, pourtant, ont fait leurs preuves".

    Voilà le message délivré par Aurélie Filippetti, ce jeudi 15 novembre, à Avignon, où elle venait inaugurer le Forum d’Avignon, un rassemblement d’acteurs culturels et de représentants du monde privé. 

    La ministre de la Culture et de la Communication a livré à cette occasion un discours résolument offensif contre Bruxelles, aux accents proches de certaines sorties de son collèguedu gouvernement, Arnaud Montebourg.

    La ministre de la Culture et de la communication, qui s’est largement écartée du texte initial du discours (PDF), n’a pas hésité à marteler, à plusieurs reprises :

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    Le combat, il est à Bruxelles.

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    Et de détailler ces "mécanismes vertueux de protection du secteur économique de la création" constitutifs de l’exception culturelle à la française menacés, à ses yeux, par Bruxelles, citant notamment le taux de TVA réduit sur le livre, la question de la politique patrimoniale, ou celle des aides d’Etatà différents secteurs.

    Si Paris devait abandonner ces dispositifs sous la pression de Bruxelles, cela conduirait, assure Aurélie Filippetti, "à des renforcements d’abus de position dominante".

    Autre reproche adressé par Aurélie Filippettià la Commission européenne : sa mauvaise lecture d’internet comme objet politique.

    Elle regrette ainsi :

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    "La Commission européenne a une vision trop réseaux, et pas assez contenus" de la question de la régulation d’internet.

    "

    Bonus track numéro 1 : surtout pas de marques !

    Petit point de mise en scène amusant : Aurélie Filippetti s’exprimait donc lors d’une manifestation parfois présentée comme le Davos de la culture, dont l’un des sponsors est notamment ... Google.

    ( Ici Lors de la rencontre au sommet Google - Elysée, lundi 29 octobre (photo diffusée sur le compte twitter de l'Elysée)

    Cela n’a pas évidemment pas empêché la ministre d’évoquer de manière tout à fait limpide le conflit entre l’Etat, soutenant les éditeurs de presse, et Google – notamment cristallisé lors de la visite en France d’Eric Schmidt, le patron de Google.

    Pour autant, Aurélie Filippetti n'a pas cité à une seule reprise nommément le moteur de recherche américain.

    Voici quelques-unes des périphrases utilisées :

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    Ces grandes entreprises qui utilisent des technologies qui leur permettent d’échapper de manière plus fluide aux régulations,

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    "

    Certains sites agrégateurs de contenus et autres acteurs de l’économie numérique

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    Et cela a été le cas avec de nombreuses autres marques, qui figuraient pourtant dans la version diffusée à la presse du discours.

    Amazon devient ainsi :

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    L’un de ces acteurs qui […] cherche à échapper au financement de la chaîne du livre.

    "

    Nintendo, qui a participé à l’élaboration d’un audioguide sur DS avec Le Louvre, se transforme en :

    "

    Une grande entreprise de jeux

    "

    Et, au lieu d’indiquer son implication dans le dossier Presstalis, elle se contente d’assurer qu’elle a

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    proposé que l’Etat accompagne la restructuration de la distribution de la presse.

    "

    Seule entreprise qui a le droit d’être citée ? Gaumont, dirigée par Nicolas Seydoux, au bras duquel la ministre de la Culture était arrivée :

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    L’accord de numérisation des oeuvres cinématographiques conclu avec Gaumont.

    "

    Bonus track 2 : qui sont les schizos ?

    Manifestement, Aurélie Filippetti n’a pas que des amis chez les grands argentiers de l’Etat, et semble n’avoir toujours pas digéré l’hypothèse, un temps évoquée, d’une soumission des œuvres d’art à l’ISF , ni les rognements de son budget.

    (montage via Maxppp)

    Dans une conclusion, là encore improvisée, elle s’en prend clairement à certains de ces petits camarades du gouvernement pratiquant, à ses yeux, un double langage public / privé :

    "

    Nous sommes trop souvent face à l’incompréhension, ou peut-être une forme de schizophréniede la part de certains qui peuvent, par ailleurs, à titre personnel ou intime, apprécier les œuvres culturelles mais quand il s’agit de décisions, ou l’évaluation de ce qui est important dans l’économie, oublient cette partie pourtant importante de leur personnalité.

    "

    L’élaboration du budget 2013, tant dans sa préparation interministérielle que dans sa phase parlementaire, a été marquée par de nombreuses points de désaccord entre Aurélie Filippetti et son collègue du Budget, Jérôme Cahuzac.

    Petit florilège :

    >> Le 23 octobre, Le Lab raconte comment le CNC devient LE nouveau point de tension entre Cahuzac et Filippetti.
    >> Le 24 septembre, dans Les Echos, Jérôme Cahuzac accusait directement Aurélie Filippetti de "s'être fait conseiller par Jack Lang de dire non à Bercy et non à Matignon pour obtenir l'arbitrage de l'Elysée ". Le tout évidemment en vain, claironnait-t-il.

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