C'est un scénario récurrent de politique-fiction, tout à fait possible du strict point de vue constitutionnel, mais qui contreviendrait totalement aux usages républicains. Rien, dans la loi fondamentale, n'oblige le Premier ministre à démissionner de son poste après l'élection d'un nouveau président de la République. Car le gouvernement (et par extension son chef) n'est responsable que devant l'Assemblée nationale, qui seule peut le destituer en votant une motion de censure. Sur le papier, le résident de Matignon peut donc tout à fait refuser de s'en aller après une alternance présidentielle. Jusqu'ici, ce cas de figure ne s'est toutefois jamais produit. Mais il semblerait que Bernard Cazeneuve soupèse l'idée dans le cadre de l'hypothèse de l'élection à la présidence de Marine Le Pen le 7 mai prochain.
C'est en tout cas ce qu'affirme Challenges jeudi 30 mars, dans une brève signée du journaliste Nicolas Domenach, qui cite le Premier ministre en ces termes :
"Bernard Cazeneuve 'n'a aucunement l'intention de déserter le front de Matignon au cas où Marine Le Pen emporterait la présidentielle'.
"
Toujours selon Challenges, le chef du gouvernement ajoute, comme pour souligner que tout est possible :
"Je n'ai laissé aucune lettre de démission en blanc à la présidence.
"
Autrement dit : ni l'actuel ni le (la) futur(e) chef de l'État ne peut le forcer à quitter son poste. Un tel refus de sa part entraînerait évidemment un sérieux blocage et une impossibilité de gouverner pour le (la) nouvel(le) Président(e), pourtant élu(e) au suffrage universel. Suite à la publication de cet article, l'entourage de Bernard Cazeneuve a cependant démenti auprès du Lab l'existence de tels propos, assurant :
"Le Premier ministre n'a jamais, jamais évoqué ce scénario.
"
Poussons tout de même la logique jusqu'au bout. Face à cette résistance de Bernard Cazeneuve, Marine Le Pen aurait alors deux options. La première serait d'attendre qu'une nouvelle majorité soit élue aux élections législatives du mois de juin (environ un mois et demi après la présidentielle, donc) et que les députés frontistes déposent une motion de censure contre le gouvernement qui, si elle était adoptée, provoquerait la démission de ce dernier. La seconde serait d'invoquer l'article 16 de la Constitution, qui accorde les pleins pouvoir au président de la République.
En tout état de cause, cette non-démission de Bernard Cazeneuve occasionnerait un désordre politique et institutionnel sans précédent sous la Vème République. Un scénario déjà envisagé fin 2015 par le député socialiste Malek Boutih, qui imaginait alors Manuel Valls (qui n'avait pas encore démissionné) rester en poste malgré l'élection de Marine Le Pen.
[Edit 7/04]
Malgré ces démentis du cabinet du Premier ministre, Le Figaro assure également, vendredi 7 avril, que "Bernard Cazeneuve réfléchit à cette hypothèse d'un maintien en poste [à Matignon] jusqu'aux législatives, en cas de victoire de Marine Le Pen" à la présidentielle.
Malgré le démenti du cab de Cazeneuve, Le Fig assure qu'il envisage de rester à Matignon en cas d'élection de Le Pen https://t.co/TBhJh0j6kipic.twitter.com/9S3xjADccj
— Etienne Baldit (@EtienneBaldit) 7 avril 2017