Brexit et migrants : le recadrage clinique de Macron par Cazeneuve (qui touche Hollande par ricochets)

Publié à 10h39, le 04 mars 2016 , Modifié à 10h46, le 04 mars 2016

Brexit et migrants : le recadrage clinique de Macron par Cazeneuve (qui touche Hollande par ricochets)
It's the eeeeeeeye of the recadreur © MIGUEL MEDINA / AFP

RECADRAGE PARTOUT - Parfois, Emmanuel Macron fait polémique. Lorsque cela arrive, François Hollande ou Manuel Valls le remettent régulièrement à sa place. De temps en temps, c'est même le ministre de l'Économie qui *s'autorecadre tout seul*. Et aujourd'hui, Bernard Cazeneuve s'y met. Dans son style caractéristique, (très) calme et (très) froid. Quitte, au passage, à manifester indirectement un certain désaccord avec le président.

# Le recadrage

En cause, les déclarations d'Emmanuel Macron dans le Financial Times mercredi 2 mars, à la veille du sommet franco-britannique réunissant François Hollande et le Premier ministre anglais, David Cameron, rencontre centrée sur le sujet du Brexit. Le ministre, mettant en garde contre la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, a alors prévenu Londres qu'en pareil cas, la France ne retiendrait plus les migrants à Calais et chercherait à attirer les banquiers en France.

On sent bien que Bernard Cazeneuve a très modérément apprécié ces propos. "Comme vous le savez, c'est moi qui suis en charge de ce sujet au sein du gouvernement", réagit-il sur BFMTV vendredi 4 mars, demandant à son collègue de "se consacrer entièrement à sa tâche comme moi je me consacre entièrement à la mienne". Un bon vieux scud qu'il accompagne toutefois d'un épais enrobage de politesse :

 

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Le ministre de l'Economie fait un travail absolument remarquable dans son domaine de compétences, il a beaucoup à faire pour la croissance et relever le pays, ce qui est une tâche considérable et qu'il assume avec beaucoup de talent et de brio.

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Chaque ministre à sa place et les dossiers seront bien gardés, en somme. Et le premier flic de France d'enchaîner, soudain beaucoup plus direct sans pour autant se départir de son self-control :

 

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Par conséquent, sur ce sujet-là, ce ne sont pas de déclarations qui font le buzz dont nous avons besoin, c'est d'une action dans la durée, c'est d'une action persévérante qui donne des résultats.

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Phrase qu'il répétera afin que le message soit bien compris : "Nous avons plutôt besoin d'actions qui donnent des résultats que de phrases qui font le buzz." Le ministre de l'Intérieur se défend toutefois d'avoir ici recadré son camarade : "Ce n'était pas le sens de mon propos." Mais il repart de plus belle :

 

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Le sens de mon propos, c'est que ces sujets sont d'une extraordinaire complexité, que sur les sujets compliqués, il faut travailler beaucoup et parler peu. Je pense que c'est clair, oui.

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Voilà pour la forme. Quant au fond, il rappelle :

 

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Si nous ouvrons demain la frontière, que se passe-t-il ? Ben les Anglais, qui sont maîtres de leur propre frontière, peuvent la bloquer au moment de l'arrivée des migrants en Grande-Bretagne. Ils seront à ce moment-là reconduits en France et j'aurais alimenté un flux et augmenté un stock et aggravé un problème humanitaire.

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Fin de la mise à l'amende.

# Le désaccord indirect

On peut toutefois être surpris de cette saillie cazeneuvienne. Car François Hollande lui-même a plutôt été dans le sens de son "chouchou" de ministre, qu'il ne se prive pourtant plus de rappeler à l'ordre. "Ce n'est pas à la France de faire pression sur les Britanniques pour dicter leurs choix, a-t-il certes estimé. Ce ne serait pas rendre service à David Cameron" dans le militantisme anti-Brexit. Mais le chef de l'État a aussi abondé, jeudi lors de la conférence de presse clôturant le sommet :

 

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Je ne peux pas nier que, si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, il y aura des conséquences dans beaucoup de domaines, sur le marché unique, la circulation des produits et des personnes. Cela ne remettra pas en cause nos relations historiques et amicales, mais cela aura des conséquences sur notre manière de gérer les migrations. [...] Il est normal que, dans toute élection, le vote ait des conséquences

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L'avertissement est bien plus voilé et mesuré mais tout aussi clair que celui proféré par Emmanuel Macron. Les deux hommes disent peu ou prou la même chose, avec un choix des mots certes bien différent. Il semble donc que François Hollande et Bernard Cazeneuve ne soient *pas tout à fait* sur la même longueur d'ondes, ce qui est assez rare pour être souligné.

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