Loi renseignement : le gouvernement victime d'un méchant effet streisand après la suppression de commentaires sur sa page Facebook

Publié à 11h54, le 16 avril 2015 , Modifié à 11h45, le 20 avril 2015

Loi renseignement : le gouvernement victime d'un méchant effet streisand après la suppression de commentaires sur sa page Facebook
Le gouvernement essayant de communiquer sur le projet de loi renseignement sur Facebook © Gif via Tumblr

C'EST BALLOT - Officiellement, c'est la faute à un "dysfonctionnement du système de modération". Depuis mercredi 14 avril, les services du gouvernement sont accusés d'avoir censuré, sur Facebook, des commentaires contredisant sa version du contenu du projet de loi renseignement.

Actuellement débattu à l'Assemblée nationale, ce texte fait l'objet de très nombreuses critiques, tant sur ses aspects techniques que philosophiques (qui se recoupent).

Pour tenter de couper court à ces attaques, le service d'information du gouvernement (SIG) a publié, lundi, un "vrai-faux" sur le sujet, reprenant le format journalistique du fact-checking. Lundi soir, le "vrai-faux" made in SIG était posté sur la page Facebook du gouvernement. Une initiative dans la lignée d'une communication qui se veut, disons, inventive.

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Ce qui devait arriver arriva : plusieurs médias décidèrent de fact-checker ce fact-checking, publiant leurs "vrai-faux du vrai-faux" du gouvernement (Le Monde, Nextinpact et Numerama, notamment).

Et forcément, ces vérifications contredisent *quelque peu* la version officielle de l'exécutif sur cette loi "anti-terroriste". Jusqu'ici, rien de vraiment extraordinaire.

C'est lorsque des internautes, y compris des journalistes, décident de publier ces articles apportant une contradiction dans les commentaires du post Facebook du gouvernement que ça se complique. Ces commentaires gênants ont subi le triste sort, mercredi, d'être systématiquement supprimés de la page gouvernementale, comme l'ont relayé de nombreux internautes :

Effet streisand oblige, cela s'est donc beaucoup vu. Numerama et Rue89 publient alors, mercredi soir, des articles dénonçant cette "censure" opérée, dans le débat public, par les équipes de communication de Matignon.

Dans la soirée, ces dernières publient une explication sur Facebook. Le gouvernement écrit :

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A la suite d'un dysfonctionnement de notre système de modération, des commentaires n'enfreignant pas notre charte ont été modérés sur la page Facebook du gouvernement.



Ce problème est désormais réglé. La page du gouvernement est faite pour vous et nous sommes très attachés à ce qu'elle demeure un espace de dialogue constructif et respectueux. C'est justement ce que permet et protège notre politique de modération.

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De fait, de nombreux commentaires relayant les articles de presse (à la fois sur cette "censure" et sur la vérification de la version officielle du contenu de la loi) sont désormais présents sous le post initial du SIG.

Auparavant, son directeur adjoint, Romain Pigenel, avait assuré sur Twitter qu'il ne s'agissait "ÉVIDEMMENT" pas de "censure" :

Contacté par Le Lab jeudi, le SIG n'a pas répondu à nos sollicitations. Mais ses explications sur Facebook n'ont *pas vraiment* rassuré tout le monde.

Il est vrai qu'à l'heure où les députés discutent de l'opportunité de confier à un algorithme la tâche d'identifier les internautes dont le comportement pourrait laisser penser qu'ils sont en réalité des terroristes, ce "dysfonctionnement du système de modération" sur Facebook est très, très, très ballot.

[Edit 18h05]

Peu avant 18 heures ce jeudi, le gouvernement a posté sur Facebook quelques chiffres relatifs à l'activité de sa page ces trois derniers jours. Précisant qu'il faut prendre en compte une marge d'erreur de 10%, le SIG écrit :

 

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Du mardi 14 avril au jeudi 16 avril, 968 messages ont été postés sur la page Facebook du gouvernement, dont 254 supprimés. Sur ces 254 messages écartés, 52 messages ont été supprimés abusivement alors qu’ils respectaient notre charte de modération (soit 5% de l’ensemble des messages postés). Par ailleurs, 155 autres messages (soit 16% de l’ensemble des messages) ont été supprimés car postés plusieurs fois à la suite et à l’identique, ce qui est contraire à notre charte de modération. Enfin, 47 messages (soit 5%) ont été supprimés car contrevenant à d’autres critères de la charte.

"

Auprès du Lab, le directeur du SIG Christian Gravel explique que le problème résidait dans "une mauvaise interprétation et une utilisation abusive de la charte de modération", de la part du prestataire employé par le gouvernement pour traiter cette activité. Il détaille cette erreur : 

"

Dans notre charte, les commentaires contenant un lien inapproprié sont proscrits donc éliminés. Ceux qui, en l'occurrence, ont été supprimés, contenaient en réalité des liens tout à fait convenables, mais des commentaires sur ces pages étaient problématiques. Par excès de zèle et de précaution, c'est tout le commentaire qui était supprimé par notre prestataire. 

"

 Christian Gravel, qui "assume la responsabilité" de ce cafouillage, martèle que "jamais le SIG n'a eu la volonté de censurer un commentaire, ni n'a donné aucune consigne visant à entraver la liberté de parole et d'expression, tant qu'elle respecte notre charte". Il ajoute : 

"

Surtout sur un texte comme celui-ci, dont on sait très bien qu'il est sensible. Il aurait été totalement irresponsable de vouloir censurer quoi que ce soit. Et ce n'était évidemment pas le cas, mais c'est l'impression que ça a donné.

"

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