NOT IN MY ÉTAT DE DROIT - Manuel Valls avait prévenu, avant la séance de questions au gouvernement de mardi 14 juin, au lendemain du meurtre de deux policiers dans les Yvelines par un individu qui avait prêté allégeance à Daech : "Nous n'allons pas adopter à chaque fois une nouvelle mesure." Un propos en forme de réponse à la droite et l'extrême droite qui, depuis le début de la matinée, réclamaient un renforcement de l'arsenal sécuritaire du pays, à nouveau touché par le terrorisme islamiste, tout en instruisant le procès en "laxisme" du gouvernement. Et le débat s'est poursuivi dans l'hémicycle.
Durant ces QAG, le député LR Éric Ciotti, l'un des plus prolixes dans l'opposition sur les sujets de sécurité, a répété sa demande d'incarcération des personnes fichées S ou de retour de Syrie dans des centres d'internement. Il a d'ailleurs annoncé qu'il allait "déposer une proposition de loi" en ce sens, avec Laurent Wauquiez. Et de demander avec véhémence à Manuel Valls pourquoi il avait "systématiquement refusé les amendements" du groupe LR sur ce sujet, déposés au fil des textes sécuritaires votés ces dernières années. Un ton offensif qui dénotait avec la teneur des échanges très posés de cette séance.
Soulignant d'abord le "travail fort intéressant" conduit, entre autres, par l'élu LR des Alpes-Maritimes dans le cadre de la commission d'enquête sur les attentats du 13 novembre, le Premier ministre a ensuite lui aussi haussé le ton :
"Je n'ai envie d'aucune polémique. [...] Dans ce moments-là, monsieur Ciotti, dans ce moment où les forces de l'ordre sont particulièrement éprouvées, au moment où je vous parle il y a encore des casseurs qui œuvrent dans Paris contre ces forces de l'ordre, au moment où des responsables politiques de notre pays tiennent des discours intolérables contre ces forces de l'ordre, ne soyez pas contradictoire : vous avez voté tous les textes, les 9 textes qui nous ont permis d'être ensemble quand le terrorisme nous attaque. Parce que quand le terrorisme nous attaque, il faut être unis, rassemblés parce que le terrorisme cherche à nous diviser, à nous dresser les uns contre les autres, à mettre en cause l'état de droit, la démocratie.
"
Puis, revenant sur l'idée de mesures sécuritaires supplémentaires, il a lancé :
"Nous sommes prêts à examiner toutes les propositions mais moi je ne veux pas de la peine de mort, ni de Guantanamo, ni de la vente des armes parce que je sais aussi ce que peut donner ce modèle.
"
La référence à la peine de mort s'adresse plus particulièrement au FN, qui promet un référendum sur ce sujet en cas de victoire à la présidentielle de 2017, mais aussi à certains au sein du parti qui réclament d'ores et déjà cette peine pour les individus condamnés pour terrorisme. Quant à Guantanamo, cette mention de la tant décriée prison américaine installée à Cuba vise certainement à balayer l'idée de centres de rétention pour individus fichés S. Ce à quoi il faut ajouter la question de la vente des armes.
Le tout dessinant assez clairement le "modèle" américain, durement touché par le terrorisme ce dimanche par l'attaque d'un club gay d'Orlando... L'ambassadrice des États-Unis, présente en début de séance pour la minute de silence en hommage aux victimes des deux attentats de ces derniers jours, n'était plus dans l'assistance au moment où Manuel Valls a fait sa saillie.
On comprend donc que le Premier ministre n'est pas franchement ouvert sur ces différents points. Il a par ailleurs mis en garde contre toute tentative "d'aventure extra-judiciaire", soulignant à plusieurs reprises que "la démocratie, l'état de droit, et le sang froid" étaient "le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme". "On va jusqu'au bout et on combat le terrorisme droit dans les yeux parce que c'est ce qu'on attend d'une démocratie", a conclu Manuel Valls.
Gageons que ce débat brûlant est loin, très loin d'être clos...