ALERTE BULLSHIT - Renaud Muselier vous offre un cours express de réponse à une question enquiquinante, ce jeudi 23 juin. Le sujet du jour, sur Public Sénat et Sud Radio : la réinvestiture par LR de Patrick Balkany pour les législatives de 2017, malgré quatre mises en examen et une citation dans les "Panama Papers". Et pour l'aborder, l'eurodéputé sarkozyste ne se contente pas d'un classique *c'est peut-être pas moral, mais c'est légal*. Oh que non.
Voici l'ossature de son argumentaire, qui tient en trois points :
1 - Raconter un mensonge
2 - Détourner subtilement l'attention (et refuser de répondre)
3 - Conclure sur quelque chose qui n'a strictement rien à voir
Voyons maintenant tout cela dans le détail.
Alors qu'on lui demande si cette nouvelle investiture est "normale" en dépit des petits soucis judiciaires du député-maire de Levallois-Perret et proche de Nicolas Sarkozy, Renaud Muselier (lui aussi fervent soutien du président de LR) commence par répondre :
"Trois fois mis en examen, jamais condamné encore (sourire). Donc présomption d'innocence. Il y a une thèse chez nous qui est de dire : tous les sortants sont réinvestis, sauf ceux qui se positionnent en permanence contre notre formation politique.
"
"Jamais condamné", Balkany ? Oh seulement quelques fois, ici à de la prison avec sursis, là à deux ans d'inéligibilité, là encore à des amendes ou à payer des dommages et intérêts. Soyons donc réglo, fair play, honnêtes et accordons-lui le bénéfice de la présomption d'innocence après condamnation(s). Logique.
Relancé sur la même question, à savoir s'il est "normal" qu'un élu actuellement visé par quatre mises en examen (pour fraude fiscale, corruption passive, blanchiment de fraude fiscale et déclarations mensongères) et de nouveau, comme le révèle France Bleu ce 23 juin, suspecté de pratiques illicites en sa mairie par la chambre régionale des comptes, soit ainsi automatiquement soutenu par son parti, Renaud Muselier concède :
"Noooon, c'est... Le peuple français l'a condamné, et donc on est à contre-courant de l'opinion générale.
"
Mais ce n'est que pour allumer aussitôt un contre-feu :
"Quand on met Maud Fontenoy, la navigatrice, en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, dans le Var, en position de devenir députée, vous n'en parlez pas. Vous me parlez de Balkany alors je vais vous dire 'joker'.
"
Le cas qui lui est présenté lui posant manifestement un problème, il préfère donc parler d'un autre, afin de ne pas répondre au final. Bien joué.
Mais la partie n'est pas totalement terminée. Ses interlocuteurs lui posent une nouvelle question, cette fois sur Bruno Le Maire qui dénonce l'investiture de Patrick Balkany, symbolique selon lui de cette "vieille politique" qui voit les mêmes choses se répéter à l'infini. Renaud Muselier répond d'abord par une attaque politique de bonne guerre :
"Il siège pas à la commission nationale d'investiture, lui ? [la réponse est oui, mais le cas de Balkany n'a pas fait l'objet d'une délibération en CNI, les députés sortants étant automatiquement reconduits, ndlr] Non parce qu'ils sont tous candidats, alors moi j'ai un peu plus de distance par rapport à ça. Ils sont tous candidats, donc tout devient avec une interprétation politique négative [sic].
"
Les accusations du député de l'Eure et candidat à la primaire ne seraient donc qu'un signe de campagne électorale interne à couteaux tirés. Mais Renaud Muselier enchaîne, et c'est là que la chose prend un tour réellement surprenant. L'eurodéputé se livre alors à une longue digression sur la nécessité de rester "positif" en toutes circonstances alors que les médias installent un climat "anxiogène" et déprimant en permanence, pour finir sur l'idée selon laquelle "il n'y a pas que des crapules" en politique. Le tout sans transition ou presque :
"- Renaud Muselier : Eh bien moi je suis un garçon positif. Et je pense que si on est positif... Vous savez, on regarde la télévision toute la journée, vous regardez les chaînes d'information, la plupart du temps, les 10 premières minutes, les infos, vous avez que des désastres. Vous êtes dépressif, c'est anxiogène. Eh ben moi je suis pas dépressif et je suis pas anxiogène. Et j'essaye d'être objectif, voilà.
- Public Sénat / Sud Radio : Et vous êtes sarkozyste.
- Renaud Muselier : Je suis sarkozyste, oui, tout à fait. Mais je suis un chiraquien, de base. Et j'aime mon pays. J'aime la vie politique et je pense que dans la vie politique, il n'y a pas que des crapules, que des voyous, que des gens malhonnêtes et qui sont désagréables. Moi je pense que la vie politique, elle est faite comme la vie en général et que vous avez des gens sympathiques, qui sont positifs. J'aimerais en faire partie.
"
On ne sait pas si Patrick Balkany est visé dans ce passage sur les "crapules", les "voyous" et les gens qui en plus d'être "malhonnêtes" sont "désagréables". Mais là n'est pas la question. Qu'il s'agisse du boss de Levallois ou de qui que ce soit d'autre, l'important est de rester PO-SI-TIF. Ce qui permet, avouez-le, de s'épargner bien des soucis d'ordre moral.
La totalité de ces réflexions signées Renaud Muselier est à retrouver dans cette vidéo, isolée par Le Lab :
[BONUS TRACK] Bien fait, Frédo
Au cours de cette interview, Renaud Muselier est également interrogé sur le cas de Frédéric Lefevbre. Député des Français de l'étranger, ce dernier est aussi candidat à la primaire de la droite. Il n'est pas avare en critiques sur la façon dont fonctionne la politique en général, y compris son propre parti, et fait régulièrement l'éloge d'un travail d'opposition "constructif", n'hésitant pas à voter certains textes du gouvernement lorsqu'il "juge qu'ils vont dans le bon sens". Il est aussi en première ligne de la dénonciation de la double casquette de Nicolas Sarkozy, président du parti et candidat-pas-encore-déclaré-et-il-n'y-a-pas-de-raison-que-ça-change.
Or, son investiture à lui a été gelée, comme l'a révélé L'Opinion. Une décision de Nicolas Sarkozy himself, d'après le quotidien. Mais une décision qui contrevient donc à la règle qui veut que les candidats sortants soient automatiquement réinvestis. Mais tout cela n'est que justice, d'après Renaud Muselier :
"- Renaud Muselier : Bah oui, lui il dit toute la journée qu'il voterait avec la gauche...
- Public Sénat / Sud Radio : Donc il est sanctionné ?
- Renaud Muselier : Bah il faut être cohérent avec sa famille.
"
Où l'on constate donc qu'une opposition politique mérite sanction par souci de "cohérence", mais pas un passif judiciaire comme celui de Patrick Balkany. Voilà qui est instructif...