Séance houleuse à l'Assemblée nationale, lundi 20 octobre au soir. Les députés reprenaient l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Mais après avoir perdu sur un amendement des radicaux de gauche, le gouvernement, par la voix du secrétaire d'État au Budget Christian Eckert, a fait appel à la réserve des votes sur le reste des amendements en discussion (environ 200), procédure qui permet de reporter l'ensemble des votes à une date ultérieure, programmée à l'avance, et donc de s'assurer une majorité en jouant sur le nombre de députés présents dans l'hémicycle, comme l'explique le blog Les cuisines de l'Assemblée.
Un mécanisme utile pour un gouvernement confronté à la "fronde" d'une partie de sa majorité, mais qui a le don d'en faire hurler certains. Ainsi de la députée PS Valérie Rabault, Rapporteure générale du Budget, qui ne manque pas de faire connaître son agacement sur Twitter :
#directAN Reprise de l'examen du projet de loi de finances. Les votes sont bloqués. ...essence de la 5 ème République?
— Valérie Rabault (@Valerie_Rabault) 20 Octobre 2014
Valérie Rabault critique donc ce qu'elle juge comme une pratique anti-parlementariste de la part du gouvernement. Ce qui fait vivement réagir Dominique Lefebvre, socialiste lui aussi, porte-parole du groupe PS sur le Budget de surcroît. Il l'accuse, en tant que Rapporteure générale, de confondre la discussion sur le projet de loi de finances et le congrès du parti, sous-entendant que sa collègue fait partie des "frondeurs" (ce dont la principale intéressée s'était déjà défendue) :
@Valerie_Rabault Quand on est RGB, on ne doit pas confondre discussion PLF et congrès du PS... surtout qd on est à l'origine du problème
— Dominique Lefebvre (@LefebvrePS) 20 Octobre 2014
Réponse immédiate de Karine Berger, encore une socialiste qui, s'adressant à Dominique Lefebvre, lui rappelle que "ce genre de réflexion" lui a peut-être coûté le poste de Valérie Rabault, qu'il convoitait également :
@LefebvrePS c'est pour ce genre de réflexion que le groupe PS a vote comme RGB pour @Valerie_Rabault et pas pour toi...
— Karine Berger (@Karine_Berger) 20 Octobre 2014
Un avis que partage Yann Galut, député PS lui aussi, qui accuse son collègue de laisser parler sa "rancune" :
.@LefebvrePS cher Dominique la rancune est mauvaise conseillère...je te trouve pour le moins peu élégant à l'égard de @Valerie_Rabault
— Yann Galut ن (@yanngalut) 20 Octobre 2014
Dominique Lefebvre répond qu'il n'en est rien et accuse en retour Yann Galut de vouloir "masquer l'irresponsabilité politique par des pseudo questions de personnes" :
@yanngalut Facile cher Yann mais pas très politique de vouloir masquer l'irresponsabilité politique par de pseudo questions de personnes
— Dominique Lefebvre (@LefebvrePS) 20 Octobre 2014
Rappelons que tout ceci se passe en pleine séance dans l'hémicycle.
La réserve des votes n'a pas fait bondir que la gauche. Exaspérée par cette pratique, l'UMP a annoncé son intention de demander des suspensions de séance systématiques à chaque amendement si le gouvernement ne levait pas la réserve des votes, afin de "protester contre le Parlement bâillonné".
#DirectAN l'UMP annonce que si la réserve des votes n'est pas levée, ils demanderont systématiquement des suspensions de séance
— Samuel Le Goff (@S_LeGoff) 20 Octobre 2014
Ce qui fut finalement chose faite 40 minutes plus tard. Le 17 octobre déjà, le gouvernement avait eu recours à la réserve des votes lors de l'examen du même projet de Budget, provoquant la colère des socialistes "frondeurs" comme "légitimistes" (fidèles au gouvernement).
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement utilise cette procédure de la réserve des votes contre une frange de sa propre majorité. La première utilisation avait eu lieu début juillet, lors de l’étude du budget rectificatif de la sécurité sociale. Un débat sensible au sein du groupe PS et sur lequel les "frondeurs" s’étaient fait entendre.
Procédure récente, la réserve des votes avait provoqué la fureur de l’opposition PS, en 2009, lorsque l’UMP et Nicolas Sarkozy étaient au pouvoir. La majorité d’alors l’utilisant pour contrer l’opposition. Ce qui avait entraîné, "deux jours de suite", le départ des députés socialistes de l’hémicycle en guise de protestation, comme l’expliquait alors le blog Les cuisines de l’Assemblée. Cette fois-ci, ce n’est pas pour contrer l’opposition que le gouvernement de Manuel Valls l’a utilisé. Mais bel et bien contre une partie de sa propre majorité. Un épisode qui n’augure pas d’un débat budgétaire serein entre socialistes.