Le rapport des enquêteurs accusant Nicolas Sarkozy de trafic d'influence sort dans la presse

Publié à 07h53, le 23 septembre 2014 , Modifié à 07h59, le 23 septembre 2014

Le rapport des enquêteurs accusant Nicolas Sarkozy de trafic d'influence sort dans la presse
© Reuters

Ce sont des documents uniques auxquels ont eu accès Libération, France Inter et France 3 et publiés de manière plus ou moins extensive par les trois médias le 22 septembre. Tout d'abord de longs extraits de la garde à vue de neuf heures de Nicolas Sarkozy le 1er juillet dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre, garde à vue durant laquelle l'ancien président devait répondre à des soupçons de trafic d'influence. Ensuite le rapport de synthèse des enquêteurs accusant sans nuance celui qui se présente désormais à la tête de l'UMP.

#LE CONTEXTE

Rappelons-le, Nicolas Sarkozy a été mis en examen dans la nuit du 1er juillet pour corruption active, trafic d'influence actif et recel de violation du secret professionnel. Il est soupçonné d'avoir cherché à obtenir des informations sur le dossier Bettencourt auprès d'un magistrat de haut rang, Gilbert Azibert, par l'intermédiaire de son avocat, Thierry Herzog, en échange de la promesse d'un poste de prestige à Monaco. Le Monde a déjà publié le 12 juillet des extraits des écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat, extraits montrant que l'ancien Président avait bien l'intention "d'aider" le magistrat pour sa sinécure - sans que l'on sache l'importance de cette aide -  avant de changer d'avis.

#LE RAPPORT DES ENQUÊTEURS

Pour ceux qui ont décortiqué les écoutes impliquant Nicolas Sarkozy et interrogé les protagonistes de l'affaire, les conclusions sont formelles : il y a eu trafic d'influence, même si celui-ci n'a pas abouti (Nicolas Sarkozy n'a finalement entrepris aucune démarche en sa faveur et Gilbert Azibert n'a pas été nommé à Monaco). Libération publie ces conclusions datées du 2 juillet et signées par le chef de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales :

Les conversations enregistrées entre Thierry Herzog, Nicolas Sarkozy et Gilbert Azibert sont claires sur leurs intentions, et leurs propos ne suscitent pas d’interrogation quant à leur volonté et leurs attentes : Gilbert Azibert est sollicité pour obtenir des informations et démarcher des conseillers à la Cour de cassation. En contrepartie, Nicolas Sarkozy accepte de l’aider à obtenir un poste à Monaco.



Ces faits sont constitutifs du trafic d’influence, qui rappelons-le, prévoit l’influence réelle ou supposée.

#LES RÉPONSES DE SARKOZY

Franceinter.fr publie sur six pages de longs extraits de la garde à vue de l'ancien Président. Les réponses de Nicolas Sarkozy aux enquêteurs sont ainsi retranscrites dans le détail. Il y nie durant neuf heures toute tentative d'obtention de renseignements dans l'affaire Bettencourt et toute aide apportée en contrepartie à Gilbert Azibert. Le Lab a retenu certaines réponses.

>> Pourquoi le magistrat Azibert évoque-il au téléphone avec l'avocat Herzog des rencontres avec des conseillers de la Cour de la cassation, eux-mêmes impliqués dans le dossier Bettencourt ? Autrement dit, a-t-il essayé de se renseigner voire d'influencer des décisions concernant Nicolas Sarkozy ? Ce dernier parle "d'informations d'ambiance" demandées par son avocat :

Je ne crois absolument pas que Gilbert Azibert ait fait des démarches. Thierry Herzog veut, à la veille de l’audience, me rassurer sur l’ambiance à la Cour de cassation. (...)



Je ne vous souhaite pas de procès, mais quand vous avez un procès, vous souhaitez le gagner ou tout au moins avoir les informations d’ambiance sur l’évolution de l’affaire qui vous concerne. (...)



Ce sont des informations d’ambiance. Dans tous les palais, dans toutes les Cours, il y a une ambiance, un contexte. Le fonds de ma conviction, c’est qu’en vérité Monsieur Azibert n’avait que très peu d’informations. D’ailleurs, ma conviction s’en trouve confortée par l’écart violent entre les propos optimistes qu’il tenait à mon avocat et ce que fut la décision de la Cour.

>> Donc, Gilbert Azibert n'a rien fait ? Une interception téléphonique fait douter les enquêteurs, celle où l'on peut entendre Thierry Herzog lancer au magistrat qui hésite alors à demander l'appui de l'ex-chef de l'Etat pour Monaco : "Tu rigoles, avec tout ce que tu as fait !"

A quoi fait-il référence ? Nicolas Sarkozy parle d'une "phrase bateau" lors de sa garde à vue :

Il faut demander à Thierry Herzog, mais c’est une phrase "bateau". Cela fait référence à tout sauf à quelque chose de précis. Ce sont des expressions qu’on emploie au téléphone, d’une banalité extrême.

>> Quelle contrepartie pour Gilbert Azibert ? Des écoutes téléphoniques montrent que Nicolas Sarkozy avait bien l'intention d’interférer en sa faveur auprès du Prince de Monaco avant de se rétracter. En garde à vue, l'ancien Président fait les sous-titres de "l'aide" promise au téléphone : "aider" c'est "voir où en est la candidature" de Gilbert Azibert, pas davantage. Une chose d'une "banalité extrême", là encore :

Dans cette conversation, Gilbert Azibert me fait demander, via Thierry Herzog, où en est sa candidature. (...) Je réponds à Thierry Herzog que cela ne pose aucun problème, s’agissant de quelqu’un dont mon propre avocat utilise les conseils sur une procédure pendante devant la Cour de cassation. J’ajoute que Thierry qui est un ami très proche m’a cent fois demandé pour des gens qu’il aime ou qu’il connaît si je pouvais les aider. C’est une démarche qui m’est apparue d’une banalité extrême. (...)



Donc, dans mon esprit, au moment où j’ai répondu ça, il était question d’une prise d’information.

Finalement, Nicolas Sarkozy raconte que, le contexte n'étant pas propice à ce type de discussion, il n'évoquera pas le cas Azibert à Monaco et ne verra même pas le Prince.

>> Retrouvez les six pages de PV d'audition sur France Inter ainsi que le rapport de synthèse des enquêteurs sur Libération.

>> Retrouvez le contenu des écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog, révélées par Le Monde en juillet.

Du rab sur le Lab

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