VIREVOLTE - Mis en examen dans la nuit du 1er juillet pour corruption active, trafic d'influence actif et recel de violation du secret professionnel, Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir cherché à obtenir des informations sur le dossier Bettencourt auprès d'un magistrat de haut rang, Gilbert Azibert, en échange de la promesse d'un poste de prestige à Monaco. Chose qu'il a niée publiquement lors de son interview sur Europe 1 et TF1 le 2 juillet. Ce samedi, des révélations du Mondeéclairent ce point très précis.
Le Monde publie en effet des extraits des écoutes téléphoniques - réalisées entre septembre 2013 et mars 2014 - montrant que Nicolas Sarkozy avait bien l'intention d'aider le magistrat à obtenir son poste à Monaco, en échange de services rendus. Puis qu'il a brutalement changé d'avis.
#ETAPE 1 : SARKOZY VEUT AIDER AZIBERT
Le 5 février, détaille le quotidien, l'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, évoque sur sa ligne sécurisée la volonté du magistrat d'aller à Monaco et l'hésitation de ce dernier à demander l'appui de l'ancien Président. L'avocat explique avoir alors rassuré ainsi Gilbert Azibert : "Tu rigoles, avec ce que tu fais ..."
Réponses de Nicolas Sarkozy, lui aussi sur sa ligne sécurisée (souvenez-vous, Paul Bismuth, tout ça) :
Je l'aiderai. (...) Moi, je le fais monter. (...)
Non, ben t'inquiète pas, dis-lui. Appelle-le aujourd'hui en disant que je m'en occuperai parce que moi je vais à Monaco et je verrai le prince.
Le 25 février, jour de son arrivée à Monaco, Nicolas Sarkozy rassure de nouveau son avocat au téléphone, écrit Le Monde : "Je voulais te dire, pour que tu puisses le dire à Gilbert Azibert, que j'ai rendez-vous à midi avec Michel Roger, le ministre d'Etat de Monaco."
ETAPE 2 : SARKOZY NE VEUT PLUS AIDER AZIBERT
Le changement brutal a lieu le lendemain, le 26 février, cette fois-ci sur sa ligne "normale". Nicolas Sarkozy, qui a vu ledit ministre la veille, explique à son avocat qu'en fait il n'a pas voulu lui parler de Gilbert Azibert :
Tu vas m'en vouloir, mais, j'ai réfléchi depuis. J'ai eu le ministre d'Etat qui est un type très bien, qui voulait me parler de la situation à Monaco (…) Et, je préfère te le dire, je lui ai pas parlé de Gilbert, bon.
Puis il rappelle Thierry Herzog sur le portable sécurisé pour lui redire la même chose. Gilbert Azibert, lui, ne bénéficiera jamais de ce poste à Monaco.
Deux conversations suspectes pour les juges qui pensent avoir établi que "les deux hommes ont bénéficié au cours de la journée du 25 février d'une indiscrétion", écrit Le Monde, leur faisant savoir que leurs portables étaient sur écoutes. Le 25 février, c'est également la date à laquelle une information judiciaire est ordonnée par le parquet financier à l'encontre de l'ex-chef de l'Etat. [>> Lire cet autre article du Monde : "Le 25 février, le ton change sur les portables secrets du Sphinx et de son avocat"]
Le quotidien rappelle également que ce revirement ne change rien à l'accusation de délit de corruption, qui est constitué par le simple fait de promettre une faveur au magistrat en échange de son aide, que cette faveur soit demandée ou non au final.
#ETAPE 3 : LA BOULETTE
A partir du 26 février, Nicolas Sarkozy et son avocat font preuve d'une prudence de Sioux sur tous leurs téléphones, explique Le Monde. Ou presque. Le 3 mars, Thierry Herzog invite ainsi Gilbert Azibert - dont le portable est également placé sur écoutes - à passer "prendre un Coca ou un café" et il fait cette précision, lourde de sens pour les enquêteurs :
Je veux te raconter quelque chose, que tu sois pas un jour surpris (…) On a été obligé de dire certaines choses au téléphone (…) parce qu'on a appris certaines choses …
#LA DÉFENSE DE SARKOZY
Sur Europe 1 et TF1 le 2 juillet, Nicolas Sarkozy s'était défendu de toute tentative de corruption, concédant que son avocat lui avait fait une demande en ce sens mais assurant qu'il l'avait refusée :
Mon avocat, Thierry Herzog, m’a demandé si je pouvais me renseigner pour faire une démarche auprès de Monaco. Je n’ai pas fait cette démarche, c’est dans le dossier, c’est prouvé. Le palais de Monaco a indiqué qu’il n’y a eu aucune démarche en faveur de monsieur Azibert.
Et par ailleurs, il existe une écoute - qui elle n’a pas fuité dans la presse, on se demande bien pourquoi… - où je dis à Thierry Herzog : "non, je ne ferai pas l’intervention".