COURTOISIE RÉPUBLICAINE - Le débat parlementaire sur la loi Macron a d'ores et déjà suscité de nombreux instants marquants (voir ici, ici ou ici). Jeudi 12 février au soir, la discussion en séance du texte sur "la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" a donné lieu a un échange un brin tendu entre le ministre de l'Économie et Christian Estrosi, comme le rapporte LCP.
Le député-maire UMP de Nice était intervenu pour s’opposer vivement à la privatisation de l’aéroport de Nice, prévue à l'article 49 du projet de loi. Un aéroport qui "dégage de 10 à 13 millions de bénéfices par an", a assuré l'élu selon qui "il n’y a aucune légitimité à ce que [le gouvernement mette] en vente à un actionnaire majoritaire" ces infrastructures. Et Christian Estrosi d'accuser l'exécutif de "spoliation" à l'encontre des collectivités locales.
"Vous me prenez à partie de manière insultante", lui rétorque Emmanuel Macron, qui accuse le député UMP d'avoir "montré de manière constante que le manque de courtoise était plutôt dans [son] camp" depuis le début de l'examen du texte. "Je ne peux pas accepter que vous laissiez entendre qu'il y ait une quelconque magouille ou combine, ou que quelqu'un serait passé dans mon bureau", fustige encore le ministre.
Qui lance alors son argument choc, visiblement préparé à l'avance. Se saisissant d'une petite fiche, Emmanuel Macron déroule :
"Je veux saluer votre passion naissante pour l'aéroport de Nice. Vous avez été nommé en juin 2014 au conseil de surveillance. Au conseil de surveillance de juillet, vous n'êtes pas venu ; au conseil de surveillance de septembre, vous n'êtes pas venu ; au conseil de surveillance de décembre, vous êtes venu 15 minutes pour prononcer un discours qui était en dehors de l'ordre du jour. Vous avez sans doute besoin de monter ici, à vos concitoyens, que c'est un sujet qui vous préoccupe. Parce qu'au quotidien, il vous a moins préoccupé.
Peut-être qu'en d'autres temps vous avez été habitué à des pratiques, au sommet de l'État, mais elles n'ont plus cours.
"
Voilà Christian Estrosi bien mouché, pensez-vous. Que nenni : ce dernier a lui aussi une réponse bien calibrée. Il se défend :
"Je dois dire que les propos qui ont été les vôtres, et qui sont une fois de plus assez déplacés, montrent bien que vous n'avez jamais été ni confronté au suffrage universel, ni n'avez assumé la moindre responsabilité d'élu local.
"
Un argument somme toute classique à l'encontre du chouchou de François Hollande. Couvrant le brouhaha qu'il vient de provoquer, le candidat à la primaire UMP de 2016 entend alors donner "une petite leçon" de gestion politique locale à Emmanuel Macron :
"Les collaborateurs assis derrière vous n'ont pas été en mesure de vous apporter de bonnes informations, ce qui vous amène à dire des choses erronées, car il faut savoir que dans un conseil d'administration, et les élus de droit, les maires de droit siègent dans de nombreux conseils d'administration, ont des maires adjoints qui sont désignés en leur lieu et place dans ces conseils d'administration. Il y a suffisamment de présidents d'exécutifs ce soir pour savoir que ça fait partie de l'organisation de la République et que j'ai un maire adjoint de très grande qualité, en charge du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui siège de droit au conseil de surveillance. Et que donc la place du maire n'a jamais été vide au conseil de surveillance et que j'ai toujours participé aux réunions préparatoires pour que mon maire-adjoint porte la parole du maire de Nice.
Voilà, mais ça c'est pour vous donner une petite leçon, au cas où un jour vous seriez tenté, pour oser avoir le courage d'affronter le suffrage universel et exercer une responsabilité locale. Je n'ai pas le sentiment que vous en preniez la voie en tous cas, et l'exemple que vous laisserez de votre passage dans cet hémicycle ne favorisera sans doute pas votre accession par le suffrage universel à une responsabilité locale.
"
Un échange à revoir dans cette vidéo de LCP :
Tout cela reste néanmoins très chaleureux en comparaison de ce qu'il peut se produire parfois en Ukraine, ou certains parlementaires disputent leurs joutes non à coups d'arguments plus ou moins virulents, mais bien à coups de pied dans la tête.