Accord Google-éditeurs : Mazars envoie la facture de sa mission de médiation à l’Etat

Publié à 20h07, le 06 mars 2013 , Modifié à 06h30, le 07 mars 2013

Accord Google-éditeurs : Mazars envoie la facture de sa mission de médiation à l’Etat
Le 1er février, à l'Elysée (photo Reuters)

- Une superbe opération de communication, propulsant l’un des dirigeants de sa filiale française au même pupitre que le chef de l’Etat, François Hollande, 

- Un bien beau contrat de moyen-long terme, signé avec deux clients prestigieux - Google et un consortium d’éditeurs français,

- Mais encore une lucrative opération commerciale, financée par l’Etat.

Le cabinet de conseil Mazars a envoyé à l’Etat sa facture pour l’intervention de Marc Schwartz dans le cadre de la très exposée négociation entre Google et les éditeurs de presse, d’après des informations du Canard Enchaîné, dans son édition du mercredi 6 mars et dont Le Lab a obtenu confirmation. 

Pour cette société spécialisée dans l’audit financier, dont Marc Schwartz est le patron de la division "secteur public", l'accord Google-éditeurs de presse consistue même un "triple win".

Le Lab fait le récap’ des victoires.

>> Win 1 : une superbe exposition et une signature présidentielle

C’est le plus visible des succès de Mazars, qui peut être résumé en une image :

Souvenez-vous, c’était à l’Elysée, le 1er février dernier : François Hollande et Eric Schmidt, le patron de Google, signaient, aux côtés de représentants d’éditeurs français, un "accord", présenté comme un "événement mondial dans l’histoire des médias" par François Holande, actant de la création d’un fond d’accompagnement de la presse dans sa "transition numérique", abondé à hauteur de 60 millions d’euros par le géant américain.

Aux côtés des trois parties - Etat, Google, et éditeurs de presse, s’invitant même au pupitre du chef de l’Etat dans la salle de l’Elysée pour répondre à des questions de journalistes, figurait un quatrième intervenant : Marc Schwartz.

Au-delà de la présence de Mazars, on repère la trace de l’entreprise … jusque dans les documents paraphés par le président de la République et le patron de Google.

(zoom sur une photo distribuée par Reuters)

Mieux, Marc Schwartz en profitait pour annonceraux journalistes présents qu'il était "pressenti" pour occuper la présidence du fonds Google.

>> Win 2 : un contrat avec l’Etat

C’est, a contrario, la plus dissimulée des victoires de Mazars.

Si la présence de cet énarque, ancien de la Cour des Comptes, fonctionnaire en disponibilité, ne doit rien au hasard, les deux ministres Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin l’ayant très officiellement chargé d’une mission de médiation via une "lettre de mission"rendue publique, on ne savait rien, jusqu’à présent des conditions de son intervention. 

En effet, dans ce document, les deux ministres énonçaient le cadre "politique" de la mission : en l’absence d’accord négocié entre les deux parties, la France menaçait Google de l’adoption d’une "loi". 

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En l'absence d'accord négocié, le Gouvernement proposera au Parlement de légiférer, en vue de créer un mécanisme de rémunération équitable au bénéfice des organismes de presse.

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En revanche, pas une ligne, dans la missive, sur les conditions dans lesquelles se déroulait l’intervention de Marc Schwartz que la lettre de mission, sinon qu'il pourrait s'appuyer sur "les services de l'Etat compétents".

Marc Schwartz y était désigné à la fois à titre personnel et en sa qualité de gérant de Mazars, et c'est à son adresse professionnelle que lui était d'ailleurs adressée la lettre de mission. 

Sollicité par Le Lab pour éclaircir ce point, et déterminer si cette mission faisait l’objet "d’une prestation de service", ou s’il s’agissait d’une mission confiée "à une personne", Matignon expliquait alors, catégorique

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La mission "est confiée à Marc Schwartz, et non au cabinet Mazars

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Le Canard Enchaîné révèle pourtant, dans son édition du mercredi 6 mars, que la mission a bien fait l’objet d’une contractualisation entre l’Etat et Mazars, et avance le chiffre total d’une mission à "450.000 euros", pour "cinquante jours", soit des honoraires moyens de près de 9.000 euros par jour, dont 150.000 euros pris en charge par l’Etat.

Selon l’hebdomadaire, l’Etat rechignerait même à débourser la somme réclamée par Mazars - élément dont Le Lab n’a pu obtenir la confirmation.

Contacté par Le Lab, Marc Schwartz réitère son démenti du chiffre avancé par Le Canard Enchaîné, "fantaisiste", dit-il, mais précise les modalités de son intervention auprès de l’Etat, dont il reconnaît bien qu’elle fait l’objet d’une facturation : 

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Il y a deux parties différentes dans l’intervention de Mazars dans ce dossier.

La première s’est déroulée à partir de la désignation de la mission, et a duré jusqu’à la signature du memorandum of understanding [la nature de l’accord, ndlr] à l’Elysée, le 1er février. 

Mazars était alors en contrat avec l’Etat uniquement.

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Sollicité ce mercredi par Le Lab, Matignon confirme ce cadre : 

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Il y avait évidemment un contrat avec Mazars.

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Et explique sa première réponse, en novembre, par le fait que la mission a été confiée à Marc Schwartz, qui se trouve être salarié de Mazars.

La nuance vous échappe ?

On recommence : oui, la mission était confiée intuitu personaeà Marc Schwartz, "la personne idoine", insiste Matignon, mais ce n’est qu’incidemment que l’Etat a engagé un lien contractuel avec, son employeur, Mazars. Car aucun autre cadre n’était possible, assure Matignon.

>> Win 3 : un accompagnement de Google et des éditeurs de presse 

C’est sur la partie engagée après le 1er février que s’engage le troisième "win" de Schwartz et Mazars. 

D'autant qu'elle permet à l'ancien médiateur d'accompagner sa nouvelle cliente, la représente des éditeurs de presse, dans les médias.

Marc Schwartz détaille :

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Après la signature de l’accord, Mazars est devenu le prestataire de Google et des éditeurs, pour les accompagner dans la mise en œuvre de l’accord.

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La simple perspective de ce "win 3" n’aurait-elle pas dû conduire Marc Schwartz à se garder de toute rémunération dans son accompagnement de l’Etat – voire à accepter une mission conduite pro bono ?

Marc Schwartz n’a pas souhaité commenter ce point,

Et Matignon souligne, de son côté, qu’à l’époque, les perspectives de succès étaient limitées.

Du rab sur le Lab

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