Alors que revoilà le droit de vote des étrangers (dans les propositions du PS pour 2017)

Publié à 16h08, le 24 mai 2016 , Modifié à 16h11, le 24 mai 2016

Alors que revoilà le droit de vote des étrangers (dans les propositions du PS pour 2017)
Jean-Christophe Cambadélis dégainant opportunément une idée de gauche à un an de la présidentielle © AFP

ET C’EST REPARTI POUR UN TOUR - Vous vous souvenez du droit de vote des étrangers ? Sans remonter les dernières décennies au cours desquelles cette mesure a été régulièrement proposée par la gauche, on s’en tiendra à ce rappel : elle figurait dans les 60 engagements de campagne de François Hollande en 2012. Et comme chacun sait, la réforme constitutionnelle nécessaire pour l’entériner n’a jamais été menée par le gouvernement depuis lors. Manuel Valls lui-même avait enterré l’idée de cette mesure.

Mais cela n’empêche pas le Parti socialiste de remettre la chose sur le tapis. Mardi 24 mai, à un peu moins d’un an de la présidentielle 2017 et alors que le chef de l’État est en pré-campagne notamment sur sa gauche, Solférino propose en effet d’instaurer le droit de vote des étrangers aux élections locales, sous conditions. Il s’agit de la proposition n°18 du rapport sur les institutions présenté ce mardi à la presse en présence de Jean-Christophe Cambadélis.

# Ce que propose le PS aujourd’hui

Au chapitre "Une démocratie plus égalitaire et intégratrice" de ce texte de plus de 80 pages, on trouve en effet cette suggestion : "Donner le droit de vote et le droit d’être éligible à des ressortissants de pays tiers ayant un lien réel avec la France". Les deux signataires du texte (Laurent Dutheil, secrétaire national en charge du pôle "Préparation de l’avenir", et Nicolas Sfez, secrétaire national adjoint en charge des Institutions) posent cependant d’emblée une restriction par rapport à l’engagement n°50 du candidat Hollande :

 

"

Parler du vote des étrangers n’a pas de sens, les ressortissants des pays de l’Union européenne n’étant pas concernés et ceux des pays tiers n’ayant naturellement pas tous vocation à voter ou à être élus.

"

Leur proposition repose donc sur deux "critères cumulatifs" afin "que ne puissent être électeurs et éligibles aux élections municipales que des ressortissants de pays tiers ayant un lien réel avec la vie de la cité" :

"

- ceux titulaires d’une carte de séjour, ce qui exclut les étrangers en situation irrégulière et ceux qui n’ont qu’une autorisation provisoire de séjour ;



- ceux titulaires d’une carte de résident ou d’un certificat de résidence (pour les Algériens) de 10 ans, ce qui exclut les étrangers détenant une carte de séjour temporaire de 1 an dont la pérennité de la résidence en France n’est pas garantie.

"

Et le parti de troller allègrement le gouvernement, lui proposant deux choix : assumer enfin cette mesure, ou ne plus jamais la proposer par souci "d’honnêteté" intellectuelle. Les auteurs du rapport écrivent :

 

"

Pour résumer, soit le droit de vote des étrangers ayant de fortes attaches avec la France est institué sans autres réserves que celles destinées à préserver la souveraineté nationale et sans faux semblants, soit le PS a l’honnêteté d’y renoncer purement et simplement car le prix politique à payer lui paraît trop important par rapport aux effets positifs escomptés.

"

Voici ce rapport en intégralité :

  Le rapport du PS sur les institutions (mai 2016)



# Ce que proposait Hollande (et comment il a renoncé)

Comme François Mitterrand en 1981, François Hollande avait promis, dans son programme de 2012 : "J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans." La notion de "lien réel avec la France" présente en ce mois de mai 2016 dans la proposition formulée par le PS est donc nouvelle (et non définie).

N’ayant pas ouvert ce chantier tant qu’il disposait d’une majorité de gauche au Sénat, le chef de l’État a finalement renoncé à le faire, sachant qu’il ne parviendrait pas à obtenir sur ce sujet, qui hérisse la droite, une majorité des 3/5èmes du Congrès. En novembre 2015, Manuel Valls avait définitivement enterré la promesse, écrivant sur Facebook :

"

Depuis quarante ans, une promesse électorale revient régulièrement : accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Quarante ans et, à chaque fois, le même résultat : une promesse qui bute contre le mur des réalités. [...] Il faut bien le dire : quarante ans de mobilisation se sont soldés par une impasse.

"

Quelques jours plus tôt, déjà, le Premier ministre avait expliqué que cela ne serait "pas mis en œuvre", prédisant même que la proposition ne serait pas reformulée en vue de 2017 :

 

"

Je ne pense pas que cela soit une priorité. Je l'avais dit il y a trois ans, cela avait provoqué un scandale, on avait dit 'abandon d'une promesse'… Mais cette promesse, de toute façon, ne sera pas mise en œuvre. Et je suis convaincu qu'elle ne sera pas reproposée à la prochaine élection présidentielle, parce qu'elle tend inutilement et parce que ce n'est plus le sujet.

"

Il semblerait (une nouvelle fois) que certains au PS ne partagent pas l’avis de Manuel Valls… Et notamment les ex-ministres Benoît Hamon et Aurélie Filippetti qui, en février 2016, avaient déposé (contre l’avis du gouvernement) un amendement instaurant le droit de vote des étrangers aux élections locales dans le cadre de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. Réforme qui, elle aussi, avait été abandonnée par François Hollande après des semaines d’un débat survolté.

Du rab sur le Lab

PlusPlus