DOCUMENT LAB - En plein hémicycle du Sénat, jeudi 25 avril, la ministre verte du Logement Cécile Duflot a vivement manifesté sa désapprobation du recul du gouvernement sur l’amnistie des syndicalistes, n'hésitant pas, lors d'un aparté, à piquer une grosse colère devant son collègue Alain Vidalies, selon les informations recueillies par Le Lab auprès de plusieurs témoins de la scène, qui a été filmée et diffusée sur France 3.
La prise de bec, que des sénateurs présents ont décrit au Lab comme "une explication ferme", a duré "entre huit et dix minutes", a eu "pour objet unique l'amnistie", et s’est déroulée à la toute fin de la séance des questions d'actualité au gouvernement.
Elle oppose la ministre écolo au ministre chargé des relations avec le Parlement, celui-là même qui, un peu plus de 24 heures plus tôt, énonçait, sur France Info, l'opposition "claire et ferme [du gouvernement] à toute forme d'amnistie".
Le Lab a isolé la vidéo de la dispute, initialement diffusée par France 3 en plans de coupe lors d'une l’interview de la sénatrice verte Marie-Christine Blandin.
Le son de l’échange n’a pas été diffusé, mais les gestes ne laissent aucun doute sur la nature de la discussion : il s’agit d’une engueulade, dans les règles de l’art.
Jugez-plutôt:
(la séquence originale est visible en version non-montée sur le site pluzz.fr de France Télé, à partir de 1h)
Selon les infos du Lab, la dispute s’est ensuite poursuivie au-delà de l’hémicycle, jusque dans les couloirs du Palais du Luxembourg.
La scène se déroule sous les yeux de deux ministres : la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, Helène Conway-Mouret, mais également la ministre de la Justice, Christiane Taubira, connue pour faire partie de la "bande des quatre" ministres tenant d’une ligne nettement plus à gauche que la tonalité générale sociale-démocrate du gouvernement, bande à laquelle appartient également Cécile Duflot.
On voit encore, sur la vidéo, Jean Mallot, le directeur de cabinet d’Alain Vidalies, et ancien député PS – c’est "l’homme à la moustache".
Sur le fond, le soutien de cette loi, votée en première lecture par le Sénat avant d’être rejetée par la Commission des lois de l’Assemblée, par Cécile Duflot est connu.
Ainsi, le 13 janvier 2010, défilait-elle,à la barre de la cour d’appel d’Amiens, et aux côtés de Benoît Hamon, pour apporter son soutien aux six ouvriers de l’usine Continental de Clairoix, dont l’emblématique leader CGT Xavier Mathieu, l’une des grandes figures qui pourrait être concernée par une potentielle amnistie.
Ironie de l’histoire, racontée au Lab par un parlementaire ayant assisté à l’échange: Alain Vidalies, avant de devenir ministre délégué des relations avec le Parlement, a exercé, "pendant 20 ans", le métier d’avocat spécialiste du droit du travail, intervenant notamment auprès de syndicalistes.
Ce parlementaire souligne, pointant le revirement du ministre:
Il a été l’avocat de nombreuses personnes qui auraient été concernées par la loi.
Un témoin de la scène assure avoir entendu Cécile Duflot se faire un plaisir de souligner ce paradoxe auprès de son collègue du gouvernement.
Cécile Duflot n’est pas la seule à grincer des dents après ce revirement gouvernemental : le sénateur écolo, Jean-Vincent Placé, a appelé les députés socialistes à la "désobéissance" avec, semble-t-il, un certain écho puisqu’à ce jour au moins quatre députés PS ont apporté leur soutien au texte.
François Rebsamen, le patron du groupe socialiste au Sénat, a, de son côté, expliqué à l’AFP que ses troupes n’avaient "pas à regretter [leur] position":
Elle a été juste, précise et s'il y a encore des choses à améliorer, des délits importants qui sont amnistiés par une erreur d'écriture, on est prêt à faire ces modifications.
[Edit : correction apportée sur le nom de la dernière ministre participant à la scène]