REP A SA MANU - Invité des Jeunes socialistes qui, dans leur format "point gouv'", interrogent régulièrement des ministres, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, s'est engagée, jeudi 14 mars, en faveur de la délivrance d'un récépissé de contrôle d'identité par les forces de police.
Interrogée par une "animatrice fédérale de l'Essonne" du MJS - le département où Manuel Valls est élu - qui, regrettant que "le ministre de l'Intérieur [ait] fermé la porte à l'attestation de contrôle d'identité", lui demande :
A quand une réforme du code de la procédure pénale pour au moins encadrer ces contrôles d'identité qui peuvent parfois être abusifs et discriminatoires ?
Christiane Taubira livre un plaidoyer pro-attestation, dont elle fait même une question de "choix de société", qui ravit évidemment son auditoire :
J’annonce la couleur très clairement : je suis favorable à ce dispositif, il y a d’ailleurs des villes qui sont candidates pour l’expérimenter [...]
Je pense vraiment qu’il faut mettre un terme à cette situation qui est préjudiciable aux personnes concernées, contrôlées plus souvent qu’à leur tour, préjudiciable aux policiers qui eux mêmes aussi sont sur la défensive et donc sont dans la tension et ressentent du danger.
La responsabilité de la puissance publique est de mettre un terme à une ambiance, des inégalités, des injustices, des exclusions, qui font qu’après les citoyens et les fonctionnaires se retrouvent face à face.
On veut pas d’une société comme ça, on n’en veut pas.
Voici la vidéo de cet échange - la vidéo est normalement calée, mais allez sinon à partir de 14'40 :
>> update, vendredi 15 mars, 18h25: "l'entourage de la ministre", cité par l'AFP, qui consacre une dépêche au sujet ce vendredi en fin d'après-midi, cherche manifestement à temporiser. Et n'hésite pas à parler de "déclarations [...] faites dans le feu de la discussion avec ces jeunes militants mais qu'elles ne remettent pas en cause les arbitrages du gouvernement sur la question".
Ce dispostif, plébiscité par le MJS, avait pourtant été enterré en septembre, puis en octobre, par son collègue du gouvernement, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls.
Jean-Marc Ayrault lui-même, lors d'une émission de France 2, le jeudi 27 septembre, avait reconnu avoir changé de position sur le sujet, "convaincu" par son ministre de l'Intérieur que "ce n'était pas la bonne réponse".
Christiane Taubira, de son côté, assure que des "statistiques", qu'elle ne cite pas, prouvent des contrôles différenciés selon les populations, un "problème réel dans la société" :
Il y a des statistiques qui prouvent bien que […] selon l’apparence, selon la tenue vestimentaire, selon le lieu aussi, il y a un risque parfois 5, 7, 8 fois plus élevé d’être contrôlé que si on habite un autre quartier, que si on a une autre apparence physique et vestimentaire.
... mais atténue la responsabilité directe des policiers dans ce constat:
C'est un système qui conduit les policiers à contrôler plus facilement certaines populations que d'autres, dit-elle :
Il y a des portions de territoires qui ont été désertés par les forces publiques.
On a enlevé les services publics […] et on laisse les policiers se débrouiller avec le désordre qu’on a installé dans ces quartiers-là.
[...] C’est effectivement plus simple de contrôler des mineurs, qui ont des têtes peut être pas très …
La ministre de la Justice reconnait que son point de vue est loin d'être partagé et, sans viser directement Manuel Valls, enchaîne toutefois sur la condition de la police :
Le moment est difficile pour faire admettre ça, j’en conviens [...].
Vous savez que c’est difficile.
Et c’est difficile particulièrement à des moments où la police elle-même est confrontée […] à un moment très difficile.
La ministre de la Justice conteste ainsi l'existence d'un "sentiment" de non-protection des policers, revenant notamment sur l'accident qui a tué deux policiers sur le périphérique parisien, fin février :
L’accident meurtier qui a eu lieu récemment fait que les policiers ressentent, à bon droit sans doute, en tout cas lorsqu’ils payent de leur vie, ils ont le sentiment que leur métier peut être ingrat, qu’on ne les protège pas.
[Mais] la loi les protège, parce qu’il y a plus de trente neuf incriminations qui ont des circonstances aggravantes lorsqu’elles sont commises [...] à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique.
Fin décembre, des propos "off"avaient déjà été rapportés, par Le JDD notamment, assurant de l'existence d'une "bande" de quatre ministres favorables au dispositif - Cécile Duflot, Kader Arif, Benoît Hamon, et Christiane Taubira.
Cécile Duflot, en octobre, s'était exprimée en "on" sur le sujet.