"On ne peut pas dire n'importe quoi au prétexte que ce sont des adversaires politiques." Comme Marine Le Pen encore récemment, Marion Maréchal-Le Pen récuse l'étiquette d'extrême droite accolée au FN. Selon la députée frontiste du Vaucluse, ranger son parti dans cette partie du spectre politique relève de "la paresse intellectuelle" et vise à "éviter d'aller sur le fond politique". À l'inverse, elle assure se baser sur "une définition précise" et des "critères" objectifs pour asseoir sa démonstration.
Ainsi déclare-t-elle, mardi 24 novembre sur Radio Classique et LCI :
"Je vais vous dire. Sur la question de l'extrême droite, parce que c'est ce qu'on nous reproche régulièrement, il y a une définition précise de l'extrême droite. On ne peut pas dire n'importe quoi au prétexte que ce sont des adversaires politiques.
Parmi ces définitions, il y a l'antiparlementarisme, l'autoritarisme et la doctrine basée sur la race. Nous ne répondons à aucun de ces critères. Je suis députée, nous défendons la légitimité du Parlement, même le retour de sa légitimité avec le retour de ses compétences, une meilleure représentativité du Parlement. Nous ne sommes pas autoritaristes, nous sommes pour le retour du référendum, nous sommes même pour un meilleur référendum d'initiative populaire. Nous n'avons pas une doctrine basée sur la race, nous ne sommes pas des racialistes, nous sommes des défenseurs de l'assimilation.
"
Elle ajoute, convoquant tant Jean-Marie Le Pen (exclu du FN mais toujours président d'honneur, et dont elle reste proche) que Staline pour les besoins de son raisonnement :
"Jean-Marie Le Pen s'est toujours défendu d'appartenir à l'extrême droite, il avait cette expression amusante : 'Je suis d'extrême droiture'. Sur ces critères, soyons objectifs, nous n'y participons pas. Moi je ne me considère ni d'extrême droite, ni fasciste, et je trouve que ça c'est de la paresse intellectuelle de la part des adversaires. C'était une recommandation de Staline d'ailleurs aux communistes français, de dire : 'Traitez vos adversaires de fascistes'. On se base sur la morale et ainsi ça permet d'éviter d'aller sur le fond politique.
"
En réalité, les "critères" avancés par la benjamine de l'Assemblée nationale correspondent plus au fascisme, qu'elle évoque d'elle-même, qu'à l'extrême droite au sens large. Depuis la saillie de Marine Le Pen, qui souhaitait faire condamner quiconque - y compris la presse - qualifierait le FN de parti d'extrême droite, de nombreux chercheurs et spécialistes de ce courant politique se sont penchés sur la question. Et tous tombent d'accord sur un point : les principaux ressorts idéologiques du Front national, qui se traduisent concrètement dans son programme, relèvent de la pensée d'extrême droite.
Le politologue Pascal Perrineau expliquait ainsi à Slate, en 2011 (article actualisé en 2013) :
"D’un point de vue universitaire, le terme ne vise pas à stigmatiser. Simplement, dans l’histoire, le programme, l’analyse du parti, il y a des éléments forts d’intimité avec ce courant. D’abord, un diagnostic de la société fondé sur la notion de décadence : déclin de la natalité, perte de la solidarité nationale, etc. Puis l’explication par une causalité diabolique, un bouc émissaire, comme les immigrés. Ensuite, une utopie du passé, visant à restaurer les valeurs perdues. Enfin, un culte du chef qui exprimerait en direct toutes les préoccupations du peuple.
"
Dans les colonnes du Monde en avril 2015, l'historien Nicolas Lebourg identifiait un certain nombre de marqueurs d'extrême droite dans le discours et les propositions du FN : "l'altérophobie" ("la peur de la différence, de l'autre", perceptible par exemple dans son propos qui relie insidieusement immigration, islam et islamisme), "l'autophilie" ("célébration d’un peuple dont l’âge d’or est passé, menacé d’être 'dilué' dans une autre culture [voir ici], et qu’il s’agirait de régénérer par l’action de l’État", paraphrasait Le Monde), la "préférence nationale" ("Cette manière de lier les droits à une origine est tout à fait un point de vue d’extrême droite", selon Lebourg) ou encore une vision "organiciste" de l’État (le parti souhaitant "imposer une norme à l’espace public", notamment en termes d'interdiction du port de tout signe religieux dans quelque lieu que ce soit ; "Si on n’entre pas dans le moule, on est un mauvais Français. [...] Cette vision-là n’est pas républicaine, et on ne retrouve ce genre d’idées dans aucun autre parti politique", expliquait l'historien).
Slate interrogeait également le chercheur Jean-Yves Camus et écrivait :
"Jean-Yves Camus évoque lui 'l'ethnocentrisme, une vision hiérarchisante de la société, le rejet d'une société multiculturelle', ainsi qu’un 'rejet des élites traditionnelles, de l'ensemble des partis politiques traditionnels'. Selon le chercheur, il est donc légitime d’utiliser le terme 'extrême droite' pour parler du FN 'à la condition qu'on ne confonde pas extrême droite avec néo-fascisme ou néo-nazi, ce que à l'évidence, le Front national n'est pas'.
"
Quant à l'idée de Marion Maréchal-Le Pen selon laquelle le FN n'est pas d'extrême droite puisqu'il est respectueux du parlementarisme, elle ne tient pas. N'importe quel parti d'extrême droite, voire fasciste ou néo-nazi, peut prétendre à accéder au pouvoir par les urnes, pour peu qu'il décide de se plier au jeu démocratique. L'histoire mais aussi l'actualité européenne le montrent aisément.
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