REGIME DE LA PREUVE - Faut-il conditionner la poursuite des négociations, entre l'Union européenne et les Etats-Unis, sur le traité de libre échange nord atlantique, à l’apport de "garanties", fournies par les USA, que toute pratique d’espionnage de ses partenaires européennes a cessé ?
Oui, trois fois oui, dit François Hollande, ce lundi 1er juillet, depuis Lorient, où il s’exprime lors d’une déclaration solennelle (regardez le fond bleu, un indice qui ne trompe jamais: il est déployé lorsque le chef de l’Etat fait une déclaration destinée à marquer les esprits) :
Quelles seront les conséquences à tirer (d’un espionnage) ?
D’abord que ça cesse dans les meilleurs délais. J’allais dire immédiatement.
Ensuite, que (l’) on ne peut avoir de négociation, de transaction, sur tout domaine, qu’une fois obtenues ces garanties.
Pour la France, mais ça vaut aussi pour toute l’Union européenne.
"On ne peut avoir de négociation, de transaction, sur tout domaine, qu’une fois obtenues ces garanties" : dans la bouche de François Hollande, les choses sont donc très claires.
1. D’abord les américains fournissent des "garanties" que toute pratique d’espionnage a cessé,
2. Ensuite, et seulement ensuite, on peut envisager la poursuite de négociations commerciales, et notamment les négociations actuelles autour de la conclusion d’un accord de libre-échanges Union européenne – Etats-Unis.
Problème?
Avant cette réaction élyséenne, formulée lundi à la mi-journée dans le cadre d’un déplacement en province, une ministre du gouvernement avait fait entendre une petite musique toute différente.
Fleur Pellerin, ainsi que le Lab le relevait longuement, a exprimé une position diamétralement opposée, commentant les dernières informations de presse sur le sujet des écoutes et autres interceptions conduites par l’agence de sécurité américaine, la NSA.
En tout début de matinée, la ministre déléguée chargée du numérique et des PME expliquait ainsi, interrogée par BFMTV :
Je crois qu’il ne faut pas mélanger les sujets.
Vous êtes d’un côté dans une négociation commerciale qui porte sur un accord de libre échange, et de l’autre sur une affaire qui est d’ordre diplomatique et politique.
Je crois qu’il ne faut pas mélanger les sujets à ce stade. D’autant plus que pour l’instant, nous n’avons pas de preuves circonstanciées.
Donc je crois qu’il faut attendre d’avoir les réponses de l’administration américaine, et puis poursuivre de l’autre côté les négociations commerciales, mais bien délier les sujets. […]
Il faut distinguer les deux choses.
Dans la même interview, Fleur Pellerin cherchait à distinguer pratiques relevant de l’espionnage diplomatique - qu’elle voulait relativiser en expliquant qu’elles ont toujours existé - pour mieux dénoncer le caractère disproportionné des interceptions de conversations privées.
Quatre heures plus tard, à peine, François Hollande a tranché : espionnage diplomatique et négociations commerciales sont intimement liés. N’en déplaise à Fleur Pellerin.