L'accord du gouvernement avec ArcelorMittal passe mal auprès des syndicats comme auprès de certains ministres qui penchaient davantage pour une nationalisation temporaire du site, puis pour le passage entre les mains d'un repreneur.
Jean-Marc Ayrault est donc passé en mode "service après vente ", dans le journal télévisé de France 2 le 5 décembre puis dans la matinale de RTL le 6 décembre. Le Premier ministre doit convaincre que l'accord la meilleure solution. Ceci en deux étapes :
1 - La nationalisation aurait coûté un milliard d'euros ... et n'aurait pas garanti la sauvegarde des emplois
Jean-Marc Ayrault veut faire comprendre que l'idée d'une nationalisation temporaire, puis la reprise du site par un nouvel acquéreur, n'est pas efficace. Et qu'elle n'aurait pas permis - comme actuellement - le maintien des 630 postes à Florange.
"La nationalisation a un coût : là, il y avait un candidat repreneur, non pas pour reprendre les hauts fourneaux tous seuls mais pour reprendre la totalité du site, c'est-à-dire aussi la partie avale, le laminage, qui est rentable.
Ca voulait dire pour y parvenir : [dans un premier temps] exproprier Mittal donc nationaliser Mittal. Ca avait un coût : il fallait mobiliser, au-delà des 400 millions proposés par le repreneur, un milliard d’euros.
Avec quelle certitude que les emplois auraient été maintenus ? Je ne pouvais pas le garantir.
"
La veille, c'est le député socialiste Olivier Faure, très proche du Premier ministre, ancien conseiller à Matignon, qui expliquait la même chose , de façon plus technique :
"On parle de 400 millions d’euros … mais c’est un projet qui en réalité est bien plus couteux.
Parce que 400 millions, c’est l’investissement nécessaire pour remettre en marche les hauts fourneaux, mais il faut davantage.
Parce que si on rachète la propriété de Mittal,ça suppose de payer aussi les actifs, et d’avoir un fond de roulement pour pouvoir réaliser les investissements. Donc c’est un projet à un milliard en réalité.
"
2 - Ce gouvernement va matter Mittal
Autre problème posé par l'accord avec le groupe sidérurgiste : quelle confiance avoir ? En 2006, lors de son OPA sur le groupe Arcelor, Lakshmi Mittal avait promis qu'il n'y aurait pas de "plan de restructuration, de licenciements collectifs ou d'autres plans de réductions de personnel chez Arcelor dans l'Union européenne" ... avant de fermer le site de Gandrange, malgré un accord avec le gouvernement de Nicolas Sarkozy.
Un comportement qui fait par exemple dire à Aurélie Filippetti :
"Il n'y a pas de confiance dans Mittal. Je suis bien placée, cela fait quatre ans que je suis aux côtés des salariés d'ArcelorMittal, et que l'on voit que la parole de cet industriel ne vaut rien .
"
Là encore, le chef du gouvernement veut rassurer. En substance : l'accord passé par Nicolas Sarkozy n'était pas bon, le nôtre est meilleur.
"Là il sera obligé de les tenir [ses engagements, ndlr]. Il y a une différence, sous le gouvernement précédent, des engagements avaient été pris mais conditionnés à la situation générale de l’activité de l’acier.
Là, ce sont des engagements inconditionnels. Ces investissements doivent être respectés.
"
Un propos testé la veille par la porte-parole du gouvernement lors du compte-rendu du conseil des ministres :
"Bien entendu Monsieur Mittal n’a pas respecté ses engagements par le passé. Mais c'est aussi parce que l’accord passé avec le précédent gouvernement n’avait pas grand chose à voir avec celui signé vendredi.
Les engagements de Monsieur Mittal y sont inconditionnels là où ,avec Nicolas Sarkozy, ils étaient conditionnés à l’évolution du marché.
"
> Ce 6 décembre, à midi, le Premier ministre se heurte à une nouvelle difficulté.
La Commission européenne a annoncé qu'ArcelorMittal ne participe plus à un appel d'offres de Bruxelles, qui doit attribuer des subventions à des programmes de recherche. Ce projet pour le site de Florange - nommé Ulcos - aurait permis de maintenir en fonctionnement au moins un des deux hauts-fourneaux du site. Surtout, Jean-Marc Ayrault le brandissait le matin-même comme "le projet d'avenir" qui garantirait la survie du site.
Face à cette déconvenue - qui n'est néanmoins pas une surprise - Matignon a rapidement rebondi :
"Arcelor Mittal s'est engagé à poursuivre les travaux d'Ulcos. L'accord est toujours valable.
"
Le groupe doit poursuivre ses investissements dans un projet Ulcos 2 pour pouvoir être en mesure de répondre au prochain appel d'offres, "lancé l'an prochain". Ce sont ces investissements qui sont supposés garantir l'activité des hauts fourneaux.