Notre éditorialiste revient sur une grande première : l’annonce hier par le président de la République qu’il soumettra la loi sur le renseignement au Conseil constitutionnel .
Ce pouvoir de saisir le Conseil pour contrôler une loi ordinaire existe de longue date - depuis la création du CC en 1958 - mais n’avait jamais été utilisé.
>> 15 ans durant, le chef de l’État n’a jamais saisi le Conseil constitutionnel. Lorsque l’exécutif n’était pas content d’une loi, le Premier ministre se chargeait de faire appel aux "sages" de la rue Montpensier.
>> Puis seuls des engagements internationaux étaient soumis au Conseil. L’élection directe du Parlement européen par Giscard, le traité de Maastricht par Mitterrand, celui d’Amsterdam, la constitution européenne, la Cour pénale internationale par Chirac, le traité d’Amsterdam par Sarkozy, le pacte budgétaire européen par Hollande. Garant du respect de l’indépendance nationale, le Président veillait ainsi à la compatibilité entre ces engagements et notre souveraineté.
>> Déférer la loi sur le renseignement est donc une grande première. Elle ne signifie pas que Hollande s’oppose à cette loi, défendue par Valls en personne ; le Président a dit hier la soutenir. Mais il entend la multiplication des critiques qui dénoncent des atteintes aux libertés, chez les avocats, des juges antiterroristes, des journalistes, des serveurs web, des internautes, des responsables internationaux des droits de l’homme. Le risque existait de ne pas trouver 60 députés ou 60 sénateurs pour saisir le Conseil lorsqu’elle sera définitivement adoptée. Hollande a donc entendu ceux qui lui demandaient d’intervenir. Grâce à quoi, au bout de l’histoire, cette loi sera pour part validée, pour part annulée ou interprétée afin d’assurer la sécurité tout en préservant les libertés.