Interrogé sur le manque d'indépendance de l'IGPN, Le Guen dénonce "une thèse dangereuse pour la démocratie"

Publié à 11h34, le 22 juillet 2016 , Modifié à 12h22, le 22 juillet 2016

Interrogé sur le manque d'indépendance de l'IGPN, Le Guen dénonce "une thèse dangereuse pour la démocratie"
Jean-Marie Le Guen sur RTL, vendredi 22 juillet © Montage Le Lab

La police des polices va-t-elle vraiment faire toute la lumière sur le dispositif policier mis en place le 14 juillet à Nice, jour où un attentat revendiqué par Daech a fait 84 morts ? Ou cette enquête interne, réalisée à la demande de Bernard Cazeneuve, omettra-t-elle les éventuelles responsabilités de l'État ? C'est en réponse à cette question que Jean-Marie Le Guen, vendredi 22 juillet sur RTL, met en garde contre un "jeu délétère" et "une thèse dangereuse pour la démocratie".

L'interview du secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement porte d'abord sur l'affrontement public, depuis la veille, entre le ministre de l'Intérieur et le gouvernement d'une part, et le journal Libération d'autre part. Dans une enquête titrée "Nice : des failles et un mensonge", le quotidien a notamment pointé "les contradictions dans le flot des déclarations" des autorités sur le dispositif de sécurité mis en place sur la Promenade des Anglais. En réponse, le résident de la place Beauvau a dénoncé des "contre-vérités" et questionné la "déontologie" des journalistes de Libé.

"S'il y a eu des erreurs de communication, Bernard Cazeneuve en est victime", affirme sur RTL Jean-Marie Le Guen, qui défend son collègue : "Je sais bien que la confraternité existe, y compris dans la presse, mais enfin, Bernard Cazeneuve a été victime d'attaques, où un quotidien a traité le ministre de 'menteur', a parlé de 'mensonge', de 'dissimulation', alors que depuis tout a été rendu public de façon très claire - 'fin, c'était déjà public d'ailleurs - et en fait c'est le journal qui s'est trompé dans l'interprétation." Et le secrétaire d'État de dénoncer "une attitude à la recherche du scoop, à la recherche de la défiance" et une forme de "populisme" de la part de Libération.

S'engage ensuite un dialogue sur le "questionnement" qui peut être fait au sujet des conditions précises dans lesquelles l'attentat s'est déroulé et la nécessité de "savoir" la vérité. Jean-Marie Le Guen est bien d'accord : la "transparence" doit être "faite". Ce qu'il n'accepte pas en revanche, c'est que l'on sous-entende que l'État pourrait manipuler l'enquête de l'Inspection générale de la police nationale pour mettre sous le tapis ses potentiels manquements. Car ses fonctionnaires sont "soumis à leur déontologie" et "protégés" des "pressions du politique", soutient-t-il. Voici ce qui est dit :

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- RTL : Le questionnement, il n'est pas légitime ? Les Français ont le droit de savoir, les Niçois particulièrement, si le dispositif était adapté.



- Jean-Marie Le Guen : Mais bien évidemment, vous avez parfaitement raison et de ce point de vue, tout est là. D'abord il y a une enquête qui a été diligentée par le procureur. Ensuite Bernard Cazeneuve a annoncé qu'il y aurait dès la semaine prochaine les résultats d'une enquête de l'IGPN, la police des polices, de façon à ce que la transparence soit faite.



- RTL : Mais est-ce qu'on est sûr de l'indépendance de cette enquête ? Je vous pose la question parce qu'en l'occurrence, c'est la police nationale opposée à la ville de Nice dans cette histoire, il y a deux versions qui s'opposent. Est-ce qu'on est sûr que la police fera une enquête totalement indépendante ?



- Jean-Marie Le Guen : Moi je veux bien qu'on aille sur ce terrain-là, mais à ce moment-là, y'a plus d'État de droit dans ce pays. Si, aujourd'hui, un certain nombre de journalistes, de commentateurs, de responsables politiques,  mettent en cause le fonctionnement de la justice, des services administratifs de l'État, alors c'est une thèse qui est extrêmement dangereuse pour la démocratie. Je le dis franchement avec beaucoup de solennité. Arrêtons ce jeu délétère ! Nous sommes dans un État de droit, il y a des français, des citoyens, des fonctionnaires, qui sont des hommes soumis à leur déontologie, qui sont protégés dans leur statut, où il n'y a pas de pressions du politique. C'est un mensonge grave parce que c'est un mensonge d'atteinte à la démocratie que de faire croire le contraire. Donc arrêtons tout de suite ce jeu-là, ou alors nous jouons avec des allumettes s'agissant de l'avenir de la démocratie dans ce pays.

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Un échange à revoir dans cette vidéo :



C'est donc cette mise en cause de l'impartialité et de l'indépendance de l'IGPN vis-à-vis du gouvernement que Jean-Marie Le Guen juge "dangereuse pour la démocratie", et non simplement la critique de l'État dans son ensemble. Plus loin, le secrétaire d'État a d'ailleurs affirmé que différents moyens d'enquête (judiciaire, parlementaire ou journalistique) pouvaient être et seraient mobilisés afin d'établir la vérité, assurant que les erreurs qui pourraient alors être démontrées seraient "évidemment sanctionnées" :

 

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Il y aura plusieurs enquêtes de natures différentes, avec des statuts différents : des juges, des responsables politiques dans le cadre éventuellement d'une commission parlementaire [réclamée par certains à droite, ndlr], l'enquête de la presse existe, je ne mets pas en cause le fait que la presse enquête ou pose des questions [...]. Il y aura quatre ou cinq voies différentes pour exposer de façon transparente la réalité de ce qui s'est passé, la réalité de ce que nous faisons, personne ne peut avoir de doute là-dessus. Et si évidemment des fautes étaient avérées - mais je me place d'un point de vue théorique, abstrait -, il n'y a pas de doute non plus pour qu'elles soient sanctionnées.

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Et de marteler : "Personne ne doute de notre démocratie, de l'État de droit, de la diversité des contrôles et des opinions. Personne ne peut en douter."



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