DÉDOUBLEMENT DE PERSONNALITÉ - Tel Bernard Cazeneuve collectionneur de chapeaux, François Bayrou possède de multiples casquettes. Le président du MoDem est ainsi récemment devenu ministre de la Justice, tout en restant maire de Pau, ce qui le conduit d'ailleurs à aller présider le conseil communautaire de l’agglomération de la ville tout en planchant sur le premier grand texte du quinquennat, le projet de loi de moralisation de la vie publique. Mais il n'entend pas porter tous ces couvre-chef en même temps.
C'est ainsi que François Bayrou n'est plus que "maire de Pau" sur Twitter depuis mardi 30 mai. Il a en effet modifié sa biographie sur le réseau social dans la journée, pour y faire disparaître la mention "ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice" qui y apparaissait fièrement depuis sa nomination.
Tiens, bizarre : François Bayrou a enlevé "ministre de la Justice" de sa bio twitter, remplacé par "Maire de Pau" pic.twitter.com/8XBGQUoSKI
— Frédéric Says (@FredericSays) 30 mai 2017
Et pour expliquer ce changement, le cabinet de François Bayrou à la chancellerie fait valoir, auprès du Parisien , "qu'il s'agit de son compte personnel" et que sur Twitter, le ministre n'est pas ministre. Merci donc de dissocier le François Bayrou "maire de Pau" qui tweete et le François Bayrou "garde des Sceaux" qui ne tweete pas. Pour ce dernier, prière de vous référer au compte officiel du ministère de la Justice. Une bien étrange tentative de dissociation des différentes *identités* de l'intéressé... d'autant qu'aux dernières nouvelles, la charge publique de maire de Pau n'est pas absolument constitutive de la personne de François Bayrou, en tout cas pas plus que celle de ministre.
Et puis pardon de vous le dire, mais on se demande alors ce que vient faire ce genre de messages sur le compte Twitter du maire de Pau :
Ce qui me frappe depuis mon arrivée pl. #Vendôme, c'est l'incroyable qualité humaine des femmes et hommes qui travaillent dans ce ministère. pic.twitter.com/GUWrOpoUls
— François Bayrou (@bayrou) 30 mai 2017
Certains avaient en tout cas vu dans cette disparition très remarquée l'annonce avant l'heure d'un départ du gouvernement. Très attaché aux questions de moralité publique, François Bayrou 1) est mis en examen pour diffamation (une procédure automatique en pareil cas) et 2) ne goûterait que moyennement l'affaire Ferrand, son collègue ministre étant mis en cause par des soupçons de conflit d'intérêts et de "mélange des genres" mais maintenu à son poste par le Premier ministre et le Président. Généralement coutumier des commentaires cinglants sur ces dossiers, l'actuel ministre de la Justice est de fait très silencieux au sujet de Richard Ferrand.
Aurait-il alors remis sa démission en signe de protestation et, dans la foulée, supprimé de sa bio la mention de son portefeuille ministériel ? Il n'en est rien. S'il n'est plus garde des Sceaux sur Twitter, c'est parce que François Bayrou aurait légèrement énervé les magistrats en likant et retweetant le communiqué de Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem et ministre des Affaires européennes visée par une enquête, et développant sa défense. Le Parisien détaille en effet :
"Cette initiative, destinée à soutenir son ancien bras droit [...] a choqué venant du ministre de la Justice. Elle pourrait être interprétée comme une forme de pression sur les magistrats chargés d’enquêter.
"
"Il n'y a aucune critique concernant la Justice" dans le tweet relayé par le maire de Pau (du coup), tente d'ailleurs de déminer son cabinet (au ministère ¯\_(ツ)_/¯) dans les colonnes du quotidien.
Et à partir de dorénavant, à vous de débrouiller pour savoir quel François Bayrou parle à quel moment.
[EDIT 9h]
Marielle de Sarnez est en tout cas bien d'accord avec cette théorie des deux corps du ministre sur Twitter. Sur Europe 1 ce mercredi, la ministre des Affaires européennes déroule le même argumentaire que le cabinet de François Bayrou :
"C'est pas le ministre [qui tweete], François Bayrou c'est aussi un homme public, c'est aussi un homme politique, c'est aussi un citoyen et il a le droit de s'exprimer sur Twitter en tant que tel, comme citoyen et pas comme ministre. [...] Un homme public, c'est aussi quelqu'un qui a sa forme de liberté.
"
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