Le sénateur socialiste Thani Mohamed-Soilihi affirme avoir été victime d’un délit de faciès

Publié à 16h40, le 27 avril 2012 , Modifié à 17h14, le 27 avril 2012

Le sénateur socialiste Thani Mohamed-Soilihi affirme avoir été victime d’un délit de faciès
Même pour un sénateur le logement peut poser problème à Paris (Maxppp).

Thani Mohamed-Soilihi est un jeune sénateur. Elu en septembre dernier à la chambre haute pour représenter le département de Mayotte, il était à la recherche d'un pied-à-terre à Paris.
Problème : à l'heure de trouver un appartement il a du faire face à ce qu'il considère comme un délit de faciès. L'agence immobilière a exigé de lui des garanties hors du commun, alors que son statut de sénateur a tout pour rassurer les propriétaires. Aujourd'hui, il veut dénoncer cette pratique. Pas pour lui, mais pour tout ceux à qui ça arrive au quotidien et qui ne peuvent faire autrement, déclare-t-il.

A lire également : la tribune de Thani Mohamed-Soilihi 

  1. "J'ai vécu 12 ans en métropole, aujourd'hui la situation est de pire en pire".

    L'histoire se cache dans un article de la page 32 du Nouvel Observateur. Titré "un sénateur trop exotique" l'article raconte les mésaventures d'un jeune sénateur de Mayotte à l'heure de trouver un appartement parisien. 

    Thani Mohamed-Soilihi est élu de Mayotte depuis septembre dernier. Pour trouver un pied-à-terre, il se présente dans une agence immobilière du quartier de Montparnasse. Et là, commencent les ennuis. 

    Inquiet de la solvabilité de son futur locataire, le propriétaire lui exige une caution bancaire d'un an. Selon le sénateur, au coeur des réticences, officiellement : Mayotte ne serait française depuis trop peu de temps (depuis 1841, en réalité, ndlr) et sa fonction de sénateur lui donne une immunité qui empêcherait le bailleur de le poursuivre en cas de non paiement. 

    Officiellement. Car le parlementaire a la conviction que ces réticences de la part du propriétaire sont basées sur sa couleur de peau et/ou sa religion. Aujourd'hui, il dénonce ces pratiques. Pas pour lui, qui a réussi sans difficultés à trouver un autre appartement, mais pour ceux qui vivent cela sans avoir d'autres recours, comme il l'explique dans une tribune

    Mon inquiétude à moi se porte sur la possibilité pour un citoyen, noir et /ou musulman de surcroît, de se loger aujourd’hui à Paris. Dans le contexte économique actuel, qui peut se permettre de réserver un an de loyer sur un compte en banque ?

    Thani Mohamed-Soilihi a vécu douze ans en métropole. Après des études d'avocats, il est retourné à Mayotte. En observateur, aujourd'hui, il estime que "la situation est de pire en pire en France"."Beaucoup de gens vivent avec ces injustices, sans ne pouvoir rien faire".

     

  2. [TRIBUNE] Sénateur, j'ai aussi été victime de délit de faciès

    Sénateur de Mayotte nouvellement élu, je me rends, depuis septembre 2011, très régulièrement à Paris pour y exercer, le plus consciencieusement possible, mon mandat. 

    C’est pourquoi, rapidement, je me suis mis à la recherche d’un petit appartement.

    Quelques jours après avoir trouvé mon bonheur et déposé un dossier complet, je reçois un coup de fil de l’agent immobilier en charge de la location de ce logement, m’indiquant que le propriétaire souhaite que je contracte une caution bancaire correspondant à un an de loyer.

    Le motif invoqué par téléphone est que Mayotte ne serait pas française depuis assez de temps. J’imagine que le propriétaire fait référence à la départementalisation, dont, il est vrai, nous venons de fêter le premier anniversaire. Je rappelle alors à mon interlocutrice que l’île de Mayotte est française depuis 1841, date à laquelle elle a été vendue à la France par le sultan Andriantsoly. Je précise également que ce tout nouveau département était français avant Nice et la Savoie, et a souhaité le rester lorsque les Comores ont accédé à l’indépendance en 1974. 

    Pour autant, une intuition me fait penser que le problème ne se situe pas là.

    J’entreprends alors après quelques jours de réflexion de retourner en agence pour comprendre. Sur place, il est désormais question de la soi-disant protection de la loi dont je ferais l’objet en ma qualité de « diplomate »…Quelle confusion dans l’esprit de cette jeune personne ! Elle m’explique, gênée, qu’elle suit les directives.

    L’immunité parlementaire, puisqu’il s’agit de cela, ne s’applique qu’aux poursuites menées devant les instances pénales et peut être, selon les circonstances, levée par le Sénat. En revanche, l'engagement de poursuites contre un parlementaire n'est soumis à aucune autorisation particulière, dès lors que ces poursuites ne comportent pas de mesure privative ou restrictive de liberté.

    Ma décision est prise depuis longtemps, je ne ferais pas affaire avec ces gens-là, mais je décide tout de même d’aller au bout de la démarche. Je propose, pour éviter la caution bancaire, de fournir une attestation prouvant que l’immunité en cause est inopérante en cas de loyers impayés. Le propriétaire demeure malgré tout extrêmement frileux puisqu’il envisage maintenant de soumettre mon dossier à la garantie des loyers impayés (GLI).

    Naïvement sans doute, et parce que je veux croire le contraire, je n’ose envisager que sa réticence soit fondée sur la couleur de ma peau, ou encore sur ma religion. Je reste persuadé qu’il aurait demandé autant de garantie à un parlementaire de Nice ou de Savoie cherchant à louer son appartement.

    Non, mon inquiétude à moi se porte sur la possibilité pour un citoyen, noir et /ou musulman de surcroît, de se loger aujourd’hui à Paris. Dans le contexte économique actuel, qui peut se permettre de réserver un an de loyer sur un compte en banque ?

    En ce qui me concerne, je ne suis pas dans une situation d’urgence. Je peux choisir de me plier aux exigences démesurées de ce propriétaire ou, comme je l’ai fait, de refuser par principe et de préférer séjourner à l’hôtel. Mais tout le monde n’a pas cette chance.

    Thani Mohamed-Soilihi, sénateur de Mayotte

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