C'EST NON - Jeudi 19 novembre, six députés - trois socialistes et trois écologistes - ont voté contre le projet de loi prolongeant l'état d'urgence et modifiant très significativement la loi de 1955 qui encadre ce régime d'exception. L'Assemblée nationale a voté à une immense majorité (551 voix pour) cette prorogation de l'état d'urgence pour trois mois, voulue par François Hollande.
L'élu socialiste Pouria Amirshahi avait pour sa part annoncé son intention de voter contre. Deux autres socialistes, Barbara Romagnan et Gérard Sebaoun, l'ont également fait. Ainsi que les écolos Sergio Coronado, Noël Mamère et Isabelle Attard. La députée PS Fanélie Carre-Conte s'est pour sa part abstenue. L'analyse complète du scrutin est disponible sur le site de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, 19 députés n'ont pas pris part au vote : sur les 577 élus de l'Assemblée, on compte 558 votants.
# Les raisons
Dans une tribune publiée par Le Monde, Pouria Amirshahi justifiait longuement son choix :
"C’est dans la précipitation que les législateurs vont délibérer d’une restriction sévère de nos libertés publiques, de nos loisirs et sorties, de nos manifestations de solidarité, de notre droit à nous réunir. [...] Celles et ceux qui assument que les libertés puissent (ou doivent) passer au second plan d’une sécurité première ont le mérite de la cohérence. Vieux débat qui traverse la France depuis 1789. Mais pour celles et ceux qui, nombreux dans les paroles, ont affirmé avec force que la démocratie ne gagnera qu’en étant elle-même, en ne rognant pas un pouce de droit ni de liberté, il y a une grave contradiction à défendre aujourd’hui l’inverse dans la Loi. [...] Pas une démocratie moderne ne modifie ses règles les plus précieuses en période où prime la possibilité de dérogation à ces mêmes règles. Sans même entrer dans le contenu des modifications envisagées, dont certaines sont la reprise des vieilles revendications du bloc réactionnaire [...], on ne saurait, en pleine conscience républicaine, accepter de procéder à ces modifications substantielles de droit fondamental en pleine application d’une loi d’exception.
"
Il ajoutait que "contrairement à ce qui est affirmé par les tenants d’un virage néoconservateur, nous disposons d’un arsenal judiciaire et répressif très dense, révisé plus de 11 fois en 10 ans."
Lui aussi inquiet des mesures sécuritaires prises par le gouvernement en accord avec l'opposition, Noël Mamère a expliqué dans l'hémicycle que "nous devons prouver que nous sommes capables de réagir par un dispositif respectueux de l'État de droit".
Également inquiets de certaines dispositions, les communistes ont cependant voté le texte. Le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne, a ainsi expliqué que "certaines de ces évolutions nous préoccupent. Pour nous c’est un point d’inquiétude, notamment sur l’assignation à résidence".
# Le contenu du projet de loi adopté
Le projet de loi, qui actualise la loi de 1955 sur l'état d'urgence, prévoit notamment l'élargissement des assignations à résidence et la dissolution de groupes radicaux chapeautant des mosquées et des lieux de prières extrémistes. D'autres mesures importantes ont été ajoutées dans l'hémicycle, comme le possible recours au bracelet électronique pour certains assignés à résidence, ou le possible blocage de sites internet par le gouvernement.
Le projet de loi, qui proroge l'état d'urgence en métropole et outre-mer jusqu'à fin février, devrait être voté conforme vendredi au Sénat, entraînant son adoption définitive.
Tous les groupes politiques ont soutenu le texte porteur d'un "équilibre efficace et juste", selon Pascal Popelin (PS), et de "réponses urgentes et immédiates", d'après Eric Ciotti (Les Républicains).