Depuis lundi soir, le Front national truste les plateaux télé et radio pour démonter les informations du Monde et expliquer à cor et à cri que leur parti n'est aucunement lié à l'affaire Panama Papers. D'une manière générale, les ténors répètent que cela ne concerne que Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et dirigeant de la société Riwal, prestataire du FN déjà mis en cause dans l'affaire du financement du parti.
Pour démonter le lien entre Frédéric Chatillon et le FN, certains font preuve d'imagination. Peut-être que mon coiffeur à Perpignan est aussi dans l'affaire du Panama. Je ne le sais pas", a ainsi commenté Louis Aliot sur BFMTV, mardi 5 avril. Florian Philippot, lui, aime beaucoup parler de "la boulangère de Marine Le Pen"
Mais le vice-président du FN a trouvé un autre angle d'attaque : Emmanuel Macron. Jugez plutôt :
"Si on apprend que la boulangère de Marine Le Pen a un compte, Marine Le Pen sera responsable ? Et 'Le Monde' titrera : 'La boulangère de Marine Le Pen a un compte caché en Suisse' ou je-ne-sais-quoi. Avec ces méthodes-là, on peut aller très très loin. Encore une fois on peut accuser BFMTV, on peut accuser le Parti socialiste, les Républicains. Monsieur Macron n'était-il pas un des dirigeants de Rothschild avant de venir à Bercy ? Or la banque Rothschild apparaît. Alors monsieur Macron serait donc responsable ?
"
Cet argument est adoré par Florian Philippot. Dès lundi 4 avril, avant même que Le Monde ne publie son article sur Frédéric Chatillon, le n°2 du FN lançait sur iTÉLÉ :
"La banque Rothshild est impliquée. Est-ce que vous dîtes que monsieur Macron est concerné parce qu'il a été un grand dirigeant de Rothschild, et donc le gouvernement ?
"
Et rebelote mardi midi, toujours sur iTÉLÉ :
"En quoi c'est le Front national ? En quoi c'est un compte de Marine Le Pen. Pourquoi vous ne diriez pas la même chose concernant monsieur Balkany et monsieur Sarkozy. Ils sont proches, non ? Pourquoi vous ne diriez pas la même chose concernant Cahuzac et le Parti socialiste, ou Rothschild et Macron ? C'est bizarre ce deux poids, deux mesures.
"
Et voilà donc Florian Philippot pris en plein exercice de "diffamation par amalgame" , pour reprendre les mots de Louis Aliot. Certes, il y a bien une banque Rothschild évoquée dans l'affaire Panama Papers. Sauf qu'il ne s'agit pas de la banque pour laquelle a travaillé Emmanuel Macron, comme l'ont noté Les Décodeurs du Monde . L'utilisation du même nom peut créer le trouble. Elle divise même jusqu'au sein de la famille.
Comme il en a longuement été question durant l'émission Cash Investigation , mardi soir sur France 2, la banque Rothschild concernée - pour l'heure - par l'affaire Panama Papers est la banque Edmond de Rothschild. C'est elle qui, selon les informations du Consortium international des journalistes d'investigation, a créé 142 sociétés offshore. D'après Cash Investigation, ces sociétés auraient permis de blanchir l'argent de certains clients.
Il ne s'agit donc pas de la banque Rothschild & Cie pour laquelle a travaillé, de 2008 à 2012, Emmanuel Macron mais d'un autre établissement. En évoquant le nom d'Emmanuel Macron pour éteindre l'incendie qui menace, après les révélations du Monde, la maison Front national, Florian Philippot joue donc l'intox. Certes, les deux banques ont une partie de leur nom en commun. Mais les deux maisons sont surtout en concurrence.
En septembre 2015, quand le dirigeant de Rothschild & Cie, David de Rothschild, a fait voter le changement de nom de sa holding Paris Orléans en Rothschild & Co, le groupe Edmond de Rothschild avait ainsi déploré "une décision qui revient à accaparer le nom de famille Rothschild par un usage sans élément distinctif et alimentant la confusion entre les groupes". En septembre 2013, Le Monde faisait état de "tensions au sommet entre les maisons Rothschild d’Edmond et de David".
À noter toutefois que le groupe Edmond de Rothshild détenait en septembre dernier 7,83% du capital et 10,57% des droits de vote de Paris Orléans, rappelait le journal Les Échos .
Florian Philippot n'est toutefois pas le seul à avoir fait cette entre les deux banques. Caroline de Haas, ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem, ou encore le mouvement anti-capitaliste Attac , pour ne citer qu'eux, ont également fait ce parallèle entre Emmanuel Macron, la banque Rothschild et les Panama Papers.
Rothschild. Hum, ce nom me dit quelque chose. Mais quoi ? #cashinvestigationpic.twitter.com/EmH9ctipmI
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 5 avril 2016
Mardi, d'autres élus FN avaient, eux, choisi de parler de l'ancien trésorier de François Hollande, Jean-Jacques Augier, et affirmaient que son nom figurait dans Panama Papers . Ce qui est également faux…