A une semaine de l'examen de la proposition de loi sur la prostitution, Najat Vallaud-Belkacem redevient la porte-parole de la pénalisation du client, après des mois de silence contraint sur le sujet
Invitée de BFMTV ce 22 novembre, la ministre des Droits des femmes a défendu la contravention de cinquième classe prévue dans cette proposition de loi pour les clients pris en flagrant délit. Au journaliste qui lui demande si ce n'est pas une atteinte à la liberté de la femme que de l'empêcher de se prostituer si elle le souhaite, elle répond :
Vous trouverez toujours des gens pour vous dire qu’ils sont consentants pour vendre leurs organes, pour travailler en dessous du Smic… et ça ne nous a pas empêché d’adopter des législations. (...)
[Cette loi] est une atteinte à la liberté du client. Mais ça, je l’assume.
Najat Vallaud-Belkacem refuse également qu'on puisse parler de tentative de réglementation de l'activité sexuelle des clients :
Avec ce texte, on ne légifère pas sur l’activité sexuelle des individus mais sur la violencequi est faite sur certains individus que sont les personnes prostituées.
Je comprends qu’on puisse avoir des interrogations. Moi-même quand j’ai commencé à m’y intéresser (...) je vous avoue que je n’y voyais pas forcément clair, que les grands mots de "liberté sexuelle" pouvaient venir me traverser l’esprit.
Il suffit de s’y plonger en détail pour voir qu’on ne parle pas de liberté sexuelle, on parle de la misère de femmes (...) qui sont livrées à d’autres individus en échange d’argent alors même que la prostitution n’est jamais un projet de vie, c’est une contrainte.
(...) Est-ce que notre société ne doit pas fixer des bornes pour dire ce qui est souhaitable ou pas ?
La ministre rappelle également qu'elle considère que le client "est l'un des rares acteurs du système prostitutionnel à n'être aucunement appréhendé jusqu'à présent". Chose que la proposition de loi doit permettre de renverser.
Mais si Najat Vallaud-Belkacem se fait ce vendredi première porte-parole de la pénalisation du client, cela n'a pas toujours été le cas ces derniers mois. Après une prise de position abolitionniste très forte en tout début de quinquennat, la ministre des Droits des femmes avait en effet été priée de se faire moins catégorique sur ce thème clivant. Le sujet a d'ailleurs été laissé à l'initiative des parlementaires et non à la ministre.
Autre preuve de cette discrétion imposée : en mars, lors d'un débat au Sénat sur la suppression du délit de racolage public, Najat Vallaud-Belkacem avait préféré ne pas s'avancer sur la pénalisation du client arguant qu'il fallait "une réflexion apaisée et nourrie avant de se prononcer".
Fin septembre encore, alors que la députée PS Maud Olivier présentait les grands axes de sa proposition de loi, la ministre restait distante quant à la sanction du client et saluait simplement "la cohérence du texte".
A une semaine du débat à l'Assemblée, et alors que le texte fait de la fréquentation de prostitué(e)s une infraction punie d'une contravention et non un délit passible d'emprisonnement à la récidive comme proposé initialement, Najat Vallaud-Belkacem semble donc avoir été autorisée à reprendre son bâton de pèlerin pour défendre ses idées abolitionnistes.