Au-delà des invectives, des rappels au règlement, des accusations d’obstruction de l’opposition ou de plan caché du gouvernement, ou encore des dérapages, ces presque deux semaines de débats à l’Assemblée nationale sur le mariage homosexuel ont réservé des séquences cocasses.
Des séquences, parfois furtives, où la lutte politique laisse place aux rires, où l’humour prend le pas sur la contradiction systémique.
Pour ce samedi, le Lab vous propose un best-of non exhaustif des séquences marquantes, par leur drôlerie, des débats.
>> Le fou rire de Taubira
17H15 à l'Assemblée nationale le mardi 5 février. La garde des Sceaux répond au député UMP de la Manche, Philippe Gosselin pour défendre son projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels.
"Monsieur Gosselin, puisque c'est par petits bouts que vous êtes amené..." Christiane Taubira ne finit pas sa phrase et se mord les lèvres pour étouffer son rire. Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, rit aussi sur son perchoir et s'exclame "fait personnel !". Philippe Gosselin fait des grands signes, hilare lui aussi.
>> Mariton/Taubira, naissance d’une complicité
Mercredi 6 février, vers 18h, Christiane Taubira est appelée au micro pour donner son avis sur un amendement d’Hervé Mariton, avec qui elle ferraille depuis plusieurs jours. "On va les marier", crie alors le député UMP Philippe Meunier au cœur d’une séquence légère qui a détendu, quelques instants l’atmosphère.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis défavorable, monsieur le président. Je vais répondre à M. Marti…, pardon, Mariton. (Sourires.)
M. Yves Fromion. Allons ! Vous le connaissez bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, monsieur le député, très bien, et de longue date. Avant même de vous connaître, et je sais beaucoup de choses que vous ignorez. (Sourires.)
M. Yves Fromion. Attention ! Tout cela va figurer dans le compte rendu !
M. Philippe Meunier. On va les marier !
M. Hervé Mariton. Mais je suis marié… (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Moi aussi, monsieur Mariton.
M. le président. Je sais qu’on est en train d’évoquer le mariage pour tous, mais quand même ! (Rires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et j’ai juré fidélité, monsieur Mariton.
>> Le sketch de Jean Lassalle
Jean Lassalle, député MoDem des Pyrénèes Atlantiques, a provoqué mercredi soir l'hilarité générale en prenant la parole à l'Assemblée nationale... pour dire qu'il demandait la parole.
Expliquant que ses électeurs lui reprochent de ne pas le voir dans les débats à la télé, le député béarnais explique ensuite que le temps de parole des députés non inscrit a fondu comme neige au soleil. L'assemblée rit et applaudit. Hilare, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, lui "donne deux minutes" de parole "à la demande générale".
>> Le sexe du Père Noël
Vendredi 1er février, alors que les députés commençaient à discuter des articles et des amendements du texte, le député UMP Jean-Pierre Door a pris la parole pour défendre sa position. Et expliqué que, s’il n’était pas opposé à l’amour entre deux hommes ou deux femmes, cela ne pouvait entrer dans le cadre de l’institution du mariage, car "dire que l’institution du mariage peut concerner deux personnes du même sexe, c’est comme dire soudain que le Père Noël est une femme".
Réponse amusée de la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti : "Je ne savais pas qu’on allait discuter du sexe du père Noël mais mon collègue Alain Vidalies est très rassuré d’enfin savoir quel est le sexe du Père Noël."
>> "Nous sommes saisis par la grâce"
Avec 5.300 amendements au texte sur le mariage et l'adoption pour les couples du même sexe, l'opposition est accusée de répéter en permanence les mêmes arguments. Chaque proposition est d'ailleurs immédiatement retoquée.
Jusqu'à ce 8 février. Hervé Mariton, principal orateur UMP sur ce texte, particulièrement remarqué pour sa capacité à argumenter des heures durant, a réussi à faire adopter un de ses amendements, avec avis favorable du rapporteur, de la commission des lois et de Christiane Taubira. "Nous sommes saisis par la grâce", lance alors Jean-Jacques Urvoas.
>> Myard, les femmes et le poulet au champagne
Vendredi 1er février au soir, nouvelle séance. Et Jacques Myard, truculent député UMP, prend la parole pour défendre "l’altérité". Au cours de sa démonstration, l’élu des Yvelines raconte une anecdote personnelle : il fait très bien le poulet au champagne. Et d’expliquer qu’il le fait mieux "que toutes les femmes" qu’il a connu. Et il en a connu "quelques unes", ajoute-t-il encore dans un sourire.
Une scène rapportée dans le compte-rendu de séance :
M. Jacques Myard. Chers collègues, vous nous parlez beaucoup du principe d’égalité, qui serait la pierre angulaire de votre réforme, mais ce principe n’est pas la réalité ni l’explication du monde. Ne niez pas la réalité : l’humanité s’est développée sur l’altérité, et c’est cela la question fondamentale. Il est évident que dans les fonctions sociales, les hommes et les femmes sont égaux, et nous luttons pour que cette égalité soit reconnue. Je peux même vous dire que l’homme et la femme sont à cet égard parfaitement interchangeables. J’ai eu deux chefs femmes : elles s’en sont remises ! (Sourires.)
Madame Coutelle, je vais vous faire un aveu : je fais très bien le poulet au champagne,…
Mme Catherine Coutelle. Bravo !
M. Jacques Myard. …mieux que toutes les femmes que j’ai connues, et j’en ai connu quelques-unes ! (Sourires. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Seul M. Myard a la parole.
M. Jacques Myard. J’invite Mme Coutelle à venir manger mon poulet au champagne.
>> La "canaille" de Moscou
Vendredi 1er février, deuxième séance. Thierry Mariani, député de la onzième circonscription des Français de l’étranger, invite ses collègues parlementaires à "une mobilisation citoyenne" contre le mariage homo.
Jusque là, rien qui ne puisse faire réagir l’hémicycle. Sauf que. L’endroit où se déroule l’événement s’appelle "Canaille". "Il porte bien son nom", lance alors le député PS Yann Galut.
Voici l’échange selon le compte-rendu de la séance :
M. Thierry Mariani. Madame la ministre, je voudrais profiter du peu de temps qui m’est imparti pour vous dire combien j’ai été surpris de la mobilisation citoyenne des Français autour de ce texte, non seulement en France, mais aussi à l’étranger. J’ai ainsi été informé qu’aura lieu dimanche prochain, une réunion à laquelle je vous invite au bistrot « Canaille » de Moscou… (Sourires)
M. Yann Galut. Il porte bien son nom !
M. Thierry Mariani. C’est le nom du bistrot, il n’y a aucun sous-entendu…
M. Matthias Fekl. C’est un mauvais exemple !
M. Yann Galut. Est-ce qu’il y aura Gérard Depardieu ?
M. le président. S’il vous plaît ! On écoute l’orateur : monsieur Mariani, poursuivez vos propositions honnêtes.
M. Thierry Mariani. Monsieur le président, comme d’aucuns mettent en doute l’existence de ce bistrot, je leur donne rendez-vous au bistrot « Canaille » rue Bolshaya Bronnaya, à Moscou. Ce genre d’événement a déjà eu lieu dans ma circonscription, à Pékin, par exemple. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il y a vingt ans, pour vous, Moscou, c’était La Mecque, et maintenant, c’est l’enfer ! Il faudrait savoir ! (Même mouvement)
>> Les pains au chocolat de Jacob
Dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 février, les députés siègent jusqu’à 8h du matin. Vers 5h50, le patron des députés UMP, Christian Jacob, demande un rappel au règlement pour une raison plutôt singulière : les pains au chocolat viennent d’être livrés.
Le bras droit de Jean-François Copé demande alors une suspension de séance afin que les élus puissent prendre leur petit déjeuner.
>> Le Fur évoque Pelé
Marc Le Fur, l’un des animateurs des débats du côté de l’UMP, prend la parole, lundi 4 février, pour aborder la question des patronymes. Et développe une argumentation qui fait sourire l’hémicycle lorsqu’il évoque le joueur de football brésilien, Pelé. Une séquence conclue avec humour par le président de l’Assemblée, Claude Bartolone.
M. Marc Le Fur. Je lui ai fait confiance, et je ne vois pas pourquoi cette logique des prénoms ne vaudrait pas pour le nom. Le véritable sujet, c’est que nous débattons d’un projet de loi relatif à l’homosexualité et que, pour résoudre le problème des couples homosexuels, dans lesquels se trouvent deux pères ou deux mères, vous avez trouvé cette solution-là, mais qu’au lieu de la cantonner au groupe homosexuel vous l’appliquez à l’ensemble des familles françaises dont vous allez compliquer la vie. Jamais, dans ma permanence, je n’ai vu quelqu’un me solliciter ni me demander de réforme à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous allons compliquer la vie des gens, car nous allons casser les histoires familiales, rompre les liens de cousinage.
Une anecdote pour conclure. Il y a parmi nous un certain nombre de compatriotes d’origine portugaise – et vous savez que les noms portugais sont très longs : Pelé ne s’appelle pas Pelé, mais Edson Arantes do Nascimento. Imaginez que l’enfant du petit Pelé français rencontre une jeune femme issue de l’aristocratie française : ce n’est plus un nom qu’il faudra à leur descendance, c’est une valise ! (Rires sur divers bancs. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Je ne suis pas sûr que cette intervention fasse un carton… (Sourires.)
>> Quand la reine d’Angleterre rentre dans le débat
Les débats ont connu leur "point DSK", leur "point sexe du Père Noël", mais aussi leur "point Reine d’Angleterre", grâce au député UMP Nicolas Dhuicq.
Une allusion malicieusement relevée par son collègue de droite, Hervé Mariton.
M. Nicolas Dhuicq. Vous pouvez bien hurler ! Anda, anda ! Ensuite, chers collègues, vous devriez lire la page 24 du projet de loi britannique : les mots « mari et femme » sont intégralement conservés dans le projet, ainsi qu’à la page 25 le mot « veuve ». Comme le disait un ancien Premier lord de l’Amirauté : « We shall never surrender ! »
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. C’est l’heure où la Reine d’Angleterre est entrée dans le débat… (Rires.)