La guerre est déclarée. Jean-Vincent Placé en a fait son cheval de bataille : la lutte contre l’obsolescence programmée. Un sujet pour lequel le gouvernement apporte ses solutions dans le projet de loi Hamon sur la protection des consommateurs.
>> Qu’est-ce que l’obsolescence programmée ?
L’obsolescence programmée est l’ensemble des techniques par lesquelles un fabricant ou un importateur de biens vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement.
Telle est la définition juridique proposée par le sénateur écolo, le 23 avril au Sénat, lorsqu’il a mis le sujet sur la table lors d’une question orale à Benoît Hamon, ministre de l’Economie sociale et solidaire et porteur du projet de loi sur la consommation, présenté ce jeudi 2 mai en Conseil des ministres. Un terme "barbare", dit-il, derrière lequel "se cache un stratagème industriel qui a de graves répercussions écologiques et sociales".
Pour Benoît Hamon, "l’obsolescence programmée (…) cela peut être l’obsolescence technique, dès lors que l’on ne dispose plus des pièces nécessaires à la réparation et donc à l’utilisation d’un bien, ou encore l’obsolescence ressentie, subjective, liée au cycle d’innovation, voire au marketing, qui nous amène à renouveler nos biens d’équipement avant la fin de leur durée de vie, au motif qu’ils ne sont plus à la mode ou tout à fait adaptés aux évolutions technologiques les plus récentes."
>> Un sujet consensuel
Le sujet fait relativement consensus, selon les débats sénatoriaux, et a occasionné une saynète cocasse. Car l’obsolescence programmée concerne aussi bien les objets électriques et électroniques que les vêtements.
Evoquant "les bas en nylon qui filent après quelques utilisations", le patron des sénateurs écolos est alors interrompu par deux sénatrices qui s’exclament :
Les collants !
Et Jean-Vincent Placé d’ajouter :
Je suis certain, mesdames, que vous connaissez le problème mieux que moi !
Sur le fond, le sénateur souhaitait une loi consacrée. Il en a d’ailleurs rédigé une proposition. Mais Benoît Hamon a, dès ce débat à la chambre haute, écarté l’idée d’une loi à part entière, expliquant que des mesures seraient insérées dans sa loi sur la consommation.
>> Quelles sont les solutions proposées par le gouvernement ?
- Renforcer les sanctions existantes
Au Sénat, le ministre de l’Economie sociale et solidaire, ancienne figure de proue de l’aile gauche du PS, a tout d’abord rappelé que la loi prévoyait déjà des mesures pour lutter contre ce phénomène consumériste.
Comme il l’a rappelé ce jeudi 2 mai sur France Inter, "il existe déjà dans la loi de quoi lutter contre l’obsolescence programmée".
Et s’il concédait le 23 avril au Sénat que "l’obsolescence programmée n’est pas un concept paranoïde ou complotiste", Benoît Hamon précisait "que l’obsolescence programmée, en tant que stratagème visant à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle d’un produit afin d’en augmenter le taux de remplacement, peut déjà être sanctionnée par le code de la consommation".
Si une telle pratique est démontrée, le juge peut la qualifier comme une tromperie sur les qualités substantielles du bien.
Mais Benoît Hamon compte surtout sur un renforcement des sanctions existantes :
Il est prévu de mettre en place une dissuasion par la sanction. Alors que la sanction, en cas de tromperie économique, est aujourd'hui de 37 500 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement pour une personne physique, je propose de faire passer le montant de l’amende à 300 000 euros pour une personne physique.
Toutefois, en rester là serait insuffisant : s’agissant de la personne morale, je propose que le juge puisse prendre en compte le surprofit réalisé par le biais de la tromperie, en infligeant une amende véritablement dissuasive, pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires.
- Les actions de groupe
Sujet pivot de son projet de loi, les actions de groupe vantées par Benoit Hamon doivent, selon lui, également permettre de lutter contre l’obsolescence programmée. Ce qu’il développait au Palais du Luxembourg :
Au-delà du caractère dissuasif qu’aura l’élévation du niveau des pénalités, nous voulons faire en sorte que les consommateurs puissent mieux se défendre, par l’instauration, en droit français, de l’action de groupe.
Les victimes d’une tromperie pourront demain, par le truchement d’une association de consommation, obtenir réparation pleine et entière du préjudice qu’elles ont subi.
Et le ministre de synthétiser alors l’action du gouvernement en la matière :
Augmentation du niveau des peines, création de l’action de groupe : voilà deux instruments qui seront donnés demain au consommateur pour mieux le protéger de la tromperie économique, en l’occurrence sur la qualité substantielle des biens, par la limitation délibérée de leur durée de vie.
- Les pièces détachées
Enfin, Benoît Hamon a développé, ce jeudi 2 mai sur France Inter le dernier point de son dispositif afin de lutter contre l’obsolescence programmée. Un point qui repose sur "les pièces détachées".
Aujourd’hui les professionnels ne sont pas tenus de fournir les pièces détachées, parfois elles n’existent pas.
C’est là-dessus que nous allons intervenir : obliger le professionnel à vous fournir pendant un temps donné les pièces détachées indispensables à la réparation du bien que vous avez acheté.
Une solution qui aurait le mérite, selon le ministre, de favoriser l’emploi en France et l’économie hexagonale. Une loi consommation surtout qui doit être "génératrice d’emplois de proximité", comme l’a défini Najat Vallaud-Belkacem, lors du point presse hebdomadaire du gouvernement :
En plus on réparera des produits importés ici plutôt que de les faire réparer par d’autres.