D’ordinaire, l’obstruction parlementaire, qui consiste à retarder l’adoption d’une loi via divers moyens comme le dépôt d’un nombre excessif d’amendements ou de moult rappels au règlement et interruptions de séances, est l’apanage de l’opposition. Le gouvernement peut en témoigner, l’ayant vécu durant les loooooongs débats sur le mariage pour tous .
Rebelote avec la loi Travail. Sauf que cette fois-ci, ce sont les députés PS et communistes qui ont déposé la majeure partie des 5.000 amendements que l’Assemblée nationale doit examiner avant un vote du projet de loi porté par Myriam El Khomri le 17 mai.
- De l’obstruction pour les légitimistes
Pour les tenants de la majorité, légitimistes, oui, ces 5.000 amendements, dont près de 1.000 sont le fait de députés PS souvent frondeurs, sont une évidente tentative d’obstruction pour tenter de bloquer cette réforme très contestée par une grande partie de la gauche. Ce qui fait peser la menace de l’arme atomique du 49.3, comme l’a rappelé Bruno Le Roux, le chef de file des députés socialistes sur LCP ce mercredi 4 mai :
"S'il y a sur ce texte (le projet de loi travail) des stratégies d'obstruction, des stratégies qui visent à faire des majorités improbables, qui n'ont absolument rien en commun mais qui visent à mettre en difficulté le gouvernement (...) alors nous nous poserons la question (du recours au 49.3, l'adoption du texte sans vote, ndlr).
"
Et de poursuivre, lâchant que cette frénésie d’amendements n’a pour objectif que de "pourrir le débat" :
"Il y a trois ou quatre sujets sur lesquels on aurait pu se limiter à 10, 20 amendements chacun, pour cibler les choses, comprendre... Au lieu de trente, on se retrouve avec 5.000. C'est bien la démonstration qu'un certain nombre veulent empêcher, voire pourrir le débat sur le projet de loi. Je n'aime pas cette conception de la vie parlementaire, personne n'arrivera à bloquer ou exiger le retrait de ce texte.
"
Une position que l’on retrouve chez le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen. Sur BFM TV ce mercredi, ce proche du Premier ministre Manuel Valls a joué sur les mêmes ressorts que le patron du groupe SRC :
"Parfois on voit une tentative d'obstruction parlementaire (...). Alors là évidemment, si les choses ne changent pas, si on veut empêcher le Parlement de travailler, alors il faudra bien qu'on trouve les moyens de convaincre ceux qui ont fait ces amendements que leur attitude n'est pas positive. Mais en tout état de cause, on ne va pas bloquer le Parlement.
"
- Pas de l’obstruction pour les frondeurs
Du côté des frondeurs et des aubrystes, on défend son bout de gras. Eux ne souhaitent pas explicitement le retrait du texte, à l’inverse des députés Front de gauche qui ont déposé plus de 2.400 amendements. Mais ils espèrent le modifier profondément afin de pouvoir le voter et, selon eux, ne pas trahir les idéaux de leur camp sur ce que doit être le code du travail.
Invité de la presse parlementaire ce mercredi 4 mai, Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry, a, au contraire, estimé qu’il s’agissait là d’une "bonne nouvelle". "Pour l’instant, il n’y a pas de majorité à gauche pour voter ce texte", a-t-il tout d’abord expliqué se réjouissant que le passage du texte devant Parlement ne soit "pas qu’une formalité". Et cet ancien rapporteur du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi de développer :
"C’est une bonne nouvelle. Oui, 5.000 amendements c’est une bonne nouvelle. Ce n’est pas de l’obstruction. C’est le signe d’une démocratie qui fonctionne.
"
Ainsi espèrent-ils, via ces amendements, corriger les éléments du texte qui leur paraissent néfastes et prendre le temps de débattre sur ces points chauds. Au premier rang de ces nœuds gordiens, "l’inversion de la hiérarchie des normes".
A LIRE AUSSI SUR LE LAB :
> 5.000 amendements déposés à l’Assemblée nationale : la loi Travail is the new Mariage pour tous
> Loi Famille : petit guide d’obstruction parlementaire par l’UMP