Procès de La Frondeuse, pourquoi Hollande et Valls ont envoyé une lettre

Publié à 20h29, le 10 décembre 2012 , Modifié à 21h21, le 10 décembre 2012

Procès de La Frondeuse, pourquoi Hollande et Valls ont envoyé une lettre
Le livre "La Frondeuse" en librairie. (MaxPPP)

La défense de Valérie Trierweiler a produit ce lundi 10 décembre des lettres de François Hollande et du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, pour appuyer la procédure judiciaire de la compagne du chef de l'Etat,  qui demande 80.000 euros de dommages et intérêts pour "diffamation et atteinte à la vie privée" aux auteurs de La Frondeuse, Alix Bouilhaguet et Christophe Jakubyszyn, et aux éditions du Moment.

Le Lab a donc joint une spécialiste du droit des médias et l'avocate de la première dame pour recontextualiser et sous-titrer ces deux documents qui ont provoqué la surprise de l'opposition et les interrogations des constitutionnalistes.

  1. Trois questions sur une affaire compliquée

    Pourquoi François Hollande a-t-il écrit cette lettre ?

    Dans une courte lettre manuscrite sans l'en-tête de la présidence mise en ligne lundi matin sur le site de RTL , François Hollande "[tient] à dénoncer comme pure affabulation les passages du livre La Frondeuse (p. 46 et 47) concernant une prétendue lettre jamais écrite et donc jamais parvenue à son prétendu destinataire".

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    L'invention ne peut être un procédé dans un essai politique sauf à être présenté comme un roman.

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     écrit également le chef de l'État en référence à un passage du livre assurant qu'il aurait envoyé une lettre à Patrick Devedjian en 1994, après le retrait de Jacques Delors, pour tenter d'entrer en relation avec le premier ministre de l'époque, Edouard Balladur.

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    Petit point de droit - Le Lab a appelé Agnès Granchet, maître de conférences à Paris II-Assas. Selon l'article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, nous explique-t-elle, la diffamation se définit comme toute "allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne". 

    Or, poursuit notre spécialiste du droit des médias, dans un procès pour diffamation, ce n'est pas à la plaignante de prouver quoi que ce soit - ici que Valérie Trierweiler n'a pas eu de liaison avec Patrick Devedjian -  mais aux accusés de prouver le contraire.

    Les deux journalistes et l'éditeur du livre peuvent soit prouver la véracité des faits, soit leur bonne foi.

    Or, selon l'article 35 de la même loi de 1881, comme l'affaire porte sur la vie privée et sur des faits remontant à plus de dix ans, la vérité des faits diffamatoires n'a pas à être prouvée.

    Dès lors, nous décrypte Agnès Granchet, les accusés vont plaider la bonne foi avec quatre critères determinants.

    > La légitimité du but poursuivi, ici l'objectif d'information

    > L'absence d’animosité personnelle

    > Le sérieux de l’enquête

    > La prudence dans l’expression. 

     - La lettre de Hollande est une réponse

    Frédérique Giffard, l'avocate de la compagne du président confirme au Lab que cette missive présidentielle qui a tant fait parler ce lundi est en réalité la réponse à trois documents fournis par la défense pour plaider le sérieux de l'enquête : 

    > Le script d'un dîner entre Valérie Trierweiler et la journaliste Alix Bouilhaguet

    > Des échanges entre l'autre auteur du livre, Christophe Jakubyszyn et l'ancien Premier ministre Edouard Balladur ainsi que l'ancien ministre Patrick Devedjian

    Agacée de voir tourner en boucle ce document sur les chaînes d'infos qui "a mystérieusement fuité après que la partie adverse l'ait reçu", l'avocate de la première dame se montre tatillonne sur l'emploi des mots pour désigner cette lettre, répondant ainsi aux critiques de l'opposition:

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    Ce n'est pas une lettre de soutien. Ce n'est pas une lettre au tribunal. C'est le témoignage du compagnon de Valérie Trierweiler sur des faits qui remontent à presque vingt ans. 

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    Manuel Valls n'a-t-il pas fait une erreur en utilisant un papier à en tête du minisitère ?

    Manuel Valls, dans une autre lettre à en-tête de l'Intérieur, "confirme" de son côté avoir reçu en juin l'un des auteurs.

    "Les propos qui me sont prêtés, dans ce livre, sont souvent approximatifs, partiels et sortis de leur contexte", y affirme le ministre, ajoutant que certains propos lui "sont attribués alors même qu'(il) ne les (a) pas tenus".

     <img src="http://i.imgur.com/CGPcz.png" alt="" width="440" />

    Olivier Pardo, l'avocat des auteurs de "La Frondeuse", souligne que cette missive a été rédigée "sur papier à en-tête alors que c'est une affaire privée".

    "Objectivement, c'est clairement une bêtise" acquiesce notre spécialiste du droit des médias.
     
     
    Quant à l'avocate de Valérie Trierweiler, elle affirme que "cette pièce est très annexe, pas directement liée aux pages visées par la plainte en diffamation".
     
     
    Frédérique Giffard indique également au Lab que ces deux lettres s'accompagnent de l'attestation de Denis Trierweiler qui assure qu'il n'a jamais demandé à son ancienne épouse de cesser de porter son nom.

    Et maintenant ?

    Mme Trierweiler réclame toujours 80.000 euros de dommages et intérêts et 5.000 euros de frais de justice aux auteurs du livre et à leur éditeur. 

    A l'audience, les avocats de l'éditeur, ont soulevé, selon l'agence Reuters, des arguments de procédure, estimant que Valérie Trierweiler n'avait pas visé de passages spécifiques dans sa poursuite.

    Le tribunal a décidé de statuer sur cet argument et d'autres le 28 janvier, sans examiner le fond. L'affaire pourrait donc se terminer du fait de ce problème de procédure.

    Ce que l'avocate de Valérie Trierweiler réfute catégoriquement : 

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    C'est grotesque. Nous visons un passage très précis du livre. Ils le savent. Ils se cachent derrière la forme car ils ne peuvent pas prouver le fond. 

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