Le projet de loi sur la transparence, "c’est Robespierre à l’heure d’Internet", a déclaré Bernard Accoyer à la tribune de l’Assemblée nationale lors de la discussion générale du texte.
Dans les débats sur la moralisation de la vie publique, Robespierre a régulièrement été cité, tantôt par la droite, tantôt par la gauche. Rien d’étonnant à cela puisqu’il était surnommé "l’Incorruptible".
Le Lab s’est penché sur l’intrusion de cette figure de la Révolution française et de la Terreur à l’Assemblée nationale.
Terreur 2.0
Robespierre et la référence à la Terreur font régulièrement irruption dans le débat politique français, parfois "n’importe comment", comme le soulignait Slate.fr. En octobre 2012, pour dénoncer le "matraquage fiscal" de François Hollande, le président de l’UMP Jean-François Copé avait comparé le chef de l’Etat au révolutionnaire.
Cette fois-ci, c’est à l’occasion des débats à l’Assemblée nationale sur la transparence que l’artisan de la Terreur a réapparu dans la bouche des députés. Pour démontrer parfois que trop de transparence conduit à la dictature.
Ainsi, pour dénoncer ce projet de loi porté par le ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, l’ancien président UMP de l’Assemblée, Bernard Accoyer, explique que ce texte instaure une forme de Terreur moderne. Une Terreur 2.0 :
Ce que l’on nous propose aujourd’hui, c’est Robespierre à l’heure d’Internet.
Quel progrès démocratique!
Utilisé ce jeudi 20 juin comme exemple des dérives de la transparence à tout-va par Henri Guaino sur BFM TV, Robespierre avait été utilisé en premier dans la discussion générale par Patrick Devedjian.
> Patrick Devedjian :
Avec le temps, vous allez en effet vous rendre compte que les conflits d’intérêts peuvent prendre une infinité de formes, que votre texte ne saurait prévoir. Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez évoqué L’Angélisme exterminateur, d’Alain-Gérard Slama, qui montre que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Sous la Révolution française, on disait à l’égard des robespierristes– que vous n’êtes pas…
"Il en reste !", l’interrompt alors avec un sourire le président de la commission des lois, le socialiste Jean-Jacques Urvoas.
Et l’ancien ministre de l’Industrie de reprendre :
J’en ai effectivement entendu quelques-uns. On disait, donc, qu’un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure. Je vous invite à méditer sur cette phrase.
Une allusion qui, quelques minutes plus tard, a donné lieu à une savoureuse passe d’armes entre le député UMP des Hauts-de-Seine et le patron des députés écolos, François de Rugy.
Voici l’échange, tel que retranscris dans le compte rendu intégral de l’Assemblée nationale :
- François de Rugy : Je vous ai écouté avec attention, monsieur Devedjian, et je vous avoue avoir été un peu déçu de ne pas entendre le discours qu’aurait mérité un sujet d’une telle importance.
Cela avait bien commencé, avec des références historiques faites à la république romaine, notamment. Cependant, je n’ai pas vraiment compris comment vous passiez, sans transition, de la transparence à la dictature – et, sur ce point, le fait d’évoquer Rousseau et Robespierre n’a rien apporté à votre démonstration.
- Patrick Devedjian : Vous devriez lire Paul Veyne !
- François de Rugy : Même s’il y a, dans notre assemblée, un club des amis de Robespierre (Sourires), ce n’est pas une figure à laquelle j’ai coutume de me référer, mais je vois assez bien où vous voudriez nous emmener.
A la séance suivante, c’est le centriste de l’UDI et ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, qui reprend le nom de Robespierre pour attaquer ses collègues de la majorité :
- Hervé Morin : Mais je dis aux Robespierre…
- Pascal Cherki : Robespierre, l’Incorruptible !
- Hervé Morin : …et aux Marat de l’hémicycle qu’interdire toute une série d’activités privées qui auraient déjà été exercées par l’élu avant son mandat – tout le monde n’a pas débuté comme assistant parlementaire – c’est aller encore un peu plus vers une assemblée monocolore d’apparatchiks et de fonctionnaires.
Mais si la référence historique à Robespierre transcende les groupes politiques, son utilisation diffère radicalement.
Ainsi le patron des députés radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg :
Je ne suis pas sûr qu’il y ait dans cette assemblée beaucoup de "fripons", comme aurait dit Robespierre le 8 thermidor– beaucoup de Tallien, de Fouché, de Barras ; je suis même sûr du contraire. Alors pourquoi sembler dépeindre péjorativement le Parlement ? Cette attitude n’appartient guère à la culture de gauche.