Taubira explique pourquoi elle cible Le Pen sans la nommer dans "Murmures à la jeunesse"

Publié à 11h19, le 16 février 2016 , Modifié à 11h26, le 16 février 2016

Taubira explique pourquoi elle cible Le Pen sans la nommer dans "Murmures à la jeunesse"
Christiane Taubira © KENZO TRIBOUILLARD / AFP

À DEMI-MOTS - Au détour de son livre récemment publié, Murmures à la jeunesse, Christiane Taubira s'inquiète de "la triste et possible capacité pour la cheffe d'un juteux négoce familial d'accéder au pouvoir suprême". Une attaque directe contre Marine Le Pen, sans pour autant la nommer.

Invitée de l'émission d'Augustin Trapenard sur France Inter mardi 16 février, l'ex-ministre de la Justice est interrogée sur ce passage. "Admettez que tout le monde a compris", dit-elle d'abord, avant d'expliquer pourquoi elle refuse d'écrire noir sur blanc le nom de la présidente du FN :

 

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Parce que nommer... Moi j'ai un rapport aux mots et aux noms qui est un rapport profond, vraiment. Lorsque j'aime, je nomme avec délectation. Avec délectation. Je savoure et tout mon corps participe du prononcé. Et puis il y a peut-être une vieille superstition. Il y a des choses que je préfère laisser dans l'ombre. Et moi je ne contribue pas à les mettre à la lumière.

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Un peu plus loin, elle détaille plus longuement cette ambivalence dans son rapport aux mots, expliquant que certes, parfois, le "langage brutal" peut être nécessaire pour "terrasser l'adversaire", mais pas toujours :

 

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Il faut une esthétique du langage. Donc le langage brutal, direct, celui qui percute directement, celui qui frappe, est un langage qu'on doit utiliser à bon escient. Il y a des moments effectivement où il faut, par un mot cinglant, terrasser l'adversaire. Mais autrement, dans une relation d'empathie ou de sympathie, il faut prendre le temps, il faut contourner, il faut caresser les mots. Parce qu'en caressant les mots, on caresse la personne à qui on s'adresse.

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Oratrice de premier plan, Christiane Taubira sait, de fait, user d'une rhétorique plus directe. En octobre, elle lançait ainsi à l'adresse du sénateur FN David Rachline :

 

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Vous appartenez à une famille politique monomaniaque qui passe son temps à chercher des boucs émissaires et paranoïaque parce que vous voyez des envahisseurs partout.

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En févier, interrogée sur les attaques dont elle fait régulièrement l'objet de la part notamment du FN, elle avait répondu par un "tchip", ce "concentré de dédain". Puis, à une question sur Marine Le Pen, elle lançait, amusée : "C'est qui ça ?"





[BONUS TRACK] Ma gauche

Dans la même interview, l'ex-garde des Sceaux est invitée à donner une définition de la gauche. Elle dit :

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[C'est] d'abord un idéal, des valeurs, un projet, une histoire, un patrimoine au sens de valeurs qui ont eu le temps de mûrir, de s'inscrire dans le temps, de s'altérer parfois mais de se renouveller. La gauche, c'est cela. C'est la dynamique, le mouvement, la projection vers l'avenir, c'est la volonté, c'est le contraire du conservatisme, justement. La gauche, c'est : la vie d'aujourd'hui ne peut pas être satisfaisante, comment nous ouvrons de nouveaux chemins ?



Donc elle doit constamment s'interroger. Elle a cet idéal de justice, de justice sociale, de l'émancipation de l'individu, elle a cette ambition extraordinairement moderne de l'égalité, mais elle doit constamment s'interroger sur les méthodes, sur les moyens, la nature, la qualité, l'intensité de l'action. Pour moi, c'est ça la gauche. La gauche donc, ne doit jamais trouver la paix. Elle ne doit jamais se reposer, se mettre à compter ses biens, à compter ses acquis, à se glorifier, à se satisfaire d'elle-même. Elle doit être constamment insatisfaite.

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Du rab sur le Lab

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