Question : à qui peuvent bien profiter les errements de la gauche et de la droite mélangées ? À Marine Le Pen très certainement. C'est en tous cas ce que semblent dire certains sondages. Et c'est donc avec une certaine confiance que la présidente du FN aborde l'université d'été des jeunes frontistes, ces samedi 6 et dimanche 7 septembre, à Fréjus.
Sauf que Marine Le Pen a un problème et ce problème a un nom : Fabien Engelmann, maire FN d'Hayange. Accusé de comptes de campagne frauduleux par son ancienne première adjointe Marie Da Silva, l'élu frontiste est aujourd'hui soupçonné d'avoir truqué l'exclusion de cette dernière, mercredi 3 septembre, lors d'un conseil municipal pour le moins houleux.
Le retrait des délégations de Marie Da Silva a été voté par 21 voix pour, 1 contre et 1 vote blanc. Mais trois adjoints contestent ce vote. Et ont décidé de porter plainte.
C'est le cas d'Emmanuelle Springmann, adjointe au commerce et à l'artisanat d'Hayange, à qui le maire a récemment demandé de déplacer les marchands maghrébins de la zone principale du marché bihebdomadaire, comme l'avait noté FranceTV info. Citée par Libération ce samedi 6 septembre, l'adjointe dénonce le résultat du vote de mercredi :
"J'ai voté pour qu'elle reste, il y a eu magouille !
"
Patrice Hainy, adjoint aux Sports, conteste également les résultats du scrutin. Il le dit avec force, toujours dans Libération :
"Moi aussi, j'ai voté pour qu'elle reste, le résultat est scandaleux : c'est du délire. […] Je ne peux plus me taire, je veux garder la tête haute : il n'y a plus de démocratie à Hayange ! Engelmann se sert de nous, il joue avec nous ! […] C'est grave pour Hayange, c'est grave pour le FN. Le parti est sali. Jamais plus le Front ne gagnera dans cette ville.
"
Fabien Engelmann, qui depuis le début de son mandat a pris plusieurs mesures controversées, nie toute irrégularité dans le vote ayant acté l'exclusion de Marie Da Silva. Dans Libé, il se défend avec une grande ironie :
"Bien sûr, je suis du KGB, et il y a la Stasi à Hayange ! Soyons sérieux…
"
Et il avance pourquoi, selon lui, certains contestent le résultat du scrutin. "Il s'agissait de voter pour ou contre le maintien de Marie Da Silva, certains ont peut-être confondu. Ils ont peut-être cru que voter 'pour' signifiait pour qu'elle parte, alors que c'est l'inverse", dit-il.
Un autre adjoint, anonyme lui, a une autre explication. "Nous avions réclamé que les bulletins soient préimprimés, qu'il n'y ait qu'à entourer la mention 'pour' ou 'contre'. Et, surprise, ils étaient vierges ! Forcément, les gens ont eu peur. Parce qu'on le connait bien, notre maire : après, il étudie les écritures…", avance-t-il.
Cette affaire pourrait rester locale. D'ailleurs, officiellement, Marine Le Pen soutient Fabien Engelmann. Interrogée par Le Monde daté du samedi 6 septembre, la présidente du FN défend d'une manière générale la gestion des villes gagnées par son parti lors des dernières municipales. "Tout cela est monté en épingle pour cacher le fait que les premiers pas des villes FN sont remarquables", jure-t-elle.
Mais en off, certains hauts gradés s'inquiètent du cas du maire d'Hayange. C'est le cas d'un cadre du parti, cité par Le Parisien ce samedi 6 septembre :
"Oui, on a un problème avec Engelmann, on ne sait pas quoi faire. Il dirige sa ville comme il dirige une section de LO, c'est-à-dire avec sectarisme.
"
Un proche de Marine Le Pen, toujours dans Le Parisien, va plus loin. "Si Engelmann, ou un autre, venait à mettre à mal tout ce qu'elle tente de bâtir depuis des années, on n'hésitera pas une seconde à prendre nos distances", prévient-il, conscient que les villes FN sont pour l'heure les seuls exemples de politique frontiste.
"Engelmann, ou un autre". Car le cas du maire d'Hayange n'est pas isolé. Dans certaines villes FN, où les médias, selon l'expression de Marine Le Pen, vont "comme au zoo", des décisions suscitent la controverse. C'est le cas du Pontet qui a annoncé, fin juin, vouloir supprimer la gratuité des cantines pour les familles démunies.
C'est encore le cas de Cogolin où le maire a voulu, avant de se rétracter, baptiser un parking du nom de Maurice Barrès, connu pour être un antidreyfusard notoire.