C'est un documentaire sur Jean-Marc Ayrault d'un genre inédit que s'apprête à diffuser France 3 en avril. C'est en effet sa fille, Elise Ayrault, qui l'interviewe tout au long du film que le Lab a pu visionner, lui donnant un ton et des confidences toutes particulières. L'ancien Premier ministre y revient notamment à plusieurs reprises sur son gouvernement de couacs , comme il avait été surnommé. Il y apporte trois explications.
# La faute à la primaire
Fin 2011, le Parti socialiste choisissait son candidat pour la présidentielle. Un système qui est "à la fois la meilleure des choses" pour Jean-Marc Ayrault et "la pire aussi, si on ne clarifie pas les choses après". L'ancien Premier ministre reproche en effet à François Hollande de s'être laissé influencer par les anciens candidats, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Manuel Valls. Son envie de ne pas froisser Arnaud Montebourg lors de la gestion du dossier Florange viendrait notamment de là. Jean-Marc Ayrault explique :
"François Hollande aurait dû dire clairement aux candidats aux primaires devenus ministres :"je vous remercie, vous avez fait votre travail durant les primaires mais maintenant je suis Président et tout le monde est à égalité au gouvernement, il n’y a pas de statut des anciens candidats aux primaires".
Et donc ce qu’on a appelé les couacs provenaient souvent des comportements issus de cette réalité politique
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Lors de son affrontement avec Arnaud Montebourg sur le dossier Florange (affrontement qui lui avait valu quelques échanges salés avec le ministre d'alors), Jean-Marc Ayrault aurait aimé laissé son ministre du Redressement productif quitter le gouvernement comme il menaçait de le faire . C'est François Hollande qui l'a convaincu de retenir Arnaud Montebourg, explique-t-il dans ce documentaire. Loyal, il s'est appliqué. Une décision qu'il dit "regretter" aujourd'hui.
# La faute aux SMS
On le sait, François Hollande adoooore dialoguer directement par SMS, et notamment avec ses ministres. Selon Jean-Marc Ayrault, à un autre moment du documentaire, il opère une véritable diplomatie parallèle à coup de textos, doublant parfois ainsi les directives de son Premier ministre. Encore un générateur de couacs, selon l'ancien chef du gouvernement qui regrette que le chef de l'Etat ne conserve pas une stature de "pilote", en dehors des arbitrages quotidiens :
"Le président de la République aurait tout intérêt à rester le pilote, l’arbitre, celui qui décide des grandes orientations mais qui laisse travailler son Premier ministre avec plus d’autonomie dans le travail quotidien. La tendance (...) c’est que le Président soit intrusif dans des processus de décision un peu ordinaires du gouvernement, et ça, ça perturbe le gouvernement.
Comme les ministres qui s’adressent directement au président de la République par SMS, et lui-même donnant des consignes à des ministres par-dessus le Premier ministre par SMS … je trouve que ça c’est navrant. Il vaudrait mieux que les choses soient plus claires, que l’institution soit respectée et que le Premier ministre exerce pleinement ses fonctions.
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# La faute aux médias
Dernière machine à couacs selon Jean-Marc Ayrault: le système médiatique qui impose aux ministres de s'exprimer sur n'importe quel sujet, y compris en dehors de leurs champs de compétence. Aucun rapport donc, souligne-t-il, avec une question d'autorité du chef du gouvernement :
"C’est pas un problème de Premier ministre ou d’autorité du Premier ministre mais plus un problème de comportement individuel des ministres qui, à mon avis, et ça c’est le système médiatique aujourd’hui, sont trop souvent dans les médias et ne parlent pas toujours du seul sujet dont ils devraient parler, c’est-à-dire de l’action de leur propre ministère.
Souvent ils sont interrogés avec beaucoup de pression pour commenter l’actualité, et c’est ce qui crée les couacs.
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Comportement des ministres, système médiatique, gestion de François Hollande, rôle de la primaire ... les dérapages, malentendus et autres contradictions ne sont donc pas, aux yeux de Jean-Marc Ayrault, à imputer à son soi-disant manque d'autorité. L'ancien Premier ministre n'est en revanche pas interrogé sur la baisse du nombre de "couacs" qui a suivi son départ.