"Moi vous savez, je respecte beaucoup Benoît Hamon." C'est bien Manuel Valls qui parle ainsi, dès les premières secondes de son interview sur France Inter, mercredi 25 janvier.
La précision n'est pas inutile, tant l'entre-deux-tours de la primaire de la BAP qui oppose les deux hommes a tourné à la guerre totale depuis l'annonce des résultats du premier tour. Ce qui augure d'un débat quelque peu animé entre les finalistes de cette primaire, ce mercredi soir-même.
~ Résumé des épisodes précédents ~
Le duel s'est d'abord ouvert à l'initiative de Manuel Valls lui-même qui, dès dimanche soir, estimait que la désignation de Benoît Hamon à l'issue du second tour représenterait "la défaite assurée" à la présidentielle. Le même qui pointait, mardi matin, "des risques d'accommodement" avec l’islamisme radical dans le positionnement de son adversaire.
Une brèche dans laquelle se sont engouffrés avec encore plus de véhémence certains proches de l'ancien Premier ministre. Par exemple ce ministre anonyme cité par Libération qui accuse Benoît Hamon d'être "le candidat des Frères musulmans". Ou le député PS Malek Boutih, selon qui l'ex-ministre de l'Éducation nationale "est en résonance avec une frange islamo-gauchiste et fait un appel du pied électoral" à celle-ci, mais encore "le candidat des Indigènes de la République".
Des attaques dont Benoît Hamon a dénoncé "l'agressivité" et la "brutalité", choisissant d'y répondre en accusant Manuel Valls de ne pas avoir de projet. Son directeur de campagne, Mathieu Hanotin, y a vu une ressemblance avec les attaques de la fachosphère contre "Ali Juppé" et a interpelé Jean-Christophe Cambadélis par courrier, demandant au Premier secrétaire du PS de recadrer tout ce petit monde et de ramener un peu de "sérénité" dans le débat, sans quoi il ferait appel à la Haute autorité de la primaire.
Et tout cela à peine plus de 48 heures.
~ Fin du résumé ~
Manuel Valls, au contraire, ne semble pas le moins du monde gêné par ce climat délétère. "Moi je veux un débat clair, explique-t-il sur France Inter ce mercredi. Au fond, jusqu'à maintenant, il y a eu des débats de qualité entre 7 candidats, 7 projets, mais reconnaissons-le, une forme de confusion. Or, voilà c'est ainsi, ce sont les électeurs du premier tour qui l'ont décidé, ils permettent de choisir en effet entre deux personnalités [...], deux possibilités pour la gauche."
Interrogé ensuite sur la violence des propos de Malek Boutih plus précisément, l'ex-chef du gouvernement commence par rappeler les critiques dont il a toujours fait l'objet à gauche du fait de ses idées concernant la laïcité :
"Mais celui qui a reçu beaucoup d'attaques sur cette question, et pas depuis quelques semaines, c'est moi.
"
Plus loin, il justifie clairement les attaques portées par Malek Boutih :
"Malek Boutih a raison de pointer les ambiguïtés, ce qui se passe dans un certain nombre de quartiers, la radicalisation contre laquelle certains n'ont pas pris suffisamment conscience. Ce débat, il est aussi au cœur de notre société et il faut donc l'aborder franchement, tranquillement, sereinement, dans le respect des personnes mais avec beaucoup de détermination, pour une seule raison : parce que moi je veux gagner dimanche prochain pour que demain la gauche puisse de nouveau être crédible pour l'emporter à l'élection présidentielle.
"
Et de dénoncer à nouveau la réaction de Benoît Hamon au reportage de France 2 montrant des femmes exclues de certains cafés à Sevran, diffusé en décembre, ou encore ses propos sur la polémiste Caroline Fourest et sa conception "douteuse" de la laïcité. Manuel Valls développe :
"Donc je pense qu'il y a en effet un débat à gauche sur la conception de la laïcité. Moi je défends une laïcité qui protège. [...] C'est aussi - et c'est un débat qui va bien au-delà de la laïcité - la protection des femmes face à la montée des conservatismes, du machisme. Oui, c'est quand même un des sujets majeurs. [...] Nous aurons cette explication, ce débat, quelle est la conception de chacun de la laïcité. Oui, je pense que c'est un beau débat. Il n'est pas nouveau, d'ailleurs, à gauche.
"
Il est donc clair que l'ancien maire d'Évry n'a pas l'intention de *baisser d'un ton* à l'égard de l'élu des Yvelines. "C'est pas une question de ton, c'est pas une question de violence, c'est une question de clarification. Il faut que la démocratie serve, que cette primaire serve à quelque chose."
Et rendez-vous ce soir pour la suite de cet affrontement fratricide.