Le Front national est finalement bien un parti politique comme les autres : le mouvement a beau expliquer à chaque polémique qu'il n'y a qu'une seule voix, celle de Marine Le Pen, les dissonances sont de plus en plus audibles au FN. Nouvel exemple en cette fin d'année 2016 avec l'affaire "Farid Fillon" .
Depuis sa victoire à la primaire de la droite, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy est la cible d'une partie de l'extrême droite. Dès fin novembre, certains ont déterré des archives pour dénoncer le supposé communautarisme de François Fillon, là en publiant une photo de l'ancien chef du gouvernement inaugurant une mosquée, en 2010, au côté d'une fille voilée, là en diffusant des intoxs sur François Fillon et les minarets en France .
Et puis il y a "Farid Fillon" ou comment certains à l'extrême droite veulent accuser François Fillon de soutenir le fondamentalisme islamiste en modifiant son prénom par un autre d'origine arabe. Le coup avait déjà été testé – avec *succès* - avec "Ali Juppé".
Au FN, tout le monde n'a pas la même appréciation du cas "Farid Fillon". Si les cadres se mettent d'accord pour expliquer que, oula, non, le parti politique n'a rien à voir avec cela, on hésite cependant à condamner franchement. Dernier exemple en date avec David Rachline, ce jeudi 29 décembre, sur RMC. Le directeur de campagne de Marine Le Pen considère que ce genre d'attaques relève de la liberté d'expression. :
"Un prénom, Farid, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas une insulte. Donc soit une insulte est condamnée par la justice, soit... […] Tout ça relève de la liberté d'expression.
"
Et David Rachline d'estimer que François Fillon n'est pas le seul à être visé mais que, d'une manière ou d'une autre, tous les responsables publics "en prennent pour leur grade". Tout en assurant que le FN ne mange pas de ce pain-là. Il ajoute :
"Ça fait partie du débat.
"
David Rachline n'a pas tout à fait tort quand il explique que le prénom Farid n'est pas une insulte. Il le devient en revanche lorsqu'on sous-entend que l'on soutient le fondamentalisme islamiste dès lors qu'on porte ce prénom.
Il n'est pas le seul, d'ailleurs, à brandir le drapeau de la liberté d'expression. Vendredi 23 décembre, sur RTL, Florian Philippot n'avait pas non plus voulu condamner les attaques lancées contre François Fillon. "Ce n'est pas notre façon de faire de la politique. Mais ça existe et c'est la liberté d'expression", avait-il déclaré, ajoutant qu'il y a "un fond derrière" cette campagne anti-Fillon. "Je pense que François Fillon n'est pas convaincu par la laïcité", avait estimé le n°2 du FN.
Mais tout le monde n'est pas de cet avis au sein du parti présidé par Marine Le Pen. Lundi 26 décembre, sur FranceInfo:, Louis Aliot a dénoncé ces attaques . "Je trouve ça un peu minable ['Farid Fillon', NDLR]. Je pense qu'on n'a pas besoin de ça pour attaquer monsieur Fillon", a déclaré l'autre vice-président du parti ajoutant toutefois – la défense a des limites – que l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy "a une responsabilité dans l'installation de l'islam politique en France". Il a poursuivi :
"Il suffit de les dénoncer d'une manière politique, d'une manière courtoise. On n'est pas là pour faire de l'anathème ou je ne sais quoi. Moi je pense qu'internet aujourd'hui, c'est vraiment du n'importe quoi et que les attaques personnelles sont absolument minables.
"
Le lendemain, sur Europe1, Gilbert Collard a été plus loin en estimant que Florian Philippot se méprenait en parlant de "liberté d'expression" à propos de "Farid Fillon" :
"Je trouve que monsieur Fillon est communautariste mais qu'on n'a pas à l'appeler 'Farid Fillon' parce que ce n'est pas correct, ce n'est pas convenable, tout simplement. Et si Florian Philippot trouve que c'est ça la liberté d'expression, il se méprend sur la portée symbolique de la liberté d'expression.
"
Le FN semble donc bien divisé sur cette affaire. Le parti hésite entre condamnation et laisser-faire de la campagne "Farid Fillon". Et pour cause, ceux qui dénoncent l'outrance des attaques, comme ceux qui parlent de la liberté d'expression, valident le message véhiculé : le FN en particulier et l'extrême droite en générale veulent faire passer François Fillon pour un communautariste soutien du fondamentalisme islamiste.