AGAIN - Il est venu symboliquement muni de son "gilet pare-balles" et de son "casque à boulons". Des protections pas tout à fait inutiles pour Alain Juppé, qui a été à plusieurs reprises hué par une partie de la salle de la Mutualité lors du conseil national de l'UMP, samedi 7 février.
Les premiers sifflets se sont faits entendre après que Jean-Pierre Raffarin a annoncé au micro l'arrivée du maire de Bordeaux.
Alain Juppé sifflé au #CNUMP quand Raffarin l'annonce au micro
— Thibaut Pézerat (@ThibPez) 7 Février 2015
Devant ces protestations, le sénateur de la Vienne a immédiatement appelé les militants au "respect des uns et des autres". Prenant la parole dans la foulée, le président du groupe UMP au Sénat, Bruno Retailleau, a rendu hommage à l'action de Nicolas Sarkozy. Acclamations et "Nicolas, Nicolas !" montent alors du public.
Le sénateur UMP de Seine-Saint-Denis Philippe Dallier a rapidement minimisé l'événement, parlant de "3 cons qui sifflent au fond de la salle" :
@ThibPez 3 cons sifflent au fond de la salle et voilà l'info...
— Philippe Dallier (@philippedallier) 7 Février 2015
Visiblement, l'appel à voter PS lancé par Alain Juppé pour le second tour de la législative partielle dans le Doubs, qui opposera une candidate FN au candidat socialiste, fait donc tiquer certains militants, alors que le parti prône le "ni ni" concernant ce scrutin. Nicolas Sarkozy avait lui-même critiqué cette prise de position de l'ancien Premier ministre, jugeant qu'il "aurait dû attendre" la décision du bureau politique du parti et ne "pas diviser".
Quelques minutes plus tard, Nicolas Sarkozy prend la parole et salue la présence dans la salle de "Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé, François Fillon et Édouard Balladur". Le second nom ne provoque alors aucune réaction hostile. Mais les "3 cons au fond de la salle" ont visiblement agacé le président de l'UMP, qui préfère lancer une sérieuse mise en garde à l'assistance :
"Nous allons les entendre avec passion, avec amitié... (applaudissements) Avec amitié ! Parce que je vais vous dire une chose : il y a vous et puis il y a tous ceux à l'extérieur qui nous regardent. C'est très important.
Si vous êtes très contents, vous applaudissez beacoup. Si vous êtes moyennement content, vous applaudissez moyennement. Si ça ne vous plaît pas, vous applaudissez pas du tout, mais on donne le sentiment d'une famille indestructible parce qu'unie (applaudissements).
"
C'est donc la deuxième fois en quelques mois qu'Alain Juppé est sifflé par des militants UMP. La dernière fois, c'était sur ses terres, au cours du meeting bordelais de Nicolas Sarkozy le 22 novembre, durant la campagne pour la présidence de l'UMP. À l'époque, les militants sarkozystes avaient moyennement apprécié le plaidoyer de l'ancien Premier ministre pour des primaires ouvertes (qui ont finalement été actées). Et Nicolas Sarkozy n'avait pas tenté de calmer l'auditoire.
Cette fois-ci, l'avertissement a payé : appelé à la tribune, le maire de Bordeaux n'est pas chahuté. Il en profite pour "exprimer l'attachement [qu'il] porte" aux militants et à son parti, ainsi que pour rendre hommage à un Nicolas Sarkozy "légitime", provoquant une énième ovation de la salle pour l'ancien chef de l'État. "On m'a toujours dit que quand je prenais la parole, je ne me laissais pas assez longtemps applaudir", blague alors Alain Juppé, s'attirant cette fois pour lui-même quelques rires et applaudissements.
Lancé dans une critique de l'action du gouvernement et de François Hollande, il fait ensuite huer avec ironie Christiane Taubira :
"Si j'avais envie de provoquer quelques sifflets dans cette salle, je pourrais prononcer le nom de la garde des Sceaux. [Quelques sifflets se font effectivement entendre] Voilà, ça marche.
"
Et puis finalement, non, les consignes de Nicolas Sarkozy n'auront pas été respectées bien longtemps. Alors qu'il évoque les élections départementales à venir et la lutte contre le FN, Alain Juppé plaide pour "le rassemblement de la droite et du centre". "C'est l'ADN de l'UMP, explique-t-il. Partout, il faut l'union de l'UMP, de l'UDI et même du MoDem". Il essuie alors de sérieuses huées, mais ne se démonte pas et prend le public à partie :
"Allez-y, allez y ! Sifflez-moi ! Il y a deux réflexes pavloviens : il y a madame Taubira et le MoDem.
"
Il répète ensuite sa volonté d'un rapprochement avec le centre sans en exclure le parti de François Bayrou, s'attirant de nouvelles manifestations de colère. Alors que les huées se font plus fortes, il martèle qu'il "répétera" cette position, même s'il doit pour cela "provoquer de nouveaux mouvements de foule". Grinçant, il lance :
"Je vous aime tant que je suis prêt à tout accepter de votre part.
"
Au cours de son discours de clôture, Nicolas Sarkozy a répondu à Alain Juppé, répétant son souhait de voir le centre aux côtés de l'UMP "matin, midi et soir" (ce à quoi François Bayrou a déjà répondu qu'il avait "une autre idée du bonheur"). "Ici tout le monde respecte tes convictions, Alain. Ça demande un effort réciproque et qu'on ne cède pas à la tentation de tous les micros", a notamment lancé Nicolas Sarkozy. Ou encore : "Alain, ne te trompe pas. Jamais je ne chercherai à copier des gens pour qui je n'ai pas de respect, je parle des dirigeants du Front national. Mais jamais je renoncerai à évoquer des questions au prétexte qu'ils en ont parlé mal."
On disait les rapports tendus entre les deux hommes. Ce conseil national du parti aura été l'occasion de le constater.
[Edit 15h30 : ajout de la première déclaration de Nicolas Sarkozy]
[Edit 16h : ajout des déclarations d'Alain Juppé]
[Edit 17h20 : ajout de la réponse de Nicolas Sarkozy]