TOUTE LA SAINTE JOURNÉE - Nicolas Sarkozy le répète à l'envi lors de ses meetings : s'il reprend la tête de sa "famille politique", il est prêt à envisager une alliance avec les centristes. Mais il y pose une condition sine qua non : que le centre ait "clairement choisi" et se mette aux côtés de la droite "matin, midi et soir". Seulement, chez les principaux intéressés, l'idée est loin d'emporter l'adhésion.
Il en va ainsi de François Bayrou. Invité de Public Sénat mardi 25 novembre, le patron du Modem a clairement indiqué qu'il n'était pas très chaud à l'idée de passer symboliquement ses journées en compagnie de l'ancien chef de l'État :
"Franchement... Matin, Nicolas Sarkozy, midi, Nicolas Sarkozy, soir - soir ! - Nicolas Sarkozy... Il peut arriver qu'on ait une autre idée du bonheur.
[...] Je ne me suis pas senti allant vers ce bonheur-là.
"
Le bonheur, justement, est un sujet cher à l'ancien candidat centriste à l'élection présidentielle. Le week-end dernier, dans sa ville de Pau, était organisé le festival littéraire "Les idées mènent le monde", lors duquel des intellectuels étaient invités à disserter sur ce thème hautement philosophique.
Un thème intimement lié à l'idée de liberté. Ça tombe bien : François Bayrou est et restera "un homme libre". Il le dit reprenant à nouveau les mots de Nicolas Sarkozy :
"Je suis un homme libre aujourd'hui, je serai un homme libre demain. Tiens, je vais vous dire autre chose : je suis et je serai un homme libre le matin, à midi et le soir. Et même le lendemain !
"
Façon de ne pas écarter définitivement sa propre candidature en 2017 au cas où Alain Juppé, qu'il est "prêt à aider", ne remporterait pas la primaire de la droite en 2016.
L'ancien troisième homme de 2007 est également revenu sur un fait très remarqué lors du meeting de Nicolas Sarkozy à Angers, lundi. Celui qui, comme Bruno Le Maire et Hervé Mariton, ambitionne de succéder à Jean-François Copé expliquait justement sa vision d'une alliance avec le centre. Les mots "matin, midi et soir" font référence à ce qu'il considère comme une "trahison" : en 2012, François Bayrou a voté pour François Hollande (en 2007 déjà, il n'avait pas appelé à voter Sarkozy).
L'ex-chef de l'État ne l'a pas digéré et certains militants non plus, visiblement. L'un d'eux, dans la salle d'Angers, lance : "Honte à Bayrou !" En guise de réponse, l'ancien président de la République se fend d'un sourire et lâche : "Vous m'avez donc compris".
Pour François Bayrou, c'est aussi Alain Juppé qui est visé à travers ce procès en trahison : "Peut-être trouve-t-il là un prétexte avec l'envie d'attaquer quelqu'un d'autre. On peut imaginer que c'est de ça qu'il s'agit", a-t-il estimé sur Public Sénat.
Et s'il voit tout cela "avec beaucoup de philosophie", le maire de Pau décèle tout de même "un sentiment de malaise chez Nicolas Sarkozy" :
"Je ne crois pas que le fait de mettre une telle intensité de détestation dans la vie politique française, qu'on a vue à Bordeaux lorsqu'Alain Juppé a été hué et sifflé [Le Lab vous en parlait ici, ici et là], qu'on aperçoit dans tout ce moment de campagne électorale, je ne pense pas que ce soit bon, ni pour l'UMP mais c'est pas mon affaire, ni pour le pays et ça c'est davantage mon affaire.
"
Quant à l'idée qu'il aurait fait perdre l'élection de 2012 au président sortant, sa réponse est toute prête :
"Il va falloir qu'il se rende compte que le principal responsable de son échec, c'est lui-même. C'est la manière dont il a gouverné que 4 millions de Français, qui n'étaient pas de gauche, on jugé [et ont jugé] qu'il était très important qu'une alternance se produise.
"
Bref : l'alliance Bayrou-Sarkozy, c'est loin d'être gagné.