SCHIZOPHRÉNIE - Un discours de Nicolas Sarkozy écrit par Henri Guaino ne ressemble en rien aux autres. On y trouve des réflexions sur la Nation et beaucoup d'emphase. Mais si la plume se fait plaisir, elle doit aussi se plier aux desiderata de son candidat. Et parfois écrire l'absolu contraire de ce qu'elle pense. C'est le cas pour Henri Guaino lorsqu'il doit évoquer la décision de Nicolas Sarkozy de revenir en politique par la présidence de l'UMP. Un choix auquel il était particulièrement opposé.
Voici donc ce que Sarkozy lisant du Guaino a dit lors de son discours de fin de campagne à Nîmes, le 27 novembre :
On s’est étonné que je sois candidat. [Guaino s'est étonné, ndlr]
On m’a dit que lorsque l’on avait été le Président de tous les Français on ne pouvait pas redevenir le chef d’un parti. [soit l'argument de Guaino, ndlr] (...)
L’argument des Institutions, du symbole d’unité que doit incarner la fonction de Chef de l’Etat [soit toujours l'argument de Guaino, ndlr]n'était pas médiocre. (...)
J’ai pensé aux Institutions, et je me suis demandé où était mon devoir. J’ai pensé à ma famille politique, à ses divisions inutiles et indignes des deux dernières années et je me suis demandé où était mon devoir. (...)
Rester en retrait quand tout va si mal aurait été une lâcheté. Cela aurait été le contraire de ma conception de l’engagement politique. Aurais-je fait honneur à la fonction que j’ai occupée en demeurant à l’abri ?
Un Guaino évoquant donc ses propres arguments et se répondant à lui-même. Pour mémoire, voici ce qu'il disait lorsque l'ancien Président hésitait à revenir par l'UMP :
Je ne suis pas enthousiaste à l'idée de le voir, lui, ancien président de la République, se présenter à l'élection de la présidence de l'UMP. Un ancien Président doit se tenir au-dessus de la mêlée et ne pas rentrer dans le jeu partisan.
#Et la frustration de la plume.
Cette schizophrénie n'est pas le seul élément intéressant dans le discours d'Henri Guaino. Le député, qui pense lui-même avoir "des intonations à la Malraux", souhaiterait sans doute voir son candidat incarner les discours qu'il lui prépare. Pour Nîmes, il lui a ainsi concocté une anaphore dramatique sur la "sauvagerie de notre époque".
Une anaphore qui, dans la bouche de l'ancien Président, n'a finalement rien eu de lyrique. Voyez plutôt dans cet extrait diffusé par i>Télé et isolé par le Lab :
Et voici le texte de l'anaphore prévue par Henri Guaino, retranscrite sur le site de campagne de Nicolas Sarkozy :
Sauvages ! Comment qualifier autrement les guerres économiques qui ravagent la planète, les compétitions impitoyables qui opposent les continents ?
Sauvages ! Comment qualifier autrement les crises financières qui menacent d’emporter des continents entiers comme on l’a vu, depuis 20 ans, en Asie, et en Amérique Latine, comme on l’a vu en 2008, comme on l’a vu avec les crises grecque, irlandaise, espagnole, portugaise, …?
Sauvage ! Comment qualifier autrement ce qui se passe au Mali, en Centrafrique, en Libye, en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Ukraine ?
Sauvages ! Comment qualifier autrement les guerres civiles, les guerres de religion, le terrorisme qui font couler tant de larmes et tant de sang dans le monde ?
Sauvages ! Comment qualifier autrement les bouleversements climatiques qui nous attendent, les catastrophes écologiques qui nous menacent ?
Sauvages ! Comment qualifier autrement les conflits que pourraient provoquer dans l’avenir des déplacements massifs de populations engendrés par la misère, les famines et les guerres ?
Sauvages ! Comment qualifier autrement les chocs de civilisation qui viendront si l’on continue à faire la politique de la table rase qui ne tient aucun compte de l’histoire, de la géographie, de la culture ?
BONUS TRACK
En fin de discours, Nicolas Sarkozy a remercié ses soutiens présents dans le public, Henri Guaino compris. Il l'a qualifié ainsi :
Merci à Henri Guaino, qui est comme un frère pour moi.
L'histoire ne dit pas si sa plume le lui a aussi soufflé.