Y'EN A UN PEU PLUS, JE LAISSE ? - Haro sur les parlementaires. Selon le think-tank libéral Ifrap , la France compte un élu pour 109 habitants. Deux fois plus qu'en Suède, vingt fois plus qu'au Royaume-Uni.
Du coup, les responsables politiques sont de plus en plus nombreux à réclamer la réduction de nombre des élus, au premier rang desquels les parlementaires.
Mais un peu à la manière d'Emile Beaufort, président du Conseil fictif joué par Jean Gabin dans Le Président d'Henri Verneuil, on pourrait s'écrier :
"Tout le monde parle de l'Europe ! Mais c'est sur la manière de faire cette Europe que l'on ne s'entend plus.
"
Voir l'extrait à partir de 2'15 (pour ceux qui voudraient se priver du début de la tirade)
Ainsi de la réduction du nombre des parlementaires : chacun à sa petite idée sur les modalités.
- MOINS 50% CHEZ ALAIN JUPPE
Dernier exemple en date, Alain Juppé, candidat déclaré à la primaire UMP. Dans une interview au journal Le Parisien le 23 octobre, le maire de Bordeaux assure que députés et sénateurs sont beaucoup trop nombreux. Il propose donc une diminution drastique, -50% :
"Il y a 577 députés et 348 sénateurs, plus de 900 au total. C'est évidemment beaucoup trop. (...) Je pense qu'une diminution de moitié ne serait pas absurde, autant pour une raison d'efficacité démocratique que pour une raison d'économies.
"
Alain Juppé prévient cependant que "ce n'est pas ce qui va nous permettre de rééquilibrer les comptes publics" :
"Il faut réduire le nombre d'élus, mais sur cent milliards d'économies sur les dépenses publiques, cela ne représentera que quelques dizaines de millions d'euros, au plus. (...) Mais il faut le faire. C'est un bon signal.
"
- 450 DEPUTES ET 250 SENATEURS POUR BRUNO LE MAIRE
Après la mise en ligne de l'article, le compte Twitter des "Jeunes avec BLM" (pour Bruno Le Maire), a fait remarquer que son poulain avait lui aussi fait une proposition sur le sujet :
Coucou @leLab_E1 ! Tu as oublié de parler de @Bruno_LeMaire je crois (dépôt d'une PPL)! >> http://t.co/lJApjc5rZ3 >> https://t.co/Dnzf8ZcRw3
— Jeunes avec BLM (@JeunesavecBLM) 23 Octobre 2014
Sur le site "Parlement et citoyens" , le candidat à la présidence de l'UMP propose donc de réduire le nombre de députés à 450 (contre 577 actuellement), et le nombre de sénateurs à 250 (au lieu de 326).
- NICOLAS SARKOZY VEUT UN REFERENDUM...
Lors de son passage sur France 2 pour entériner son retour - qui n'en était pas un -, Nicolas Sarkozy a assuré vouloir passer par un référendum pour pouvoir diminuer le nombre de parlementaires.
Quelques jours plus tard, à l'occasion de son premier meeting de campagne pour la présidence de l'UMP, l'ancien président a ainsi déclaré :
"Une Assemblée pléthorique est en fait une Assemblée inaudible. Dans mon esprit sur un tel sujet c'est aux Français de décider parce que je leur fais plus confiance pour réformer la classe politique qu'à qui que ce soit d'autres.
"
- ... COMME FRANCOIS FILLON
"Mais, c'est mon idée !", a en substance répondu François Fillon. A couteaux tirés avec Nicolas Sarkozy, l'ancien Premier ministre avait déploré auprès du JDD cette récupération d'une idée qu'il porte depuis avril 2013.
A cette époque, il déclarait en effet dans une interview aux Echos :
"Il faudra passer par un référendum sur l’organisation du territoire. C’est la seule façon de régler cette question. Il faut le faire en début de quinquennat, quasiment couplé avec les élections législatives et y introduire la réduction du nombre de parlementaires et la réorganisation du Parlement, qui seraient je crois, assez populaires.
"
A la décharge de Nicolas Sarkozy, l'ancien président semble pouvoir revendiquer la primauté sur le sujet à droite : dès mars 2012, lors de la campagne présidentielle (et alors que Marine Le Pen avait fait la proposition un mois plus tôt ), il avait assuré vouloir "engager sans tarder avec toutes les formations politiques un dialogue consensuel et républicain pour arriver à réduire le nombre de parlementaires", de l'ordre de 10 à 15% .
- GERALD DARMANIN, MOINS DE 400 DEPUTES ET NON-CUMUL
Sur le sujet, il pourra compter sur l'implication de son porte-parole de campagne, Gérald Darmanin. En janvier 2013, ce primo-député reprochait à la majorité de gauche de ne pas aller assez loin dans le non-cumul des mandats pour les parlementaires.
Dans une interview au journal Libération , il déclarait ainsi :
"Je suis, moi aussi, contre le cumul des mandats. Mais je ne veux pas me satisfaire d’une loi qui se contente d’interdire le cumul des mandats de parlementaire et de président d’exécutifs locaux. (...) Supprimer le cumul sans rien changer par ailleurs, c’est mettre les députés dans une situation de fragilité. Ils seraient en permanence sous la menace de maires tentés de se faire élire à l’Assemblée nationale.
"
Et de proposer :
"Si François Hollande veut un vrai big bang, il doit s’engager à diminuer le nombre de députés et leur donner plus de moyens. Selon moi, on pourrait très bien passer de 577 députés à moins de 400. Chaque député disposerait de moyens beaucoup plus importants.
"
- FRANCOIS HOLLANDE D'ACCORD SUR LE FOND...
Ca tombe bien, François Hollande serait "au taquet sur cette idée" depuis 2013. Un an plus tard, le 1er octobre 2014, Europe 1 affirme que François Hollande va lancer, dès le début de l'année 2015, une réforme institutionnelle qui impliquerait une baisse du nombre de députés, "significative", selon l'Elysée.
Quitte à en passer par le référendum ? En septembre 2013, François Bayrou - lui aussi partisan de la réduction du nombre de parlementaires - avait révélé que François Hollande s'était engagé auprès de lui à consulter les Français par ce moyen en cas de blocage .
- ... CLAUDE BARTOLONE SUR LA FORME
Car il semble compliqué que les députés se fassent "hara-kiri" - l'expression est du député du Cantal Alain Marleix, cité par Le Figaro - en "votant une loi qui supprime des sièges à l'Assemblée". Pourtant, François Hollande pourrait, en cas de réforme institutionnelle, compter sur un soutien de poids au Palais Bourbon : celui de Claude Bartolone.
Dans son livre Je ne me tairai plus, le président de l'Assemblée nationale se dit lui aussi favorable à une réduction des effectifs. Il écrit ainsi :
"Pour renforcer le poids politique de l'Assemblée, je pense que nous devrons d'ailleurs réduire le nombre de députés - 577 députés, c'est beaucoup trop, surtout avec le non-cumul ! Le chiffre de 400 ne me paraît pas absurde. Des parlementaires moins nombreux, ce sont des parlementaires mieux identifiés et plus puissants.
"
Le Sénat ne serait pas épargné, dans cette configuration. Une mesure placée sous le haut patronage... de Charles de Gaulle :
"En ce qui concerne le Sénat, tout en réduisant aussi le nombre de ses membres, je pense qu'il pourrait être fusionné avec le Conseil économique social et environnemental, comme le proposait déjà en son temps le Général de Gaulle.
"
- UNE "PROPOSITION DEMAGOGIQUE" ?
Le débat promettrait en tout cas d'être animé. En mars 2013, Jean-Michel Baylet, alors encore sénateur , dénonçait une "proposition démagogique", tandis que Jean-Vincent Placé, patron des sénateurs EELV, cinglait :
"Cette proposition a un relent poujadiste qui ne me plaît pas.
"
Pour mettre de l'eau à son moulin, le sénateur EELV pourra citer un décryptage de France Info . On y lit que "le nombre de parlementaires n'est pas si élevé en France", parce qu'il a augmenté beaucoup moins vite que la population, et parce que, "avec un élu à l'Assemblée pour 113.000 habitants, la France est, en proportion, le troisième pays d'Europe avec le moins de députés, derrière l'Allemagne et l'Espagne mais devant le Royaume-Uni et l'Italie".
[Mis à jour à 13h30 avec position de Bruno Le Maire]