Affaire Cahuzac : le président de la commission d'enquête, Charles de Courson, peut-il dire que François Hollande était "parfaitement informé" ?

Publié à 13h37, le 17 juillet 2013 , Modifié à 13h45, le 17 juillet 2013

Affaire Cahuzac : le président de la commission d'enquête, Charles de Courson, peut-il dire que François Hollande était "parfaitement informé" ?
Charles de Courson sur France 2 le 17 juillet 2013 (montage Le Lab et images France 2)

Après presque deux mois d'auditions pour comprendre les "éventuels dysfonctionnements" dans la gestion par le gouvernement de l'affaire Cahuzac, le président UDI de cette commission, Charles de Courson, a livré ses premières conclusions ce 17 juillet sur France 2. Conclusions qui n'avaient pas lieu d'être, à en croire la porte-parole du gouvernement.

Ce mercredi, lors du compte-rendu du conseil des ministres, Najat Vallaud-Belkacem a lancé :

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On n’a pas besoin de rajouter une commission d’interprétation à la commission d’enquête, qui a besoin de mener ses travaux en toute indépendance.

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Qu’en est-il vraiment ? Le Lab a assisté aux auditions des trois ministres le 16 juillet et fait le point.

 

>> Les manquements de François Hollande

Charles de Courson estime "avoir les preuves" qu'entre le 4 et le 18 décembre, François Hollande "a été parfaitement informé" pour appréhender la gravité de la situation :

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Entre le 4 et le 18 décembre, le président a l’ensemble des informations lui permettant de se rendre compte que des preuves graves, selon lesquelles Jérôme Cahuzac détenait un compte en Suisse, existent.

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Quelles sont ces informations ? Le 4 décembre est le jour de la révélation de l'affaire par Mediapart. S'en suivra la diffusion de l'enregistrement audio mettant en cause Jérôme Cahuzac. 

Le 15 décembre, Michel Gonelle contacte par téléphone le dircab adjoint de François Hollande , Alain Zabulon, pour l'alerter de cet enregistrement audio qu'il a en sa possession. Le message sera bien transmis au président, qui donne pour consigne de conseiller à Michel Gonelle de s'en remettre à la justice.

Le 18 décembre, c'est Edwy Plenel qui assure aux collaborateurs de François Hollande qu'il a toutes les preuves nécessaires pour mettre en cause son ministre du Budget.

Autant d'évènements qui font dire à Charles de Courson que François Hollande aurait dû prendre des dispositions à l'égard de Jérôme Cahuzac - bref, le virer - plus tôt :

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Nous n’avons pas de réponse aujourd’hui sur pourquoi le président ne demande pas [la démission de Jérôme Cahuzac].

C’est la jurisprudence Balladur-Jospin : même si un ministre est innocent, on lui demande de démissionner pour assurer sa défense. Et on lui qu’il sera réintégré au gouvernement dès que la Justice aura prouvé son innocence.

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Charles de Courson fait ici référence à la décision de Pierre Bérégovoy d'anticiper la mise en examen de Bernard Tapie en 1992. Il l'avait contraint à la démission quelques jours avant l'annonce de la Justice. Le renvoi avait fait jurisprudence et Edouard Balladur avait lui-aussi congédié certains ministres dès leur mis en cause. En 1999, enfin, Dominique Strauss-Kahn avait remis de lui-même sa démission à Lionel Jospin avant sa mise en examen dans l'affaire de la MNEF.

Ironie de l'argument, la décision de Jean-Marc Ayrault de démissionner Jérôme Cahuzac le jour de l'ouverture de l'information judiciare contre X, le 19 mars, est déjà considérée comme une application de la "jurisprudence Bérégovoy-Balladur" . Mais Charles de Courson estime que le renvoi aurait dû être plus immédiat.

Ce que le président de la commission ne précise pas : le 19 décembre, François Hollande a appris que la Direction générale des renseignements intérieurs (DCRI) ne possédait rien dans ses archives mettant en cause son ministre. Manuel Valls a en effet fait vérifier l'existence d'une note sur Jérôme Cahuzac par la DCRI. Réponse négative. 

Manuel Valls a ainsi assuré devant la commission d'enquête le 16 juillet :

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J'ai toujours dit au Président et au Premier ministre que je n'avais aucun élément établissant la vérité des informations de Mediapart.

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>> L'interférence de Pierre Moscovici

Il est LE ministre mis en cause après les auditions des trois concernés . Charles de Courson se fait très clair sur le sujet ce 17 juillet :

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Madame la garde des Sceaux n’a rien fait et la Justice a bien fonctionné. C’est grâce à elle d’ailleurs que la vérité est apparue.

Le ministre de l’Intérieur aussi n’a rien fait. Il a demandé à ses services s’ils avaient quelque chose, ils ont répondu : "non, on n’a rien." 

Par contre, l’audition la plus intéressante a été celle du ministre de l’Economie.

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Charles de Courson reproche deux choses à Pierre Moscovici : tout d'abord, d'avoir rompu la "muraille de Chine" censée avoir été établie dès le 10 décembre pour écarter Jérôme Cahuzac de la gestion de son dossier fiscal. Une réunion sur la demande d'entraide aux autorités suisses a en effet eu lieu le 16 janvier à l'Elysée, à l'initiative du ministre de l'Economie, en présence du président, du Premier ministre ... et de Jérôme Cahuzac.

Le député UDI juge cette participation dérangeante. Pierre Moscovici a tenté de s'en expliquer la veille, assurant que Jérôme Cahuzac avait simplement été "informé " de la demande prochaine d'entraide fiscale et qu'il n'avait pas été "associé à sa rédaction".

Autre point considéré par Charles de Courson comme une "erreur" de Pierre Moscovici : la saisine des autorités fiscales helvétiques, "véritable désastre" qui aurait pu influencer la justice française.

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Pierre Moscovici ne s’est pas rendu compte qu’en faisant cela [saisir les Suisses, ndlr], il allait avoir une réponse négative qui serait interprétée comme l’innocence de Jérôme Cahuzac. En faisant cela, il allait faire pour la première fois une saisine des autorités fiscales suisses alors qu’une enquête préliminaire avait été ouverte par la justice.

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Charles de Courson rappelle que, lors de son audition, le procureur de Paris a critiqué cette démarche "parallèle ", qui ne lui avait pas été communiquée - "une première" - et qui aurait pu empiéter sur la sienne.

Ce que le président de la commission ne précise pas : Charles de Courson ne dit pas que, mardi, Christiane Taubira a estimé que l'enquête fiscale lancée par Pierre Moscovici n'avait pas porté "préjudice"à la justice :

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Cette enquête fiscale a-t-elle fragilisé l'enquête pénale ? Non. Il n'y a pas eu de préjudice. Et l'administration fiscale était dans son droit.

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Du rab sur le Lab

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