Affaire Cahuzac : trois ministres, Pierre Moscovici, Manuel Valls et Christiane Taubira, passent à la casserole

Publié à 10h32, le 16 juillet 2013 , Modifié à 09h01, le 17 juillet 2013

Affaire Cahuzac : trois ministres, Pierre Moscovici, Manuel Valls et Christiane Taubira, passent à la casserole
Manuel Valls, Pierre Moscovici, et Christiane Taubira, interrogés par la commission d'enquête parlementaire. (Assemblée nationale)

L’histoire semble déjà lointaine. Mais ce 16 juillet, à quelques semaines du repos des ministres, et près de quatre mois après les aveux de leur ancien collègue, trois membres du gouvernement se retrouvent devant la commission d’enquête parlementaire chargée de trouver les "éventuels dysfonctionnements de l’Etat" dans l’affaire Cahuzac. Qui savait ? Quand ont-ils su ? Comment ont-ils réagi ? 

Après le dircab adjoint de François Hollande, après Michel Gonelle, après Jérôme Cahuzac lui-même, trois ministre clés dans la gestion de l’affaire - Pierre Moscovici, Manuel Valls et Christiane Taubira - sont entendus ce mardi par la commission présidée par Charles de Courson (UDI).

Tous ont déjà donné leur version de l’histoire quatre mois plus tôt. 

Le Lab est sur place avec @delphinelegoute, et vous fera vivre les échanges, en condensé, en (quasi) direct.

>> 11h - Christiane Taubira : un oeil sur l’affaire ?

Contrairement à ses deux collègues de l’Intérieur et de l’Economie, Christiane Taubira a été peu mise en cause dans la gestion de l’affaire Cahuzac.

En tant que garde des Sceaux, elle a cependant été théoriquement la première informée de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris le 8 janvier 2013, sur la base des accusations de Mediapart, et a pu suivre son évolution jusqu’à ce que l’enquête passe aux mains du juge d’instruction le 19 mars.

Cette enquête préliminaire a authentifié la voix de Jérôme Cahuzac sur la bande sonore le mettant en cause dès le 15 mars.

Le ministre du Budget a démissionné quatre jours plus tard tout en gardant, jusqu’à ses aveux du 2 avril, la confiance du président de la République. Lors de son audition le 26 juin, il assuré n’avoir "jamais" eu de contact avec Christiane Taubira à ce sujet.

Ce 16 juillet, devant les députés, Christiane Taubira explique avoir été informée des déroulés de la procédure judiciaire uniquement "en confirmation".

Elle explique: 

"

[Il s'agissait] que nous sachions si ce qui paraît dans la presse est exact ou pas. 

"

La ministre de la Justice explique même avoir travaillé un peu comme ... un journaliste. "Il est arrivé que nous nous fassions envoyé un communiqué de presse du procureur pour être sûr [que les propos et les faits qui lui étaient attribués étaient vrais]", poursuit-elle.

Ensuite ? Eh bien elle échangeait avec Jean-Marc Ayrault, pour lui confirmer des faits :

Puis martèle :

Elle le répète d'ailleurs un peu plus tard fermement, agacée par la question d'un député UMP :

"

Je n’ai pas eu de conversation, d’échange, ni avec monsieur Valls, ni avec monsieur Moscovici, ni avec monsieur Cahuzac, ni avec personne d’autre, et je dépose sous serment.

"

Et y ajoute une pique : elle explique également que cette pratique peut "surprendre", à droite, parce que "ça change des habitudes". 

"Vous n'avez pas à répondre sur un ton agressif", lui réplique alors Daniel Fasquelle UMP, pour qui "toutes les questions méritent d'être posées et méritent d'avoir une réponse".

Autre interrogation : à un moment ou un autre, Christiane Taubira a-t-elle douté de la sincérité de Jérôme Cahuzac ?

La ministre de la Justice assure que son job n'était pas de s'interroger, qu'elle n'était pas là pour faire une "analyse philosophique".

"

C’était pas une préoccupation […]

Je ne me suis pas posée pour me demander si Cahuzac était coupable ou non.

Je n’ai pas fait d’analyse philosophique sur ses dénégations.

A aucun moment je ne me pose la question.

Moi je vais pas vous dire aujourd’hui : "j’ai commencé à douter à tel moment", parce que ce serait complètement faux,

Mais je me suis pas dit non plus qu’il disait vrai, c’est pas, c’était vraiment pas mon souci. C’était vraiment pas mon souci.

"

A noter : le député UMP du Nord, Gérald Darmanin, livre, en live, sur son compte twitter, sa lecture de l'audition des faits - alors même que la question du "live-tweet" a fait débat lors de l'audition de Jérôme Cahuzac. 

Dans ce message que le député a envoyé pendant l'audition, peu de temps après l'avoir quittée, il accuse la ministre de confondre commission d'enquête et meeting politique :

C'est pourtant bien ce même député qui a co-rédigé une proposition de modification du règlement de l'Assemblée ... visant à interdire Twitter au Palais Bourbon

> Le debrief du président de la commission : à la sortie de l'audition de Christiane Taubira, Charles de Courson pense Christiane Taubira "sincère" dans sa méconnaissance des faits. Il explique à quelques journalistes :

"

Elle a été protégée dans sa fonction de ministre par son refus de s'occuper de quoi que ce soit. Je la pense sincère. Elle a été protégée par son ignorance, en disant : "moi, je n'interviens pas là-dedans".

Elle s'est mise dans son coin. Ce n'est pas le cas d'autres ministres, surtout Pierre Moscovici.

"

>> 17h - Manuel Valls : l’homme qui savait tout ?

Manuel Valls est un point central de l’affaire Cahuzac : s’il savait, François Hollande savait.

Le 11 juin, l’audition à huis-clos du patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Patrick Calvar, a permis d’apprendre  qu’une note de ses services avait bien été "remise au ministre de l’Intérieur après le début de l’affaire" le 19 décembre 2012, soit quatre jour après l’alerte lancée par Michel Gonelle. Manuel Valls avait donc demandé des informations.

Arrivé en avance, Manuel Valls doit attendre les députés de l'opposition arrivés en retard, du fait d'un vote à l'Assemblée. 

Après un classique "je le jure", main levée, face à la commission d'enquête, le ministre de l'Intérieur se lance dans un propos introductif.

Certaines précisions sont primordiales : a-t-il lancé une enquête parrallèle pour obtenir ces informations - comme l’ont affirmé Le Canard enchainé et Le Point - ou a-t-il simplement demandé que la DCRI lui transmette ce qu’elle avait déjà dans ses cartons sur Jérôme Cahuzac et sur ordre de qui ?

"Je n'ai jamais disposé d'aucun document, écrit ou oral, démontrant que Jérôme Cahuzac avait un compte à l'étranger", assure-t-il, ajoutant qu'il n'y a eu "aucune enquête parallèle" par les services de la place Beauvau.

Manuel Valls a toujours tenu cette ligne. Le Monde, qui a pris connaissance d'une note confidentielle le 12 juin, a déjà en grande partie validé la version du ministre de l’Intérieur.

Sur l'origine de cette note, Manuel Valls parle d'une initiative de son ministère et de la DCRI : 

Par ailleurs, le ministre indique n'avoir jamais parlé de ce sujet avec le directeur de la police judiciaire. Ajoutant, plus tard, que "demander une enquête au renseignement intérieur, suite à des informations parûes dans la presse, comme ça a été le cas le 5 décembre, cela aurait été une faute."

Interrogé sur les doutes qu'il a pu avoir pendant le déroulement de l'affaire, Manuel Valls apporte une réponse semblable à celle de Christiane Taubira. Pour lui, il n'avait pas de doute à avoir : 

Une audition ainsi résumée par notre journaliste, Delphine Legouté :

>> 18h15 - Pierre Moscovici : la couverture ?

Le ministre de l’Economie est soupçonné d’avoir voulu protéger le ministre qui était sous sa tutelle, en orientant l’enquête des autorités suisses. Le 31 janvier, Pierre Moscovici a en effet demandé aux autorités helvétiques si Jérôme Cahuzac avait eu un compte entre 2006 et 2013 à la banque UBS. Réponse négative de leur part.

Les doutes portent sur quatre éléments : pourquoi une recherche uniquement sur les sept dernières années ? Pourquoi viser la seule banque UBS ? Jérôme Cahuzac a-t-il été mêlé à cette demande ? Enfin, qui a fait fuiter dans la presse cette information dédouanant le ministre ?

Début avril, le ministre s’est maintes fois expliqué dans une vaste opération de déminage. [>> ses arguments sont à retrouver par ici].

Dans son propos liminaire devant la commission, Pierre Moscovici espère des échanges "plus objectifs" que lors de son passage devant la Commission des finances le 17 avril. 

"

On m'a reproché la complicité, la duplicité, l'incompétence et la manipulation. Rien ne tient.

"

Concernant les questions posées à UBS en janvier, Pierre Moscovici explique que les "questions posées aux Suisses étaient les plus larges possibles aussi bien dans leur objet, que dans l'espace et le temps". Il estime avoir reçu "une réponse, sans ambiguïté, négative". 

"Et pourquoi n'avoir interrogé qu'UBS ? Pourquoi (une demande sur) UBS seulement ? Parce que c'était le seul et unique sujet en cause à notre connaissance", se défend-il avant de répondre aux questions des députés. 

> L'info qui interroge : Pierre Moscovici affirme être à l'initiative de la demande d'entraide fiscale à la Suisse. Il confirme qu'une réunion sur ce sujet s'est déroulée le 16 janvier à l'Elysée, en présence du président de la République, de Jean-Marc Ayrault, de Jérôme Cahuzac et de lui-même. Une réunion outée il y a quelques semaines dans l'ouvrage de la journaliste du Point Charlotte Chaffanjon.

Pourquoi cette réunion incluant le ministre alors qu'une "muraille de Chine", l'excluant des sujets fiscaux le concernant, était censée être érigée depuis le 10 décembre ? Pour 'l'informer du principe de la procédure", répond le ministre. 

Le hic : En assurant que Jérôme Cahuzac a été informé de la demande d'entraide fiscale, Pierre Moscovici est en contradiction avec l'ancien ministre du Budget qui, devant la commission d'enquête, avait affirmé ne jamais avoir été mis au courant. En revanche, les deux sont d'accord sur le fait que Jérôme Cahuzac n'était pas au fait des termes de la demande française. 

Une contradiction qui fait demander au député UMP Georges Fenech, membre de la commission, de "réentendre Jérôme Cahuzac" pour le confronter.

Pierre Moscovici assure également ne pas savoir comment l'information sur la réponse de la Suisse, favorable à Jérôme Cahuzac, a pu fuiter dans la presse titrée "le ministre du Budget blanchi". Il ajoute même :

"

Quand j'ai lu cet éloge, j'ai ressenti une certaine colère.

"

Pendant plus de deux heures d'audition, le ministre de l'Economie a été largement attaqué par l'opposition sur la réalité de cette "muraille de Chine"érigée autour de Jérôme Cahuzac après les révélations de Mediapart. Après une journée de questions, il est LE ministre visé pour sa gestion de l'affaire. Et comme ses collègues Christiane Taubira et Manuel Valls, plus tôt dans la journée, il affirme n'en avoir jamais parlé avec eux. 

Du rab sur le Lab

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