Arnaud Montebourg, un "réac" qui ressuscite le luddisme, explique le socialiste Pascal Lamy

Publié à 10h09, le 25 juin 2013 , Modifié à 10h16, le 25 juin 2013

Arnaud Montebourg, un "réac" qui ressuscite le luddisme, explique le socialiste Pascal Lamy
Arnaud Montebourg, à Florange, le 27 septembre, brandit "sa" loi (capture d'écran, vidéo BFMTV)

POINT IDEOLOGIE – Un démondialisateur est-ce un réac ? "Affirmatif, Jean-Pierre !" La mondialisation n’est pas coupable, pas plus que les dirigeants d’organisations internationales, et Arnaud Montebourg est donc un "réac", menant un combat digne du luddisme du 19è siècle, ces ouvriers qui, en Angleterre, cassaient les machines textiles pour sauver l’emploi.

Invité d’Europe 1, ce mardi 25 juin, Pascal Lamy, le patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et socialiste français, donné comme ministrable depuis mars 2012, a choisi son camp dans le conflit qui oppose la Commission européenne, emmenée par son président, José Manuel Barroso, au ministre français du Redressement productif, Arnaud Montebourg.

De prime abord - diplomatie oblige - Pascal Lamy renvoie dos-à-dos les impétrants, assurant, façon maître d’école, que tous deux "exagèrent" :

Il s’agit d’une polémique un peu simpliste […] de part et d’autre.

Monsieur Barroso exagère, quand il qualifie les partisans de la diversité culturelle de réactionnaires.

Je crois aussi que monsieur Montebourg exagère, quand il diabolise la mondialisation en l’accusant de tous les maux pour expliquer les difficultés de l’économie française.

Mais en rester à la figure d’un Lamy maître d’école serait réducteur.

Car, côté idéologie, Pascal Lamy,qui s'est déjà frotté à Arnaud Montebourg par le passé, prend en effet un malin plaisir à ringardiser la "pensée" Montebourg, celle qui, alimentée par Aquilino Morelle, surfe, depuis sa campagne lors de la primaire du PS, sur la "démondialisation".

Vidéo intégrale de l'interview de Pascal Lamy sur Europe 1, mardi 25 juin:

Ainsi, à Jean-Pierre Elkabbach, qui lui demande si "la démondialisation est un concept réactionnaire", le patron de l’OMC répond très, très directement :

J’ai prononcé cette phrase il y a quelques temps, et je la maintiens.

Je pense que la thèse de la démondialisation, c’est-à-dire: "Il faut que chacun revienne chez soi et s’isole", est une thèse réactionnaire, comme toutes les thèses qui appellent un retour au passé. La réaction, c’est le retour vers le passé.

[…] Il faut que l’opinion connaisse mieux les ressorts de l’économie moderne et réalise que le protectionnisme au sens de papa ne protège plus […].

Très bien.

Mais alors, les démondialisteurs, ce sont des réacs, n’est-ce pas ?, le relance Jean-Pierre Elkabbach:

Affirmatif, Jean-Pierre.

A ce stade de l’argumentation, Pascal Lamy va alors comparer directement la pensée d’Arnaud Montebourg - qui, la veille, était comparé, pour ses idées, à l’extrême droite par le patron de la Commission européenne - au mouvement dit du "luddisme".

Ce conflit industriel violent a conduit, au début du 19è siècle, en Angleterre, des ouvriers à briser des machines, notamment textiles, pour tenter de préserver l’emploi.

Pascal Lamy n’emploie pas le terme, mais sa comparaison est transparente:

C’est comme ces mouvements qui, au 19è siècle, voulaient casser les machines textiles parce que c’était mauvais pour l’emploi.

Je pense que c’est une attitude passéiste, et que ce qui compte, ce n’est pas le passé, c’est l’avenir. Et la question importante pour l’avenir, c’est de savoir comment les européens ensemble, et pas chacun pour soi, assurer davantage de croissance et d’emploi.

Pascal Lamy souligne également que les responsabilités dans la crise économique sont, à ses yeux, à chercher dans l’attitude des Etats, souverains:

Il y a, à l’origine de la crise économique et sociale […] un défaut de régulation.

Ce défaut de régulation du système financier […] on ne peut pas l’attribuer aux dirigeants des organisations internationales. De nombreuses propositions ont été faites dans le passé pour réguler la finance.

[…] Michel Barnier [commissaire européen français en charge du marché intérieur, NDLR] a raison : la Commission dispose, les Etats-membres disposent. Ce sont les Etats souverains qui sont en contrôle de l’essentiel des décisions.

Cette espèce de division du travail comme quoi, Bruxelles c’est le gendarme, c’est l’affreux Raminagrobis, qui doit vous faire avaler la potion amère, et les gouvernements, eux, ont le beau rôle, c’est quelque chose qui creuse le lit de l’antieuropéisme en France.

Du rab sur le Lab

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