Le Front national va-t-il profiter électoralement des attentats du 13 novembre et du contexte politique qui en résulte ? Nombre d'observateurs le pensent et tous les récents sondages leur donnent plutôt raison. Les élections régionales ont lieu les 6 et 13 décembre et le parti d'extrême droite est sur une dynamique positive, caracolant parfois même en tête dans certaines régions. Mais cette analyse, certains la font depuis un moment déjà.
La phrase suivante date du 30 septembre. L'Opinion la rapporte lundi 30 novembre, du fait de sa résonnance avec l'actualité. Elle est signée Gérald Darmanin, député-maire LR de Tourcoing et directeur de campagne de Xavier Bertrand, tête de liste LR en Nord-Pas-de-Calais - Picardie, face notamment à Marine Le Pen.
Un mois et demi avant les attentats de Paris et Saint-Denis, donc, Gérald Darmanin disait au quotidien :
"La seule chose qui peut faire gagner Marine Le Pen, c’est un attentat 48 heures avant. C’est la candidate de Daesh.
"
Un commentaire fait en dehors du contexte actuel. Contacté par Le Lab pour préciser sa pensée d'alors, l'ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy explique que de manière générale, "Marine Le Pen ne progresse dans les sondages, dans l'opinion et dans les urnes que lorsqu'il y a des problèmes", problèmes qu'elle n'a "aucun intérêt à régler". Et s'il ne "retire rien" à cette phrase, il ajoute que la formule peut aussi s'appliquer à d'autres phénomènes :
"J'ai dit que c'était la candidate de Daesh, mais de la même façon, c'est aussi la candidate du chômage, de l'insécurité, de la surfiscalité ou des tracasseries administratives. Tout ce qui pose problème dans la société est un carburant pour le FN. Et Daesh et Marine Le Pen se nourissent mutuellement.
"
Aujourd'hui, d'autres responsables politiques adoptent cet argumentaire. C'est le cas de Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, qui craignait lundi 30 novembre que le FN ne "vienne à bénéficier des attaques barbares de Daesh". Il estimait par ailleurs que la poussée du parti de Marine Le Pen "favorise la propagande de Daesh". Le 20 novembre, c'est Éric Coquerel, coordinateur du Parti de Gauche, qui estimait que "le FN est l'allié objectif des terroristes".
Et au FN aussi, certains estiment que les attaques terroristes vont se traduire en leur faveur dans les urnes. Marion Maréchal-Le Pen reconnaissait ainsi, le 25 novembre :
"La dynamique était déjà très forte pour nous avant les attentats. Mais il est vrai qu’elle est amplifiée par ce terrible contexte.
"
Et, quelques heures seulement après les attentats, Gilbert Collard n'appelait-il pas à voter Le Pen ?
[Edit 13h : ajout décalarations Darmanin au Lab]
[BONUS TRACK] VU À LA TÉLÉ
Dans le même article de L'Opinion consacrée à la stratégie de Xavier Bertrand pour ces régionales en NPDC, on apprend ce détail étonnant au sujet de son slogan, "Au Travail". D'après le quotidien, le candidat LR y voyait un "marqueur" dans la lignée du Nicolas Sarkozy de 2007 ("Travailler plus pour gagner plus"). Mais pour Gérald Darmanin, l'insipration venait aussi d'ailleurs. Plus précisément de la série américaine House of Cards, très prisée des politiques. L'Opinion écrit :
"Gérald Darmanin a été encore davantage convaincu qu’un tel fil conducteur était le bon choix lorsqu’il a vu la saison 3 de 'House of Cards'. Le président américain, incarné par Kevin Spacey, fait de sa bataille pour l’emploi qu’il mène seul contre tous quasiment l’unique axe de son mandat.
"
Devenu chef de l'État américain, le personnage principal de la série se focalise effectivement sur la création d'emploi, avec un grand plan d'investissement et ce mot d'ordre :
"America Works.
"
Gérald Darmanin précise au Lab :
"Pour une élection comme les régionales en Nord-Pas-de-calais - Picardie, si vous n'êtes pas un candidat connu, que vous ne faites pas une campagne de proximité et que vous n'avez pas un axe majeur pour que les gens comprennent de quoi vous êtes le porte-parole, vous ne gagnez pas. 'Au Travail' est une phrase qui résume bien notre positionnement. Et cette façon qu'a le personnage de Kevin Spacey de faire une sorte de référendum pour le travail, je trouve que ça colle bien avec l'histoire de la région et ses problèmes, ainsi qu'avec l'identité de Xavier Bertrand, qui est un gaulliste social...
"