Bygmalion : l'auto-exemple de Juppé qui écorne la stratégie de défense de Sarkozy

Publié à 10h02, le 09 septembre 2016 , Modifié à 10h11, le 09 septembre 2016

Bygmalion : l'auto-exemple de Juppé qui écorne la stratégie de défense de Sarkozy
Alain Juppé indiquant à Nicolas Sarkozy à quel point la route de son itinéraire judiciaire est étroite © NICOLAS TUCAT / AFP

SOUVENIRS SOUVENIRS - Si vous êtes candidat à la primaire de la droite et que vous êtes interrogé sur les affaires de Nicolas Sarkozy, ou que vous souhaitez en parler vous-même, plusieurs possibilités s'offrent à vous :

a) Taper comme un sourd (c'est la méthode Fillon)

b) Taper presque aussi fort tout en vous défendant de le faire (c'est la méthode Copé)

c) Expliquer que tout cela ne regarde que la justice et que vous n'avez officiellement pas d'avis sur la question.

Cette troisième solution est habituellement celle privilégiée par Alain Juppé. Mais pas aujourd'hui. Ce vendredi 9 septembre sur BFMTV, l'ancien Premier ministre est amené à discuter de ce sujet pour le moins sensible qu'est la relation de certains hommes politiques avec la justice. Comme le lui rappelle Jean-Jacques Bourdin, il est concerné au premier chef, lui qui a été condamné, en 2004, à 14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.

Alain Juppé le reconnaît sans peine. Faut-il pour autant interdire à tout homme politique sanctionné par un tribunal de se présenter à la présidentielle ? Il se débrouille pour ne pas dire "non", expliquant que si telle est l'orientation choisie, il faut alors inscrire dans la loi une peine définitive pour tout le monde. On sent que c'est une façon de sous-entendre que c'est compliqué.

Dans la même veine, vient cette autre question : "Ne faudrait-il pas interdire à un homme politique mis en examen de se présenter à la présidence de la République ?" Pas innocente pour un sou, cette interrogation vise explicitement Nicolas Sarkozy, dont le parquet a requis le renvoi en correctionnelle dans l'affaire Bygmalion. L'ex-chef de gouvernement sort alors son argumentaire classique : "Je vois bien le débat, le débat est clair. Eh bien du fait de mon histoire que vous avez rappelée, je me suis fait une règle : je ne commente pas les décisions de justice. Je fais confiance à la justice, il y a des procédures en cours, c'est cette procédure qui dira le droit."

Il n'en dira pas plus, ce n'est pas la peine d'insister. Oh et puis peut-être que si, en fait. Car vient ensuite ce dialogue au cours duquel Alain Juppé explique que dire aux juges qu'il n'avait pas forcément le nez dans les moindres détails de la vie du RPR à l'époque (comme le fait aujourd'hui Nicolas Sarkozy au sujet de sa campagne de 2012) ne lui a pas évité la case condamnation. Ou comment parler de soi pour mieux indiquer que l'autre n'est pas franchement dans la meilleure posture qui soit. Jugez plutôt :

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- Jean-Jacques Bourdin : Vous ne les commentez pas [les décisions de justice] mais vous dites : 'Un chef doit s'intéresser à ce qu'il se passe en salle des machines'.



- Alain Juppé : Je l'ai dit à mon propos. Dans mon livre, je parle de ça en évoquant ce qui s'est passé entre 93 et 95 ou 98.



- Jean-Jacques Bourdin : Mais le propos de l'époque est vrai aujourd'hui ?



- Alain Juppé : Sans doute. Sans doute, oui [sourire]. C'est aux juges d'apprécier. À l'époque, les juges avaient dit que je devais m'intéresser à ce qu'il se passait dans la salle des machines. Parce qu'à l'époque j'étais ministre des Affaires étrangères [1993-1995, ndlr] et moi aussi j'avais expliqué que je ne pouvais pas m'intéresser à la vie quotidienne de ce qui se passait au RPR. Et les juges ne l'ont pas décidé ainsi. Voilà. M'enfin, ça c'est de l'histoire.

"

Cette leçon de l'histoire politico-judiciaire du pays devrait donc "sans doute" valoir pour le présent, selon Alain Juppé. Pour mémoire, il avait été reconnu coupable d'avoir, en temps qu'ex-secrétaire général du RPR (1988-1995) et adjoint aux finances à la mairie de Paris (1983-1995), couvert la rémunération par la Ville de sept personnes qui travaillaient en réalité pour le parti gaulliste.

Et s'il vient ainsi de flinguer à demi-mots la défense de Nicolas Sarkozy, cela n'empêche pas Alain Juppé de réaffirmer en conclusion, l'air de ne pas y toucher : "Je ne veux pas m'engager dans ce débat, nous avons des juges, ils font leur boulot et je ne vais pas m'immiscer dans cette procédure. [...] Je ne suis pas procureur et je ne suis pas juge."

Simplement un ancien condamné qui partage sa vieille expérience avec ses camarades dans le besoin.



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